Chapitre 1 : Manon. 

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Contexte : Dans le film Into the Wild, inspiré d'une histoire vraie, Christopher McCandless est un jeune diplômé qui décide de partir sur les routes, sans prévenir sa famille. Il n'est pas en accord avec cette société moderne. Il finit par abandonner sa voiture, reverser son argent à une association et brûler des effets personnels. A travers des petits boulots et des rencontres au gré de la vie, Christopher, qui se surnomme Alexander Supertramp, découvre une partie des Etats-Unis, le Mexique et son objectif ultime sera d'atteindre l'Alaska.

(...)

Je regarde l'heure : midi quarante-cinq. La date indique que nous sommes le premier avril mille neuf-cent quatre vingt treize. Je me demande quel va être le poisson d'avril de mon père, aujourd'hui. Chaque année, les idées prennent de plus en plus d'ampleur et cela pour mon plus grand bonheur. Mon père me fait rire, et j'aime de ce rire qu'il le fasse sourire, et de ce sourire que ça fasse un bonheur que l'on se partage.

Je l'aide toutes les matinées au magasin de chaussures, et les après-midis sont pour moi une façon de me ressourcer en allant faire de grandes promenades avec le chien, boire un café et me consacrer à ma passion ou alors faire tout le ménage à la maison pour aider papa, qui a déjà beaucoup de travail.

Il me reste encore une heure au magasin, et ensuite je serai libre. Tant mieux, il fait beau et j'ai prévu une immense balade pour finir par aller me baigner dans la source d'eau que j'ai croisée l'autre fois, au hasard de mes détours.

La sonnette de l'entrée retentit et je vois apparaître un jeune homme d'une vingtaine d'années, pas plus. Il a une barbe, des cheveux mi-longs décoiffés. Il a l'air complètement déboussolé et en a visiblement oublié de nous saluer. Mon père le regarde, sourcils froncés.

  • Oui, bonjour jeune homme ?
  • Bonjour, m'sieur, m'dame. Je voudrais faire réparer mes pompes, je marche depuis vingt-six jours avec. Je crois que mes pieds sont sacrément petits là-dedans.

En disant cette phrase, je remarque à quel point les traits de son visage sont tirés. Il n'est pas en forme. Il a des cernes sous les yeux, sa bouche est sèche, il a le tee-shirt noir et ses chaussures de randonnée sont toutes trouées. Il a l'air gentil. Je vois qu'il pose son énorme sac à dos à côté de lui et alors seulement, je comprends que n'est pas un garçon qui vit de la même façon que les autres. Je me demande si ses parents sont au courant. Mon père se rapproche de plus près, s'agenouille et lui demande ce qu'il a fait pour parvenir à mettre les pompes dans un tel état de ruine.

  • Je ne peux même pas vous les réparer, à ce stade. Il va vous en falloir des neuves, mon petit gars. Ca risque de coûter cher. Très cher.

Le jeune garçon pince les lèvres, peu enjoué à cette annonce. Mon père se tourne vers moi et me lance un clin d'oeil complice : je comprends qu'il s'agit de ses farces d'avril et soudain, j'ai honte. Je n'ai pas envie qu'il fasse de plaisanteries à ce garçon. Je me sens horrible de ressentir une honte vis à vis de mon père, et je ne sais même pas expliquer pourquoi je ne veux pas qu'il fasse ce qu'il s'apprête à faire. D'habitude, je suis la première à rire avec lui. Je me sens obligée de réagir.

  • Papa, arrête. Ne lui fais pas de mauvaises blagues. On va vous réparer vos chaussures, ne vous en faites pas. Repassez ce soir.
  • Mais oui, allez enlevez-les et posez-les sur le comptoir juste ici, réplique mon père, souriant, mais déçu de ne pas avoir pu faire profiter tout le monde de ses blagues.

Le garçon semble me voir pour la première fois. Ses yeux marrons me sondent d'une drôle de façon, m'obligeant à baisser la tête. Mon père se râcle la gorge et propose :

  • Dites-moi, vous n'auriez pas besoin de prendre une douche et de vous reposer un peu ? Ma fille peut vous emmener à la maison, c'est tout près d'ici. On vous dérangera pas. C'est quoi, ton prénom ?
  • Supertramp, Alex Supertramp.
  • Eh bien Alex, bienvenue dans le Montana !

J'attrape les clefs de la voiture avec un quelque chose au creux du ventre qui ne s'explique pas.

Derrière moi, Alex Supertramp et son sac à dos qui doit peser au moins mon poids.

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