Chapitre 3 : Rita - L'approche

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Minuit. Le bar s’était enfin un peu désempli. La nuit s’était bien installée. Boire était une chose, mais manger un bout était bienvenu.

— Allons grignoter quelques tapas à l’intérieur. La carte est excellente et le service plutôt raffiné.

Autant réveiller les papilles gustatives en prémisses à un meilleur festin. La serveuse nous trouva une table en retrait de la foule bruyante. L’ambiance restait festive et colorée, sur des accords latins. Rita s’installa voluptueusement à sa place. La lumière diffusait un halo sulfureux. Nous reprîmes allègrement notre conversation. Elle me parlait de traditions italiennes.

—Tu sais, en Italie, en début de soirée, les jeunes gens prennent d’assaut les rues, des plus grandes villes aux plus petits villages. Plus qu’une simple ballade, cette tradition consiste à voir et à être vu.

Je souriais à son anecdote.

—C’est également un bon lien social qui permet à toutes les générations de se retrouver et de se rencontrer.

Elle me racontait tout ce pittoresque avec son petit accent sexy. Elle maîtrisait plutôt bien notre langue. Elle me plaisait vraiment. Elle commença à me harceler de petites questions. Je n’aime pas m’attarder sur ma vie. Elle n’avait pas besoin de tout savoir. Je m’appliquai religieusement à répondre avec légèreté et sans embarras, tout en évitant les sujets graves. Ses yeux verts s’illuminèrent à nouveau quand nous abordâmes mes écritures.

—Des origines italiennes, un voyageur, un poète. As-tu d’autres choses à me révéler ?

Elle semblait aimer les jeux de mots et les portées secrètes quand ils éveillent les sens et qu’ils suggèrent. La voilà donc mon arme. Elle voulait lire ce que j’écrivais. Pas moi. Du moins pas dans l’immédiat. La discussion close, elle se leva soudainement et me prit par la main.

— Viens danser !

La musique était parfaitement choisie pour cet instant. Elle se déhanchait et se rapprochait de moi. Mes mains accueillaient sa taille délicate. Son regard jetait des provocations. Je prêtais à son corps une maligne attention. Son rire était brillant et éclaboussant. Ses bras s’accrochèrent à mon cou. On se chuchota. Je déposai au creux de son oreille quelques tendresses intimes. Elle virevolta avec classe et continua sa danse volcanique, balançant son corps sur des rythmes devenus plus endiablés.

Mes yeux acquiescèrent à l’invitation et se calquèrent sur la cadence de son fessier. Elle savait exactement ce qu’elle avait initié et faisait bouillir en moi une fièvre fort justifiée que je n’avais pas envie de maîtriser. En cet instant, c’était elle la féline. Mon esprit me répétait, qu’après l’avoir déshabillée du regard, ses vêtements finiront au sol, en bazar, un peu, beaucoup, passionnément. Je devais laisser la soirée faire les choses, mais dicter l’issue de notre rencontre.

Je glissai habilement derrière elle et m’accordai à son chaloupé. Je l’embrassai sur l’épaule. Le frisson eut l’effet d’une secousse. J’usai de mots, elle de soupirs. Doucereux, vaporeux, fabuleux. Nous étions en dérive. C’était le moment d’amorcer le virage. Ses yeux colorés déposaient en filigranes le feu de ses pensées. Je ne devais pas faiblir maintenant. À contre-courant, je cassai le rythme et retournai au bar récupérer la bouteille « trophée » de la soirée. Je me devais de décrocher quelques instants de son emprise.

Allan et Archie tentaient de me retenir et m’incitaient à les accompagner dans une tournée nocturne. La conquête d’Allan avait contaminé les garçons d’une envie contagieuse de faire la fête jusqu’au bout de la nuit. J’eus à peine le temps de décliner leur invitation que deux mains agrippèrent ma taille. C’était elle. Avec son sourire éclatant, elle se représenta à mes amis. Médusés par ce petit bout de femme qu’ils avaient accueilli en début de soirée, ils m’extirpèrent du groupe.

Alors qu’elle discutait avec la copine d’Allan, Archie me torturait de questions indiscrètes. Je n’avais aucunement envie de répondre à cet interrogatoire inquisiteur, même si c’étaient mes proches. Je voulais simplement être tranquille.

Rita regardait dans ma direction. Elle ne s’inquiétait pas de l’issue de cette nuit. Certaines fins paraissent inéluctables. Deux pirouettes verbales plus tard et je me débarrassais finalement de la présence indélicate de mes compères.

J’avais évité la tragédie et me faufilai tel un chat à travers les clients. Cette foule d’habitués n’existaient plus pour moi. Je retrouvai mon Italienne un peu plus loin. Un sourire coquelicot dévoilait son collier de nacres. Elle m’agrippa et me tira vers le bar en me promettant de ne plus me lâcher.

Nos tensions étaient palpables et ses doigts délicats parcouraient en caresses subtiles mon bras. Nos pensées étaient perverties et nos charmes susurrés. Nous devinions nos peaux à peine effleurées. Nos quelques silences étaient éloquents. Le timbre de nos voix était un écho aux plaisirs qui se murmuraient. Je pris sa main. J’empoignai son corps et le plaquai contre moi. Je la sentais respirer, sa bouche sur mes tempes. Ma main sur son dos devenait ferme et redoutable.

Notre étreinte était dévoilée, improvisée, imposée et providentielle. Je la réclamais toute entière dans mon élégante arrogance. Elle inventa la réponse d’un baiser brûlant. Puis, câline, instinctive, elle chaloupa sa démarche vers la sortie. Je la suivis. Allan et sa copine providentielle me jetèrent un clin d’œil complice.

La petite fraîcheur du soir avait un goût de bénédiction. Calés, collés, mes pas dans ses pas, nous marchions sur Broadway. Il n'était pas si tard. Il n'est jamais tard dans les moments divins.
Dans les lueurs bleutées de la nuit qui s’annonçait, nos attirances charnelles s’animaient plus encore. Indolente, troublante, elle ne lâchait pas mon bras et me susurrait le plaisir qu’elle avait d’être en ma compagnie.

—J’aime ce genre de rencontres. Une sortie, un verre, une danse…
—Ça m’arrive tout le temps !

Elle éclata d’un rire franc.

—Je vois, tu es un tombeur.
—Moi ? Je suis tout sauf un séducteur. Je laisse volontiers ce rôle à Allan.
—Je ne suis pas d’accord. Vous avez simplement des tactiques différentes. Tu semblais plus ambitieux avec moi tout à l’heure.
—Je te l’accorde. Mais je suis aussi le champion de la maladresse.

Je commençai soudain à douter. Était-elle en train d’éroder mon capital confiance ? Était-elle en train de me tester ? On s’arrêta au Bowlmor Times Square pour immortaliser notre rencontre dans un vieux photomaton. De grimaces en bisous, de fous rires en moments tendres, nous martyrisions la machine de nos souvenirs.

—Tu vois ce sourire ?

Elle pointa une des photos que nous avions prises.

—C’est un sourire capable de faire rayonner une assemblée entière. Il peut être contagieux et faire craquer des femmes comme moi…

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