Chapitre 2 : Abigaël - Envie de nuit

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Abigaël était pensive. Le train qu’elle cherchait tant à attraper, c’était un peu comme pour rattraper sa vie. Mais nous savions que son histoire avait pris fin, il y a bien longtemps. Elle encore plus que moi. Alors que nous nous dirigions vers l’hôtel, elle prit le temps de s’asseoir sur un banc.
—Où cela me mène-t’-il ?
Je ne m’étais aucunement posé la question. J’avais saisi l’instant. Je l’avais occupé quelques heures, juste pour qu’elle oublie un peu.
—Je ressasse mon passé en permanence. Tu sais, ça ne sert pas à grand-chose, mais c’est une forme d’occupation.
—Vas-tu le revoir ? Lui demandais-je.
—C’est ça le problème… Aujourd’hui, il semble heureux sans moi.

—Puis-je te donner un conseil ?

Elle me fixa de ses grands yeux verts.

—Ne t’arrête pas de vivre pour quelqu’un qui n’est pas fou de toi. Tu passerais à côté de plein de choses, de nouvelles rencontres, et d’autres surprises.

—Que dois-je faire alors ?
—Fais tout ce dont tu as envie. Rien ne te retient, seulement toi.

Elle se leva, fit quelques pas puis se planta devant moi.

—À t’entendre, les choses sont si simples.
—Rien n’est aisé. C’est juste que pour prendre son bonheur en urgence, il faut commencer par soi. Et ne pas penser d’abord aux autres. C’est une leçon que j’ai retenue il y a quelques années. Et aujourd’hui, je m’efforce de l’appliquer.

Elle renchérit.

—T’ai-je déjà dit que je me méfiais des gentils garçons ?
— Oh que oui ! Mais qu’est-ce qui te fait croire que je suis gentil ?

Elle sourit.

—Je t’aime bien Alessandro. Tu as été vraiment adorable avec moi depuis notre accrochage, alors que je ne t’ai pas ménagé. C’est quoi la fin ?

—Celle que tu choisiras.

Je m’étais relevé afin d’être à sa hauteur. Elle faisait des aller-retours devant le banc, soupesant sa situation. Puis, elle s’arrêta net devant moi et m’embrassa. La rencontre fortuite de deux visages. A quoi pensait-elle ? Elle me déconnecta de son baiser, saisit son sac à main, chercha dans son bric-à-brac son gloss, en repassa vite fait sur ses lèvres puis le rangea. Elle me dévisageait. Je ne savais pas ce qu’elle cherchait.

—Je t’accorde le reste de la nuit. Je partirai à l’aube.

Sans faillir, ses lianes s’agrippèrent à mon cou et elle m’embrassa à nouveau tendrement, puis passionnément. J’aimais cette douceur dans l’échange. Je restais surpris par sa démarche, mais elle semblait décidée à vouloir passer la nuit avec moi.

—Je suis surpris, mais flatté de ton approche.

Elle me sourit révélant ses blanches perles parfaitement alignées.

—Je suis une gentille fille si tu en doutais.

Mon éclat de rire fendit le silence.

—Je n’aime pas les filles sages.
—Je n’ai pas dit que j’étais sage.

Elle semblait tout à coup malicieuse. Rien qui puisse correspondre avec la jeune femme que j’avais involontairement bousculée dans la gare. Elle me tira vers l’hôtel. Nous avions atterri au Royal Monceau.

—N’oublie pas, tu as jusqu’au petit matin. Ensuite, tu ne me reverras plus.

Sa détermination m’intriguait. Nous nous faufilâmes jusqu'au nid d'amour fugace. À peine entrée, elle me colla contre le mur et tortura ma bouche fougueusement. Elle révélait en cet instant un appétit vorace et une volonté de succomber aux délices amoureux sans aucune entrave. Puis elle me libéra, lança une œillade coquine et si dirigea vers la salle de bain. J'en profitai pour me servir un petit cognac et allais sur le balcon de la suite pour savourer une cigarette. Les volutes qui s'en échappaient dansaient dans l'air agréable de cette soirée. Il était à peine vingt-deux heures. Je ne réfléchissais à rien. J'étais simplement conquis de l'instant présent.

Mais les pensées devaient se bousculer dans la tête d’Abigaël. Elle s’était réfugiée dans la salle d’eau pour se rafraîchir tandis que je profitais de la vue parisienne. Et moi, j’avais l’air perdu dans les miennes. Le réel et l’imaginaire forment un tout indissociable. J’essayais de déchiffrer ses secrètes intentions. Que pouvait-elle se dire ? Assise sur le carrelage, voguait-elle de rive en rive érotique ? Que pouvait lui suggérer son imagination ? Le temps qu’elle s’apprêtais, je lui inventais des répliques qu’elle pouvait se chuchoter face au miroir :

« Fais-moi l'amour. Si fort. Si dur. J'ai envie de serrer mon corps chaud et alangui de moiteur contre le tien. Je veux sentir ma chair de femme meurtrie dans la sienne. »

« Ruine-moi de baisers langoureux. Puissants. Mordants. Que ton regard de braise me brûle la poitrine. Que, telle une coulée de lave, ta chaleur glisse le long de l'échine et jusqu'au bas de mes reins. »

« Que tes mains fassent des arabesques, me griffent, et me transforment en panthère. Qu’elles suivent le parcours à l'entrée de mes cuisses et s'arrêtent sur mes fesses. »

« Sois fou ! Renverse-moi sur le lit ou colle-moi contre le mur… Dans tes gestes pas très sages, sur ma peau en détresse, tatoue-moi de sauvages morsures. Que je sente tes mains arrimées à mes hanches de désir… »

« Je veux sentir tes mains allant, venant, une langue qui glisse sur mon corps usé de chagrin et accepter le frisson que tu me fasses perdre la tête. »

« Dans ce désir torride, fais-moi frissonner d’un plaisir fabuleux. Je veux que mes yeux s’éteignent quand ta bouche vient remplacer ma main dans ce delta d’où déferleront mes nectars érotiques. »

« Sans aucun tabou, je veux être celle que tu veux que je sois. Là, présentement, il n’existe que toi et moi… Qu'importe demain, c'est ici et à cette heure-là que je veux être à toi, que tu ne sois qu’à moi. Toi qui a été là quelques heures plus tôt quand rien n'allait plus. »

« Je veux sentir ma peau collante, transpirante, et mon souffle s'accélérer. Je veux t’entendre respirer fort, voir ta tête se pencher, tes lèvres charnues s'ouvrir à moitié, que tu te glisses en moi et qu’on s’imbrique en corps à corps damné. »

Toutes ces suggestions que je lui concevais avaient réveillé mon addiction. Abigaël me faisait attendre patiemment. Est-ce que cela en valait la peine ? De toute façon, il est trop tard pour reculer. Finalement, elle ouvrit discrètement la porte de la salle de bains et observa son homme du soir.

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