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Si fatiguée. Je suis si fatiguée. Mais il ne m’aura pas, jamais.

Cesse de lutter, petite pensée.

La voix joue avec moi. Que veut-elle ? Je ne veux pas le savoir. Je veux m’enfuir. La colère enflamme mon être.

Les fils me hissent au-dessus du cœur brûlant. Le léger filin accroché à mon coude gauche tressaute, mon bras suit le mouvement. Il me prend pour une poupée ?! Je résiste aux tiraillements.

Laisse-toi faire, petite pensée.

Savoir que je le contrarie me procure un intense plaisir. Je force d’autant plus. J’essaye de casser les fils.

Petite pensée… Pourquoi ?

La voix se fait peinée. Les liens mordent ma chair avec plus de force. Ils m’obligent à me tourner. Mon regard tombe à nouveau sur cet œil. Vision cauchemardesque. Des tentacules se meuvent tout autour, raccrochées à ce globe gigantesque telle des pattes d’araignées.

Que vais-je faire de toi, petite pensée ?

Je veux qu’il me libère, il le sait, j’en suis persuadée. Il paraît déçu. Le tentacule qui m’enserre la cheville se détend. Non ! Je ne céderai pas ! Avant qu’il ne me lâche vers l’abîme infernale, je me plie pour l’attraper. Je peine à rester accrochée, il est glissant comme du savon.

Allons allons, petite pensée, il faut recommencer.

Je ne m’inclinerai pas. J’essaye de trouver une issue, une échappatoire. Le tentacule se met à descendre vers le four. Il veut me brûler vive. Mon regard est obnubilé par cette gueule, prête à me dévorer. Un détail attire mon attention, le four est posé sur un sol crevassé en de nombreux endroits. Si j’arrivais à en atteindre une. La chaleur devient vite insupportable. J’effectue un mouvement de balance, prends de plus en plus d’ampleur et lâche cette horreur à l’instant où mes habits s’enflamment spontanément.

Non ! Sale garce !

Je suis une boule de feu, chutant droit vers une petite crevasse. Je vois des tentacules plonger vers moi, mais les flammes consumant mes vêtements les repoussent. Par certains endroits, c’est ma peau qui se met à brûler. L’odeur me donne envie de vomir, je manque de tourner de l’œil sous l’effet de la douleur.

J’atteins enfin la crevasse, m’y engouffre de justesse. Je plonge dans le noir à une vitesse folle. La voix dans ma tête se fait de plus en plus lointaine, absente.

Sale garce ! Sale garce ! Sale ga… ! Sale g… ! Sale… ! Sa… ! Ssssss… ! Ssss… ! Ss… ! S… ! …

Je pénètre une masse d’eau. Les flammes s’éteignent. Je suis plongée dans les ténèbres, ballotée par le courant. C’est une rivière. Mes cris sont étouffés par les flots. Ma main attrape une planche de bois, enfin, j’espère que c’en est une. Je me hisse dessus et m’affale sur le dos, brisée, épuisée. Ma poitrine se soulève difficilement, chaque respiration me fait mal. Je reste ainsi de longues minutes. Le doux bruit de l’eau est si doux à mes oreilles, bien plus que cette fausse voix angélique. Je penche légèrement la tête, vois une lumière au bout du tunnel. Une lumière blanche, chaude, naturelle.

Je vais m’en sortir, je me prends à espérer. Avec la luminosité qui augmente, j’arrive à distinguer des choses flottant çà et là, tout autour de moi. Ce sont des corps. Ce sont toutes des femmes… qui me ressemblent. Des frissons me remontent l’échine. Qu’avons-nous fait pour nous retrouver dans cet enfer ?

L’un des corps attire mon attention. La, sous l’eau, il bouge encore !

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La garce s’est échappée.

Tss.

Ce n’est… pas grave.

Il me reste tellement de pensées, de toutes petites pensées, à attraper.

Commençons.

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