Morphine en 3 actes

de Image de profil de spiroscribespiroscribe

Avec le soutien de  Vis9vies 
Apprécié par 1 lecteur
Image de couverture de Morphine en 3 actes

La tristesse m’a envahi il y a de nombreuses semaines déjà. Le verdict est tombé, l’espoir n’est plus permis. Cette saloperie à gagné la partie ! Mais que faire face à cela ?

J’y vais ou je n’y vais pas ? Y a-t-il une autre option ?

Bien sûr que non !

Serais-je assez forte que pour supporter la douleur ? Vivre avec ces images dans la tête pour toujours ?

Bien sûr que non !

Ais-je vraiment le choix ?

Bien sûr que non !

Je prends la route. Après-tout, la voiture connaît bien le chemin, je n’ai qu’à me laisser guider. Cette route, je l’ai déjà parcourue ô combien de fois … et mes amortisseurs s’en souviennent.

Deux voiturent stationnent déjà devant chez toi. Je reste un instant pensive, à l’arrêt, garée comme je peux, toujours hésitante.

N’écoutant que mon « courage », je franchis ce lourd portail gris, découvrant ainsi cette belle propriété que tu as choisi de rejoindre pour la dernière fois.

En m’approchant de la porte vitrée, je devine ta silhouette … de dos, concentrée sur des mots fléchés, tes lunettes posées sur le bout du nez, devant un verre de coca. Non, je me trompe bien entendu. Je pousse la porte et n’entend pas le son de la télévision. Pas de polar posé sur le coin du buffet. Pas de E.T mordillant mes bas de pantalons. Pas de « Ha, c’est toi ». Rien ! Seulement cette chape de plomb qui vous transperce en quelques secondes.

Des visages gris m’accueillent de leurs regards tristes. Pas besoin de parler ou de faire des politesses, on le sait. La joie a quitté cette maison. Tes lunettes sont sur la table mais ne servent plus à rien. Ton salon s’est transformé en hôpital de fortune. Les cadres photos ont fait place aux nombreuses boites de médicaments …

Morphine tu es déjà là …

Je me dirige vers ce lit dont tu ne sortiras plus désormais. Que fait ce corps frêle perdu dans tous ces draps blancs ? Où est passé ce petit bout de femme si coquette ? Pourquoi t’es-tu affublée de ce masque de mort ? Je m’approche et les souvenirs s’emparent de ma mémoire … Je me devais d’être là car TOI, tu as toujours été là.

Tu étais là dans les grandes étapes de ma vie. Tu m’as appris à sourire et devenir plus sociable. Tu m’as fait découvrir le goût du travail bien fait. Tu as contribué à forger mon caractère en me confrontant à la rudesse de la vie. Tu m’as recueilli lorsque j’avais quitté le domicile familial « pour toujours ». Tu as suivi mes love story et m’a accompagné dans mes délires. Tu as été à l’écoute de mes soucis de boulot et moi des tiens. Tant de choses partagées qui vont voler en éclat … d’ici peu.

C’est dans ces moments-là qu’on se rend compte que des gestes de tendresse, il y en a eu peu. Hé oui, ça ne faisait pas partie de l’éducation reçue ! Tu n’as déjà plus le don de la parole … restent la vue, le toucher et l’audition.

Mes approches seront donc timides et incertaines … je choisis de te parler et de serrer tes mains dans les miennes. Tu réagis encore, l’espace de quelques instants. Je sens ta main se serrer, s’accrocher. Tes dernières forces ? Le revers de ma main se dirige vers ton visage pour te caresser lentement la joue. Tes yeux s’ouvrent et se referment rapidement. Tes dernières sensations ?

Soudain, l’émotion me gagne. Les larmes sont là, au bord des yeux, et ne demandent qu’à s’écouler.

Puisant tes dernières forces, tu me regardes quelques instants … je ne peux donc pas pleurer, tu me vois, tu m’observes, les yeux vagues, perdus, presque transparents.

Je ne peux pas pleurer, je ne peux pas … En un autre temps, tu m’aurais fait la leçon !

Ma poitrine se serre. C’est si difficile de retenir ses émotions.

Sentant mes forces s’échapper, je choisis de te laisser pour prendre un peu l’air. Une fois dehors, je suis prise d’une envie de vomir, de crier, de casser quelque chose …

J’opte pour la cigarette et les sanglots retenus en scrutant le paysage.

Ironie du sort … c’est à cause de cette saloperie que tu en es là !

Je choisis de rentrer. Ma mère est là, dans la cuisine. Nos regards se croisent.

« Tu veux que je reste avec toi cette nuit, pour veiller ? »

« Non, ma chérie ! Sors d’ici et vas te changer les idées si tu peux. Ce n’est pas ton combat, c’est le mien. Garde tes forces pour ceux qui t’attendent. »

Ce n’est pas faux …

Je retourne à ton chevet. Tu sembles dormir paisiblement. Je pose un doux baiser sur ton front.

Tes yeux s’ouvrent rapidement et me scrutent. Cela ne dure que quelques secondes … un dernier au revoir ?

Avant de partir, je suis du regard ce tuyau transparent qui te relie à cette étrange machine ; cette même machine qui a pour mission d’abréger tes souffrances.

Au même instant, l’infirmière mandatée pour tes soins fait son entrée dans la maison. Elle s’approche du lit et semble t’ausculter. Tout le monde observe dans un silence profond.

« Il n’y en a plus pour très longtemps, le bas du corps se refroidit déjà » nous informe-t-elle.

Elle se dirige vers la machine, l’ouvre et y insère la prochaine recharge …

Morphine tu agis …

Je reprends la voiture direction Hirson. Mes larmes n’en peuvent plus de couler.

Heureusement que j’avais prévu un petit dîner avec les copines ce midi ! Je vais essayer de trouver un semblant de sourire au fond de ma poche pour avaler le reste de la journée … ou pas.

La route du retour m’a semblé bien triste et longue ce jour-là même si mes fidèles amies avaient fait le maximum pour me changer les idées.

La soirée, ponctuée de chansons souvenirs et de visionnages de photos, m'a transportée dans la nostalgie, jusqu’à ce que la fatigue me gagne et ne me quitte plus.

Cette nuit-là, mon téléphone a vibré sur le coin du vaisselier. Je ne découvrirai ce message que le lendemain matin, à mon réveil :

« Ta marraine nous a quitté cette nuit. Elle ne souffre plus. »

Morphine tu as gagné !

TragédieAutobiographieDéfidouleurmaladiemort
Tous droits réservés
1 chapitre de 4 minutes
Commencer la lecture

Table des matières

Commentaires & Discussions

MorphineChapitre6 messages | 6 ans

Des milliers d'œuvres vous attendent.

Sur l'Atelier des auteurs, dénichez des pépites littéraires et aidez leurs auteurs à les améliorer grâce à vos commentaires.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0