Chapitre 8 : Chloé (bis) - Le bal

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Vingt heures quinze. J'avais encore un peu de temps devant moi pour me rafraîchir les idées. En arrivant Chloé était encore là. Elle se jeta sur moi et me serra très fort comme si elle avait eu peur de m'avoir perdu.

—Comment te sens-tu ? Ne m'en veux pas, j'étais inquiète et comme ton ordinateur était encore allumé, j'ai su de quoi il retournait.

Je ne lui en voulais aucunement. Ni à quiconque d’ailleurs.

—Ça va. Ne t’inquiète pas. J'ai juste besoin d'une douche, je me change et je vous rejoins.

Je me faufilai dans ma chambre m'écroulant sur mon lit comme pour mieux retrouver mes esprits. Les yeux clos, je cherchais un second souffle et à vider mon esprit. Quatorze heures d’avion pour autant de temps sur place. Une douche froide s’imposait. Le jet brutal me fouettait la peau. Je sentais mon énergie vitale circuler dans mes veines.

J’avais opté pour un costume d’un bordeaux élégant, histoire de me démarquer des autres invités. La corvette filait à toute allure en direction de l’Université de Columbia. Les événements s’étaient enchaînés rapidement. Je passais d’obsèques à réception grandiose.

Arrivé au Mandarin Oriental, je ressentis l'effervescence que cette fête dégageait. La salle était déjà bien remplie. Entre poignées de mains franches et accolades, j'essayais de me faufiler dans la foule quand une main me retint. C'était Éléonore.

—Je t'ai trouvé. On est installé là-bas. Elle me tira à travers le dédale de convives et à peine eu-je temps de me dégager que Rachel se jeta sur moi.

—Je me suis inquiétée ! Où étais-tu ? Tu ne m'as rien dit. Les garçons m'ont dit que tu étais parti dans l'urgence.

Elle déblatérait tout en se serrant fort contre moi, à la limite de la suffocation, et avec un brin de colère ou de frustration que sais-je.

—Une triste nouvelle. Les funérailles d'une personne qui m'était particulièrement chère. L'affaire de vingt-quatre heures le temps de faire l'aller-retour Londres. Ce genre de tragédie qui ne donne pas envie d'en parler. Je suis revenu aussi vite que possible.

—Londres ? Qui était si important pour toi ?

J'éludai ouvertement la question et allai saluer mes amis tout en la tenant par la main. Les conversations fusaient. Nous croisions des visages resurgis du passé et concentrés pour quelques heures en cet endroit. Babillages, bavardages, des verres qui s'entrechoquaient dans une ambiance détendue.

L'espace d'un temps, les invités oubliaient leurs rituels quotidiens, le travail, le poids du mariage, les enfants, leur solitude ou leurs problèmes. Ils se sentaient étudiants à nouveaux. Mais leurs rides creusaient le sillon de leurs dernières années. L'âge est dans la tête, mais il se voyait sur nos fronts.

Rachel m'avait attiré sur la piste de danse. Elle m'enlaçait et savourait l'instant trop bref interrompu par mes vieux démons. Une danse aérienne. Une pause apaisante qui n’allait pas durer. Mon vieil ennemi, Aaron, venait de débarquer avec ses anciens coéquipiers de football américain. Leur arrivée était bruyante et ridiculement théâtrale.

—Regardez-moi ça les mecs, on a retrouvé notre mascotte !

Il venait de gâcher ma danse et je décelai un trouble chez Rachel. Elle fit volte-face vers son ancien compagnon lui intimant de se calmer et de se faire discret. Je pris la relève.

—Je vois que tu n'as pas changé Aaron. Toujours aussi arrogant.
—Par contre toi, tu as changé la mascotte. Monsieur est tout beau, il pue le fric et sort avec mon ex. Où t'es-tu enfuie mascotte ? Tu en avais marre qu'on te mette sur la gueule ?

Je le fixai intensément pendant qu'il paradait. Rachel intervint et l'extirpa loin de moi afin de le calmer. Je fis demi-tour. Allan et Archie avaient entrevu la scène et étaient rassurés que la situation n'aie pas dégénéré. Nous reprîmes les mondanités avec d'autres anciens élèves.

Chloé était parfaitement à l'aise, entourée de copines de fac, refaisant le monde et se rappelant leurs soirées filles. Allan restait toujours aussi populaire auprès de la gent féminine. Mais la donne avait changé. Il n'avait plus peur de montrer qu'il était amoureux et tenait fermement Anne par la taille comme le bien le plus précieux. Archie et Éléonore avaient l'habitude des mondanités et survolaient la soirée de leur flegme légendaire.

Quant à moi, j'avais perdu ma cavalière. Cela faisait un bon moment qu'elle s'était éclipsée cherchant à calmer son ex footballeur. Ma sérénité commençait à s'effriter d'une lenteur atroce. Elle réapparut finalement avec un sourire gênant aux lèvres et s'excusant de son absence prolongée.

—C'est Aaron, que veux-tu ? Il est insupportable et je suis la seule à pouvoir le calmer.

Sa réponse était loin d'être satisfaisante, mais je m'en accommodais, évitant d'aggraver le conflit qui couvait. Car vous savez ce qui est absurde ? C'est de refaire la même chose et dans attendre un résultat différent. Nous avions repris notre danse, mais le répit fut de courte durée.

—Qu'est-ce que tu lui trouves ? Beuglait-il.

Allan, Archie et Chloé débarquèrent. Je fis un pas en arrière en les bloquant du bras. Je voulais assister à la scène qu'il faisait à Rachel. Il sentait l'alcool à plein nez et offrait un spectacle des plus pitoyables.

Et pourtant, dans sa tentative de vouloir récupérer sa belle d'autrefois, j'y voyais quelques traces de sincérité. Peut-être que Rachel ne m'avait pas tout dit et qu'elle avait éludé quelques points capitaux sur sa relation avec lui. Il baissa d'un ton et se laissa ensorceler par sa voix rassurante. Puis elle tourna la tête dans ma direction.

—Je suis désolée. Je ne voulais pas t'infliger ça. Je vais rentrer avec lui.

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