Jour froid

2 minutes de lecture

Mienne, mienne,

À la vie à la mort

Elle sera toujours mienne, mienne.

Les épines ou les sorts

N’y pourront jamais rien.

Les voleurs de baisers

Aux grivoises pensées

S’en iront tous, brisés

Car moi, je les attends

Pour leur botter l’fessier !

Les parois gelées du donjon résonnent de cette comptine plus marmonnée que chantée.

Mienne. Mienne.

Il approche.

Mienne. Mienne.

La porte en bois massif tourne sur ses gonds.

Mienne. Mi-AAAARRRGHH !

Le gobelin sursaute à la vue de l’araignée qui tournicote, insouciante, au bout de son fil tendu dans la lumière du jour somnolent. Non, le gobelin n’a pas peur des arachnides. Il en chasse régulièrement, à coup de « ouste ouste » et de gestes dispersés. Son cri d’horreur à l’instant doit certainement être dû au fait que la bestiole vient d’atterrir sur ma figure carotique. Je sens ses pattes velues hésiter. Par où donc commencer l’exploration de ce visage inconnu ?

J’entends mon gardien s’avancer, et anticipe avec curiosité la méthode choisie pour se débarrasser de l’intruse. Osera-t-il l’écraser sur mon nez d’une tape habile ? Efficace, mais cela supposerait de me toucher, chose qu’il ne fait jamais. Non. Il opte pour une approche inoffensive, tire sur le fil auquel elle est encore accrochée, et se dépêche de la mettre à la porte. Ou plutôt, à la fenêtre, si j’en crois le vent glacial qui s’engouffre soudain dans la chambre. Cela dit, la pièce était déjà froide. On n’allume plus les feux depuis que les vivants ont évacué.

Encore heureux que je ne sois pas sensible aux températures brumales, car la fenêtre reste ouverte. Le chasseur d’araignées doit en profiter pour aérer un peu. Le soupçon de chaleur que je perçois sur ma peau exposée annonce une journée clémente et ensoleillée. Un temps idéal pour faire un peu de ménage. D’ailleurs, le voilà qui se met à épousseter les meubles, secouer la descente de lit, et remonter ma couverture jusqu’au menton.

En voilà un mystère que je n’arrive pas à résoudre. Comment se fait-il que ma couverture bouge alors que moi, je reste complètement immobile ?

Mienne. Mienne.

Il a repris sa litanie.

À la vie à la mort

Elle sera toujours mienne, mienne.

Si mon corps inerte pouvait frissonner, je tremblerais de tous mes membres, car je sais bien à qui s'adresse cette rengaine.

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