Chapitre IV - ... je t'aimerai toute ma vie (3/3)

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Vingt-deux heures. J’étais résignée à honorer le rendez-vous de l’impossible fils de milliardaire. Je bouillonnais intérieurement.

« Tic, tac. Fais-moi savoir de ton arrivée. »

Je l’ignorais au possible. Bordant les plus jeunes de mes frères, je rejoignais la ville, accompagnée par ma seule playlist habituelle. Nerveuse, le volant subissait l’assaut incessant de mes doigts contre son cuir. L’animation citadine de la Grosse Pomme contrastait avec la quiétude de ma bourgade natale. De grands panneaux publicitaires surplombaient les avenues. Broadway. J’arpentais l’avenue du dit rendez-vous à la recherche d’un parking, immobilisée un court instant par la fréquentation incessante des taxis jaunes et des amateurs de théâtres.

« Je suis là. »

La réponse de mon interlocuteur ne se fit pas plus attendre.

« A gauche. Après le bureau de change. »

Incertaine, je délaissais finalement la Ford Escape pour me mêler à la foule environnante sur le bitume. The change group. Une sinueuse ruelle, faisant tâche dans le paysage quoiqu’à peine visible, jouxtait à sa gauche.

« Tu t’es perdue ? »

« Tu te fiches de moi ? Où est-ce que tu es, Nicholas ?»

« Ne fait pas ta mijaurée. Il y a une porte à quelques pas. Emprunte-la. »

Évaluant la sécurité du lieu et scrutant mon dos, je me laissais entraîner. L’allée était scabreuse, faiblement éclairée par un lampadaire enneigé, tandis que mes pieds s’enfonçaient dans la neige à demie-fondue. Une babiole, hein ? Contiguë à l’issue de secours, la bécane attendait son propriétaire.

« Je te le déconseille. »

Une ride se nicha au creux de mes sourcils. J’avais la désagréable sensation d’être scrutée. Levant la tête, je me rendis compte de la présence d’une caméra, discrète quoi qu’apparemment efficace.

De l’intérieur, les notes entraînantes et sensuelles de la musique gagnaient l’extérieur. Celles-ci m’absorbèrent lorsque je pénétrai entre les murs.

En son sein, l’ambiance du club y était chaude, réchauffée par le rouge intense de spots. La ventilation rendait l’air plus respirable au milieu des fumeurs. La Santa Muerta. Les néons affichaient ces quelques lettres que je présumais être le nom du lieu.

– Bonsoir, ma belle.

Au bar, l’hôtesse, tout droit sortie des années folles, tirait avec langueur sur son fume-cigarette.

– Tu cherches Nicholas, hein ?

J’acquiesçais en m’approchant de son comptoir, me frayant un chemin entre deux clients.

- Où est-ce que je peux le trouver ?

Pressant une bière, l’intéressée désigna l’extrémité de la pièce du menton. Lui dédiant un faible sourire en guise de reconnaissance, je suivais la direction opposée à celle de mon arrivée.

Celle-ci m’obligeait à descendre quelques marches avant de me donner accès à la pièce centrale, monopolisée par une clientèle majoritairement masculine.

Je ne mis pas plus longtemps pour réaliser la nature du piège dans lequel je m’étais piètrement embourbée, dévisagée pour ne pas dire déshabillée du regard.

Posté en maître sur une banquette capitonnée, une bimbo blonde se trémoussant sur ses genoux, le damné sirotait son whisky sec. Son unique main disponible fit claquer l’élastique du seul bout de ficelle dont la danseuse nocturne était pourvue avant de lui glisser un mot à l’oreille. Celle-ci sembla rire tandis que le regard du goujat me défiait.

Lorsque sa main remonta à la naissance de sa chute de rein, mon corps s’électrisa. Mon collier. Mon collier se baladant sur les courbes avantageuses de son attraction vivante.

– Laura.

Une légère claque à l’arrière de la cuisse de la jeune femme suffit à la faire s’extraire de son emprise. Nicholas s’affala avec plus d’aisance.

– Tu m’impressionne, commença-t-il en glissant sa clope habituelle entre ses lèvres. Où est passée la mijaurée ? Tu es sûre d’avoir l’âge requis pour rentrer dans un bordel ? Je vais en toucher deux mots à Joe.

Je m’emparai de sa cigarette alors qu’il se saisissait de son zippo.

– Je l’ai laissée à l’entrée, répliquais-je. Mon collier, Nicholas.

Un rictus amusé gagna ses lèvres. Ses doigts, quant à eux, s’enroulaient autour du bijou en guise d’ultime provocation.

– Très bien, s’avouait-il, vaincu.

De la colère à la surprise, je maintenais ma garde. Me dominant de toute sa taille, le brun ténébreux suspendit la chaîne devant mon nez. Je l’attrapais avec la crainte qu’il ne feinte sa repentance, chose qu’il ne fit pourtant pas.

Rapidement, Dark disparu de mon champs de vision, désintéressé par mon sort. Il en était autrement pour une paire de yeux trop maquillée à l’étage.

– A bientôt, chérie.

– Je n’en suis pas aussi sûre.

La barmaid ria si bien qu’elle en crapota. Est-ce que c’était elle « Joe » ? Siégeant sur un fauteuil, accoudée au bar, l’autre oiseau de nuit aux longues tresses africaines et au déhanché sulfureux me toisait avec dédain. Laura. L’installation de deux hommes sur ses deux flancs suffit à duper son hostilité.

Au dehors, derrière la lourde porte de service, régnait un silence de mort. Les mains dans les poches, le menton calé dans le col de mon manteau, je m’étais débarrassée de la cigarette de Nicholas, noyée dans une flaque d’eau.

Subitement, une détonation vint briser la quasi tranquillité de la nuit. Je tressaillis. Sur mes talons, à l’extrémité de la ruelle, deux individus semblaient en découdre avant que la silhouette de l’un d’entre eux ne s’écroule au sol en un temps infiniment long. Vint un second coup de feu, destiné à achever la cible en uniforme. Un cri m’échappa.

Effrayée, j’eus du mal à saisir la gravité de la scène qui se déroulait sous mes yeux, décontenancée malgré l’évidence du crime. L’assaillant, lui, restait froid et stoïque, s’attardant un court instant sur sa victime avant de basculer son attention sur moi. Fuis et ne te retourne pas.

Dans la stupeur, je n’avais pas réalisé l’approche d’un autre homme.

– Hé ! Où tu vas comme ça, poupée ? Viens un peu par là.

Me surpassant d’une tête et demie, l’homme dévoilait un sourire sadique et sa main empoigna mes cheveux.

– Non ! hurlais-je. Lâchez-moi ! Je vous en supplie !

Le complice ignorait mes supplications, s’en amusant d’autant plus.

– Je ne dirai rien, je vous le jure ! imitait le criminel d’une voix criarde et caricaturée. A l’aide !

Tout deux rirent en un écho. Je pouvais à présent discerner leurs visages, en tout point similaires, à la différence que le second affichait une balafre monstrueuse à la joue.

Traînée, je tentais de me débattre, ne réussissant à récolter que de vulgaires insultes et ma projection contre une poubelle avoisinante. A l’atterrissage, ma tête frappa violemment un pavé.

Le sang me monta au nez et ma confusion me priva de mes dernières forces.

- S’il vous plaît…

Et comme pour me préserver du pire à venir, ma vision se flouta.

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