Chapitre 7 : Rachel - L'invitation

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Les vacances furent salvatrices. Mon temps fut partagé entre ballades côtières et une semaine en Europe sur l’île de Zante. Je ressentais les forces vives de mon être et une confiance insolente animait toutes mes intentions.

Maureen se félicitait de revoir ce Alessandro conquérant qu’elle avait détourné du chemin. Quant aux amis, cela les rassurait de me revoir réanimé par de folles envies et d’impétuosité. Et c’est à cet instant que je me sentais plus félin que jamais.

J’aime ce rôle du séducteur carnassier. Ma rencontre avec Rebecca tant années plus tôt avait changé la donne. Chaque rencontre était une destination nouvelle. À chaque fois, j’espérais ne ressembler à aucun autre des hommes qu’une femme eût pu croiser. En intellectuel irréprochable, doté d’une culture générale bien au-delà de la moyenne, j’aimais sonder les femmes, les malmener d’insinuations, de mots subtils, jusqu’à les faire chavirer… Chloé le savait. Rachel le savait aussi.

Depuis mon retour, de dialogues en subterfuges et incertitudes, elle s’était soumise, presque à mon insu, à cette méthode détournée d’investigation. Mais, loin d’être sotte, elle avait donné la réplique assouvissant mes interrogations.

On s’était cherché, on s’était deviné. Je connaissais l’issue de cette parade amoureuse : on se trouverait. C’est cela le jeu de séduction, un jeu qui prend aussi des allures de rivalité, plutôt que de complicité. Mais, parfois nous, les hommes, sommes implacablement diaboliques pour arriver à nos fins ...

Rachel et moi nous étions rapprochés de plus en plus. J’avais pris l’initiative de notre nouvelle rencontre. Entre acceptation implicite d’Allan, moue artistique d’Archie et désapprobation masquée de Chloé, j’avais fait le choix d’avancer vers un inconnu que je rendais certain.

L’insouciante légèreté de mon être me rendait arrogant et j’en étais conscient. Rachel et moi nous étions retrouvés dans un bar plutôt cosy et nos babillages allaient bon train.

—Tu as des jambes extraordinaires ! Je lui murmurais à l’oreille, ponctuant ma dévotion d’une caresse sur la douceur des bas, voire d’une main plus audacieuse tentant de glisser négligemment sous la jupe fendue.
—N’abuse pas de tes atouts. Tu me plais, je ne sais pourquoi et autant te l’avouer, mais de là à me donner en spectacle.

Rachel restait une femme sublime. Un peu trop peut-être, mais on ne va pas minauder. Les années écoulées avaient sculpté sa maturité physique. Des yeux hypnotiques, une bouche à embrasser, une silhouette exquise ponctuée d’une fabuleuse chute de reins. Elle n’était pas sophistiquée. Une beauté naturelle surgie du Michigan.

La bouche en cœur, elle croqua délicieusement dans une fraise, attendant le verdict. Je la dévisageai. Aucune trace de bavure, aucune erreur. Une femme rare. Une femme que d’autres envient. Une femme qui crée la bavure aux lèvres des hommes.

Le regard inquisiteur, je m’amusais à la déstabiliser. Ma voix charmeuse persiflait en intentions.

—Que vois-tu monsieur le beau parleur ?
—Je vois l’impatience de tes attentes. Tes yeux te trahissent. Je vois cette lueur, cet éclat. Tu aimes ça. Avoue et j’arrête tout.
—J’avoue, mais juste pour que tu cesses immédiatement. Voilà, ça y est je regrette déjà.

Elle jouait le jeu avec un air faussement farouche.

—Tu regrettes ? Soit. Restons-en là, je me suis égaré je crois.
—Non !

J’avais vu juste.

—Tu vois, tu mens.

Ne jamais lâcher l’emprise quand le non peut être habillé d’un oui.

—Mais qui es-tu donc Ale ? Qu’es-tu devenu ? Je ne te reconnais plus.

J’avais marqué une pause. Même si j’avais évolué, je n’en gardais pas moins les stigmates. On a beau être homme, on cherche autant l’amour que les femmes. Je voulais qu’elle me dise qu’elle me trouvait beau. Que ses yeux soient emplis de tendresse discrète et de sentiments voluptueux.

Je voulais croire qu’elle pouvait m’aimer comme elle n’avait jamais aimé quiconque et comme jamais je n’avais été aimé. Pourtant, la raison qui se faisait écho me rappelait combien j’avais été faible, naïf, fragile, discret mais émotionnellement démonstratif. Et, même si le doute s’insinuait, je me devais de continuer d’afficher ma confiance insolente.

—Il parait que le plus grand stratagème du diable est de persuader de sa non-existence. Imagine Lucifer lui-même habillé en homme séduisant. Et, pour séduire une femme extraordinaire, je suis capable de tout, même pactiser avec lui.

Elle en riait.

—Tu n’arrêtes donc jamais ?
—Jamais ! Je te promets une soirée riche en sensations, accepte !

Elle était proche du point de rupture.

—C’est vrai que tu m’as quelque peu séduite et ton injonction a le mérite de m’abuser. Ma curiosité et d’autres interrogations me poussent à vouloir accepter ton invitation. Alors je me lance… Quand et à quelle heure ?
—Convenons d’un endroit. Chez toi ?
—Sûrement pas !

Réponse évidente tant elle se sentait en insécurité.

—Changeons de perspective. Je t’invite à dîner. Italien. Times Square. Le Carmine’s. Vingt heures. J’ai dix mille choses à faire auparavant. Un dernier détail : soit glamour, je te veux envoûtante.

—Encore des ordres… Décidément, c’est un trait nouveau chez toi, mais l’affaire est entendue : vingt heures là-bas !

Elle déposa un léger baiser au coin de mes lèvres et puis s’éclipsa. Sa silhouette, qui fuyait, me tenait en haleine. Je la dévisageai, l’envisageai comme une grande prédatrice, une femme inconsciente de ses capacités de séduction.

Dans toutes ses investigations, et dans mes insinuations, elle devait se demander quelle raison avait bien pu la pousser à accepter cette invitation. Elle devait sûrement réfléchir à tous les scénarios possibles, du plus sage au plus sordide, d’un simple dîner à l’éventualité d’une soirée plus intime.

La machination était en place. Ce sera mon imaginaire qui l’emportera, et j’étais persuadé qu’elle le savait, ou du moins, le devinait. Tout cela allait se résumer à un dîner, peut-être, un verre pour clore la soirée, mais rien de plus, rien de moins, devait-elle se dire. Et pourtant, je n’étais pas de ces hommes qui se contenteraient d’un simple repas ou d’un simple verre…

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