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Le simple contact de son corps contre le mien me répugne. Je sens ses mains remonter mon dos, venir à caresser mes omoplates. Il appuie de ses paumes pour me plaquer d’autant plus à lui. Ses lèvres cherchent à embrasser mon cou. Quand enfin il y arrive, c’est comme si une décharge électrique venait de secouer mon corps. Je pousse un cri, me débats pour m’extirper de cette mélasse dans laquelle il m’a plongé.

Cesse de te refuser, tu es à moi, petite pensée.

Il me fait quelque chose, je ne sais pas quoi. Mon dos commence à brûler. Je retrouve mes esprits sous l’effet de la douleur. Il est trop concentré pour remarquer que je ne lui suis plus dévouée. J’ai l’impression que du plomb fondu coule sur mes omoplates. Je dois arrêter ça ! J’ouvre la bouche, retrousse mes lèvres comme un chien et mord sauvagement son propre cou. Il pousse un cri où se mêle surprise et souffrance. Il tente de s’esquiver. Mes dents s’enfoncent avec force, percent la peau pour faire jaillir un sang verdâtre.

Non ! Sale garce ! Tu vas me le payer !

Quelque chose m’attrape par la taille et me tire violemment en arrière. Un tentacule, encore. L’œil est réapparu, toujours aussi imposant. Cependant, quelque chose cloche. Autrefois ardent, brûlant d’une flamme noire sous l’iris, il devient vitreux. On dirait qu’il… meurt ? L’appendice qui me retient se desserre, comme s’il perdait toute force. Je m’accroche à lui comme à une liane pour ne pas chuter. Un hurlement ramène mon attention à l’homme. Il volette toujours au même endroit, entre l’œil et moi. Il essaye d’empêcher le sang de couler. Je lui ai percé l’artère, il n’arrive pas à endiguer la blessure.

La lumière devient anarchique. Le four sous mes pieds crache des flammes allant d’un rouge éclatant au violet le plus sombre. En même temps, de petites lumières s’allument sporadiquement un peu partout. Ce sont les torches accrochées aux murs de la grotte qui se consument en une fraction de secondes. Je remarque d’autres tentacules apparaître, jusqu’alors invisibles. Elles relient l’œil à… tout. Absolument tout. Le four, les torches, même l’homme. Elles se tortillent, meurent les unes après les autres. L’énorme globe oculaire commence à chuter, l’homme également. Il me regarde une ultime fois alors que le sang continue à gicler d’entre ses doigts.

Sale garce… Tu ne sais pas… Ce que… Tu… As… Fait…

Des craquements se font entendre, la terre se réveille. D’énormes blocs de pierre chutent du plafond. L’un détruit le four, un autre écrase l’œil dans un « scrotch » écœurant. J’ai le regard dressé vers le haut de la caverne en plein effondrement, cherchant avec espoir des rayons de lumière naturel percer à travers la roche.

Rien.

Je commence à paniquer. L’homme rit méchamment. C’est la dernière chose qu’il ne fera jamais. Une stalactite lui transperce le crâne. Aussitôt, tous les tentacules, y compris le mien, se décrochent de leur point d’appui. Je chute ! Une multitude de crevasses lézardent le sol, je passe par l’une d’entre elle. Je plonge dans le noir à une vitesse folle. Des pierres m’accompagnent, elles roulent tout autour de moi, s’entrechoquent pour se briser en un millier de gravats.

Enfin, je pénètre une masse d’eau. Je suis plongée dans les ténèbres, ballotée par le courant. C’est une rivière. Mes cris sont étouffés par les flots. Ma main attrape une planche de bois, enfin, j’espère que c’en est une. Je me hisse dessus et m’affale sur le dos, brisée, épuisée. De nombreux rochers plongent dans l’eau, certains sont si gros qu’ils manquent de me faire chavirer. Même si je ne vois rien, que je ne pourrai rien voir si l’un venait à m’atteindre, je ferme les yeux du plus fort que je peux. Je prie, je prie n’importe quoi, n’importe qui, de me sortir de ce cauchemar.

Lentement, je m’éloigne des points d’impact. La rivière retrouve son calme éternel.

Ma poitrine se soulève difficilement, chaque respiration me fait mal. Je reste ainsi de longues minutes. Je n’ose pas me calmer. Je reste à l’affût, prête à me battre contre un potentiel agresseur.

Finalement, ce sera le doux clapotement de l’eau contre mon embarcation qui finira par me calmer, par me faire rouvrir les yeux. Je penche légèrement la tête, vois une lumière au bout du tunnel. Une lumière blanche, chaude, naturelle.

Je vais m’en sortir, je me prends à espérer. Je ne sens plus sa présence. Je ne sens plus rien, à part une brise venant de la sortie du tunnel.

D’autres formes émergent de l’eau. Toutes des femmes me ressemblant étrangement. Certaines bougent, regardent autour d’elle, l’air hagard. D’autres… flottent, sans vie. Combien avons-nous été, qui sommes-nous ?

Certaines se rapprochent de moi, je les aide comme je peux, retourne à l’eau pour alléger mon morceau de bois. Nous nous regardons en silence alors que la lumière se fait plus vive. Ne réussirons-nous jamais à parler de nouveau de ces couloirs de pierre, des monstres rôdant dans les ténèbres et de cette voix ?

Non. Plus jamais.

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On dirait que… le cauchemar est fini.

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