Chapitre 11 : Fugitif

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Je me hâtai de rejoindre la station de métro la plus proche en tenant ce morceau de papier vital contre moi. Heureusement que je l'avais mis dans mon portefeuille hier soir et qu'il n'avait pas été abîmé durant le combat. Cela relevait entièrement de la chance.

Je patientai une vingtaine de minutes avant d'arriver. Je pris les escaliers pour remonter dans la rue devant le regard de nombreuses personnes qui semblaient choquées par ma simple présence. Mais je n'avais pas le temps d'y prêter attention et je poursuivis ma route jusqu’à tomber sur une boutique de vêtements. Mon appartement était trop loin, impossible d’y retourner sans prendre le risque d’être intercepté par les forces de l’ordre. Je craignais que les policiers ne parlent à Emilie et qu'elle leur donne mon identité. Je ne voulais pas causer d'autres dégâts, j'en avais déjà assez fait. Mais de ce fait, je ne pouvais pas non plus récupérer les bagages prévus pour mon voyage aux Etats-Unis qui était devenu le cadet de mes soucis.

J'avais dû fermer ma veste pour cacher que je ne portais rien dessous. Le froid me faisait grelotter sans cesse. À cause de la fatigue accumulée, mon corps n'arrivait pas à me rendre aussi invulnérable que d'habitude. C’était mon pantalon qui avait le moins subi l’attaque du Xenos, cet enfoiré m’avait surtout persécuté au niveau du torse vu le nombre d’hématomes. Je sortis mon portefeuille et en vérifiai le contenu : vingt-cinq euros et trente-trois centimes. Et ma carte bancaire était restée à mon appartement ! Je maudis à nouveau ma stupidité avant d’entrer dans le magasin.

Entre ma veste et mon jean dans un état déplorable, mon visage exténué et blessé, je devais avoir à la fois l'air d’un sans-abri et de m'être battu avec un lion.

La vendeuse leva un sourcil en me voyant entrer mais je n'y prêtai pas attention. Je pris un tee-shirt gris, le moins cher possible, ainsi qu'un jean bleu usé pas cher. Le tout me revenait à vingt euros. Tant pis pour un nouveau manteau, je garderais celui-là et le remplacerait dès que l’occasion se présenterait. J’allai payer à la caisse lorsque je captai à nouveau le regard inquiet et étrange que me jeta la vendeuse. Elle me donnait l’impression d’avoir un truc de coincé entre les dents. Je passai ma langue entre mes dents pour vérifier mais ce n'était pas le cas.

« Vous allez bien monsieur ? me demanda finalement la jeune femme d'une petite voix fluette en scannant mes articles. »

Mon état était-il si pitoyable que ça ?

« Euh… oui pourquoi ça ? la questionnai-je, mal à l’aise.

— Eh bien… Oubliez, ce n’est rien. »

Elle me tendit mes articles et me rendit la monnaie en continuant de me dévisager. Je sortis sans demander mon reste aussitôt.

Une fois devant la vitrine du magasin, je pris enfin le temps de regarder mon reflet. Moi-même je sursautai. Pas étonnant qu'elle se soit inquiétée, je ne m'étais pas rendu compte à quel point le Xenos m'avait amoché ! Entre le coquard sous mon œil gauche et la balafre sur ma joue droite longue de plusieurs centimètres entouré de sang séché, je ne savais pas ce qui paraissait le plus inquiétant. Sans oublier la bosse sur mon front.

Dans le feu de l’action, je n’avais pas remarqué qu'il m'avait atteint le visage. Pour être franc, j’étais surtout occupé à rester en vie et éviter les coups les plus potentiellement mortels. Les blessures sur mon visage étaient certes moins graves et moins nombreuses, mais elles restaient apparentes. Mes blessures, mes cheveux en bataille, mon regard effaré et mes cernes creusés par la fatigue me donnaient l'air de m'être enfui de l'hôpital psychiatrique le plus proche et ne pouvaient que surprendre et effrayer quiconque me regardait.

Je me pressai vers l'appartement de mes parents sans attendre. Tout le monde continuait de me dévisager dans la rue même si j’avançais tête baissée. Je n'avais pas pu acheter quoi que ce soit pour dissimuler mes blessures et mon visage, même si je doutais que des photos de mon identité soient déjà diffusées par les autorités.

Une fois arrivé à destination, je ne comptais pas passer par la porte d'entrée bien sûr. Mon père laissait toujours la fenêtre de son bureau ouverte et elle donnait sur une petite ruelle. Je devrais donc pouvoir l'atteindre sans trop de risques d'être vu. Je me faufilai dans ladite ruelle et m'y changeai. Ensuite, je nettoyai au maximum le sang en me frottant la joue avec mes mains et ma salive. Personne ne vint à mon grand soulagement.

Je regardai la fenêtre que je visais en espérant que je m'étais suffisamment reposer pour l'atteindre. Bon point déjà : il l'avait bien laissée ouverte. Plus qu'à espérer qu'il n'y aurait personne dans la pièce. Je pliai mes jambes et sautai pour atteindre la fenêtre, moins d'une dizaine de mètres au-dessus de moi. J'avais fait ça de façon presque naturelle comme si faire des sauts aussi haut étaient permis à tout le monde.

Je m’agrippai au rebord et rentrai dans la pièce après avoir vérifié qu'il n'y avait personne. Je sortis et dépliai la lettre de ma poche et la posai sur le bureau. La porte du bureau était entrouverte mais je ne voulais pas me faire remarquer, même si j'aurais aimé voir mes parents une dernière fois.

Je me fis violence pour retourner vers la fenêtre lorsque j’entendis mon père appeler ma mère d’une voix inquiète :

« Anne ! Viens voir les infos ! Il s'est passé quelque chose au restaurant où travaille Peter ! »

Mon cœur manqua un battement qui fut suivi des pas précipités de ma mère en direction de la salle à manger. Cédant à la tentation, je me rapprochai de la porte pour entendre ce que disait la journaliste.

« …dans le sixième arrondissement de Paris. Si nous savons qu’il n’y a aucun mort a déploré, nous n’avons aucune idée de ce qui s’est passé à l’intérieur de ce restaurant. Un peu plus tôt dans la matinée, la vitrine, que vous pouvez voir derrière-moi, a été percutée par un véhicule. Le chauffeur en avait-il perdu le contrôle ? Nous n’en savons rien pour le moment. Toutefois, ce que nous savons, c’est qu’à l’intérieur tout est dévasté et que le patron du restaurant, Sam Alonzo, était sous le choc lorsqu’il a été emmené par les ambulanciers. Il ne cessait de crier ‘’ el démonio ‘’, autrement dit ‘’le démon’’. Parlait-il de son ravisseur ? Encore une question que nous cherchons à élucider. »

La journaliste poursuivit son récit tout en dévoilant la devanture du restaurant envahie par la police scientifique ainsi que des agents armés.

« Au moment où je vous parle, les forces de police ont quadrillé la zone pour nous empêcher de nous approcher, et refusent de nous donner de plus amples informations. Un de mes collègues espère obtenir des réponses de la seconde victime présente, saine et sauve. Une jeune femme que les ambulanciers étaient en train d’ausculter lorsque nous sommes arrivés. Pour le moment, le chef de police a été ferme en nous assurant qu’il n’avait aucune réponse a donné sur ce qu’était ce « démon », mais nous a assuré qu’une enquête était en cours et que tout était sous contrôle. Comptez sur nous pour vous tenir au courant dès l’apparition de nouveaux éléments. »

Un bref silence suivit tandis que j’entendis ma mère dire d’une voix tremblante :

« Peter n’y travaillait pas. J’avais prévenu Sam qu’il ne travaillerait pas… Oh non, pauvre Sam… Que s’est-il passé ?

La journaliste reprit avec précipitation :

« Mais ce n’est pas tout ! Si ce qui ressemble à un simple braquage fait énormément parler de lui, c’est à cause d’un troisième individu présent sur les lieux qui s’est enfuit à l’arrivée de la police ! Par le biais d’un passant que nous avons pu interroger plus tôt, nous avons obtenu une vidéo non officielle filmée par son téléphone à la sortie de ce troisième inconnu. Ces images pourraient expliquer le secret et l’ambiance tendue qui plane sur cette affaire, nous vous laissons en juger par vous-même. »

Mon cœur se figea en entendant ces paroles.

J’ouvris la porte et me glissai discrètement dans le couloir pour avoir un aperçu des images. Mes parents me tournaient le dos, concentrés sur la télé. On pouvait voir des images, filmées par un téléphone probablement. Cette vidéo montrait l'avant du restaurant avec la vitrine brisée. Quelques secondes après j’en sortis.

J’affichai un regard d’halluciné, des vêtements en lambeau et un visage maculé de mon sang ainsi que des cheveux sales plaqués contre mon front par la sueur. Je compris alors pourquoi les policiers avaient tenté de m'arrêter : j'avais l'air d'un véritable fou. Le bâtiment avec la vitrine explosée derrière moi et mon regard de chien en fuite auraient fait croire à n'importe qui que je venais d'essayer de commettre un braquage, ou peut-être même un attentat.

Un policier cria quelque chose que l'on ne pouvait comprendre dans la vidéo. Je répondis alors moi aussi quelque chose mais les gardiens de la paix répliquèrent avec urgence, laissant comprendre à quel point la situation était sous tension. La personne fit alors un zoom sur mon visage, au moment même où je libérai la vague d'énergie. À l’instant où je hurlai distinctement « LA FERME ! », l’onde d'énergie dorée frappa tous ceux aux alentours, renversant les voitures et brisant leurs vitres. La vidéo nous permit même de voir un policier projeté sur plusieurs mètres, s'écrasant contre un immeuble avant de s’effondrer inconscient.

Le propriétaire du téléphone fut lui aussi percuté par l’onde, lâcha son appareil qui garda tout de même l’objectif sur moi. On pouvait me voir un genou à terre d'abord, puis bondir après quelques instants pour sortir du cadre. Malgré la taille de l’image, on voyait très bien que j'avais sauté bien plus haut que n'importe qui. Mais je restai horrifié par une chose que je ne pouvais pas avoir remarqué sur le moment. Lorsque l'objectif avait zoomé sur mon visage, j'aurais juré que mes yeux brillaient d'une lueur dorée. Mais peut-être avais-je mal vu, après tout, la qualité n'était pas exceptionnelle.

C'était délirant, des yeux ne pouvaient changer de couleur !

« Aucun policier présent n’a accepté de donner son témoignage, reprit-elle. Cette vidéo est donc notre seule source d’information, malgré qu’elle ne soit pas officialisée et amateure ! Ces quelques images nous offrent plus de questions que de réponses. Que faisait-il sur les lieux ? Est-il innocent et, si oui, pourquoi a-t-il fuit ? Quelle arme a-t-il employé face aux forces de l’ordre pour leur opposer une telle résistance ? Et comment a-t-il pu réaliser un saut de cette envergure sur cet immeuble de quatre étages ? Nous n’avons pour le moment aucune… (Elle s’interrompit, portant un doigt à son oreille avant de s’exclamer :) Je viens d’avoir des informations de mon collègue parti interroger la seconde victime, nommée Emilie Porter ! Présente sur les lieux lors de l’attaque, la jeune fille de vingt-deux ans nous a permis de placer un nom sur ce troisième inconnu : il se nommerait Peter Leroy !

Peter ? répéta ma mère d’une voix étouffée.

— Non… murmura mon père sur un ton déchiré. »

La journaliste poursuivit :

« D’après les informations que mon collègue a pu récolter, Peter Leroy est un étudiant de vingt-deux ans qui travaille dans ce restaurant. La jeune fille a aussi pu nous éclaircir sur les évènements floues de l’attaque. D’après elle, un monstre serait la source de tout cela ! Est-ce la créature nommé « le démon » par la première victime ? Quel genre de ravisseur a pu effrayer à ce point les deux victimes ? Nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses, malheureusement. Toujours d’après cette jeune femme, Peter Leroy aurait, je cite : « Tenu tête à la créature en la combattant en employant des capacités et des ressources hors du commun ». Ces « ressources hors du commun » font-elles références aux mystérieuses capacités qu’a présenté l’individu avant de s’enfuir ? Il reste de nombreuses zones d’ombre sur cette affaire, mais nous espérons obtenir des réponses dans la journée ! Nous pouvons cependant supposer que Peter Leroy sera recherché par la police pour être interrogé sur son implication dans cette attaque. Est-il complice ou tout simplement innocent ? Nous allons tenter de nous approcher de nouveau vers le chef de la police afin d’obtenir de nouvelles informations… »

J'en avais assez entendu. Ma mère reniflait bruyamment et mon père était venu près d'elle pour la serrer dans ses bras tout en lui murmurant doucement :

« Ce doit être une erreur, chérie. Ça ne peut pas être notre fils. Ce ne peut pas être notre Peter, la vidéo ne nous permettait de l’affirmer... »

Elle pleurait encore, sa tête reposant sur l'épaule de mon père. Je me détournai, le cœur lourd et les larmes au bord des yeux. Je ne pouvais pas en voir plus ou je me mettrais à sangloter aussi.

Je devais fuir au plus vite et sans attendre !

Je descendis d’un bond par la fenêtre. De dépit autant que de rage, je donnai un coup de pied dans une poubelle qui se renversa. Toute cette frustration qui me tenaillait et que j’aurais voulu évacuer d’un simple claquement de doigt refusait de disparaître. Pourquoi arrivais-je à ressentir les émotions des autres à présent alors que j’étais déjà incapable de contenir les miennes ?!

Mon regard se posa sur les déchets renversés de la poubelle. J’y dénichai une casquette usée que j’époussetai avant de la poser sur ma tête. C'était mieux que rien. Tâchant de ne pas perdre plus de temps, et de contrôler le flot d’émotion qui menaçait de m’engloutir, je sortis de la rue. Je devais partir, Astérion avait raison. Trouver un moyen d'aller sur la côte par moi-même, avant que l'on ne me retrouve.

J’avais un but, mais je ne voyais pas comment l’atteindre.

« Peter… commença Astérion.

— Pas maintenant, l’interrompis-je. Laisse-moi s'il te plaît. Nous parlerons plus tard, pour l'instant je ne m'en sens pas capable. J’ai besoin de temps pour… encaisser tout ça. »

J'avais besoin de me concentrer, de vider mon esprit. J'étais trop embrouillé et bouleversé par ce que je venais de voir. Me voir aux informations rendait la situation plus... réelle. Et cela démontrait à quel point la situation s'était gâtée en quelques instants. J'étais un fugitif à présent ! Et qui sait ce qui allait m’arriver si l'on m’arrêtait ?!

J’étais bouleversé, brisé intérieurement : je devais fuir, la situation l’exigeait. Aucune autre solution ne me venait à l’esprit, malgré mon cerveau en ébullition qui tentait de recoller les morceaux. Réfléchissons… Je ne pouvais pas courir le risque de prendre un transport où des gens pourraient me reconnaître. Impossible donc de prendre un taxi, sans argent, et pour une destination aussi lointaine que l’était la Bretagne. L’ouest de la France me semblait si inaccessible et pourtant je devais trouver un moyen ! La seule solution que j’avais était de trouver un moyen de transport autre. J'avais mon permis, mais le souci était de trouver un véhicule.

Je m’assis sur un banc et pris ma tête dans mes mains, abattu.

Des jeunes descendirent de leurs motos et se garèrent un peu plus loin sur ma gauche. Ils entrèrent dans la ruelle d'en face en montrant quelque chose du doigt avec une certaine agitation. Je n'y aurais pas prêté attention si leur attitude ne laissait pas présager qu'ils allaient dans la rue pour faire quelque chose de louche. Je me levai pour aller jeter un coup d’œil. Après tout j'avais peut-être tort.

« Allez le vieux, on sait que tu as du blé alors file le nous avant qu'on te le prenne de force ! »

Les trois garçons se trouvaient au milieu de la ruelle et rackettaient un SDF. Le mendiant, maigre à faire peur, devait avoir aux alentours de soixante-dix ans et était totalement incapable de se défendre. Enveloppé en partie dans une couverture bleue usée, il portait des vêtements abîmés et une barbe blanche épaisse sous des yeux noirs creusés de cernes. Son visage ridé était marqué par la fatigue et les rigueurs de l’hivers.

Les trois délinquants l'encerclaient. Les vêtements qu'ils portaient montraient bien qu'eux n'avaient clairement pas besoin d'argent. Uniquement des vêtements de marques, contrairement à leur pauvre victime. Tandis que l'un d'eux parlait, l’un saisit la couverture et la déchira en tirant dessus. Le troisième donna un coup de pied dans la jambe du sans-abri qui se recroquevilla en gémissant. Cette réaction misérable les fit ricaner. La rage qui naquit en moi était encore plus intense que lorsque le motard s’en était pris à Emma. Mais dans quel monde vivions-nous pour voir une telle injustice dans nos rues ?!

J’entrai en boitillant dans la ruelle tout en lançant à haute voix :

« Comment osez-vous vous en prendre à cet homme ?! »

Ma voix était ferme mais plus faible que je ne le pensais. Ils se retournèrent vers moi, surpris, avant d’afficher un rictus.

« Dégage de là, on t’a pas causé ! répliqua celui qui semblait être le chef.

— Vous allez partir maintenant ou c'est moi qui vous y contrains, répondis-je avec fermeté sans me démonter. »

J'étais fatigué et encore frêle. Mon corps était endolori et tous mes muscles se rebellaient à chacun de mes mouvements. Pourtant je me devais d’agir, il était hors de question que je les laisse faire ! Non pas par héroïsme mais par conscience.

« Kevin, apprends-lui les bonnes manières à l'autre rigolo, ordonna celui du milieu. »

Le prénommé Kevin devait avoir dix-sept ans mais était déjà bien imposant pour son âge. Plus que moi en tout cas. Cela ne m'aurait même pas étonné qu'il ait du sang de troll dans les veines. Il s’approcha avec le même rictus crétin et stupide que ses amis. Lorsqu'il fut assez proche, il leva son poing pour me frapper avant de se figer net. Tout à coup son sourire disparut et ses yeux écarquillèrent. L'instant d'après il était projeté contre le mur sans même que je le touche. Il était bloqué, comme écrasé par une force invisible mais puissante qui le maintenait au cou et l'empêchait presque de respirer. Il ne touchait même plus le sol.

Il brassait l’air de ses bras, incapable de se libérer. Sous mes yeux embrasés par la colère, il devenait de plus en plus rouge. Je devais me contenir pour ne pas aggraver son état.

« Si vous ne voulez pas subir la même chose, partez MAINTENANT ! scandai-je d'une voix forte que tâchai de rendre la plus effrayante possible. »

Les deux autres, pris de panique devant leur camarade qui semblait se battre contre un fantôme, s’enfuirent dans le sens opposé d'où ils étaient arrivés sans demander leur reste. Après une brève hésitation, je relâchai la pression qui maintenait le troisième. Il tomba, une main sur sa gorge, et s’enfuit en trombe après ses amis.

Je m’approchai aussitôt du sans-abri qui eut un mouvement de recul. La terreur qui l’animait m’atteignit et me serra le cœur.

- Vous allez bien, monsieur ? demandai-je avec douceur.

Il évitait de me regarder, avant de se ramasser contre le mur par peur. Je ramassai ce qu’il restait de sa couverture et la lui tendis tout en patientant, agenouillé devant lui, le visage neutre. Voyant que j'attendais sa réponse et que je ne lui voulais pas de mal, il finit par prendre la couverture d’une main tremblante et répondit dans un murmure :

« Oui, merci petit... Ce que tu as fait …

— Faîtes comme si vous n'avez rien vu, d'accord ? Tenez. »

Je sortis le reste de l'argent que j'avais, soit un peu plus de cinq euros, et les lui tendis.

« C'est tout ce que j'ai mais vous pourrez vous achetez un peu à manger. Je suis désolé de ne pas pouvoir faire plus… »

Il regarda l'argent d'un regard avide et tendit de nouveau sa main hésitante vers le billet et les pièces. Une fois qu'il les eut en main, il m’offrit un regard chargé de gratitude. Un regard que je ne pourrais jamais oublier, touché par sa sincérité. Ce simple échange me redonna courage, et me fit comprendre que ma situation n’était pas le plus à plaindre. Tout n’était pas désespéré, pas encore en tout cas. Le poids qui compressait mon cœur s’allégea un peu. Je me demandais avec amertume qui de nous deux avait le plus aidé l’autre.

« Merci, dit-il avec reconnaissance tout en affichant un faible sourire de ses lèvres gercées. Merci beaucoup. Je n'ai rien vu, je te le promets. »

Je souris tristement. J'étais peiné de savoir qu’il y avait tant de mendiants. Mais, seul, je ne pouvais rien y faire. Et je n’avais pas de temps à perdre : j'étais toujours recherché et ne pouvais donc pas rester ici trop longtemps. Je me détournai avec regret. Je n’avais pas fait deux pas que je marchai sur quelque chose qui émit un bruit de ferraille. Je relevai mon pied pour y découvrir des clés de moto. Kevin avait dû les faire tomber quand je l'avais relâché. Je les ramassai et retournai vers la rue : les motos des trois délinquants étaient toujours là. De bien belles motos pour des enfoirés pareil.

J'avais déjà conduit une moto avant, celle de mon frère quand j'étais un peu plus jeune. Cela devait être pareil.

Je n'eus aucun scrupule à briser l'antivol en tirant d'un coup sec, et de prendre le casque et la moto qu'il retenait. Je fis démarrer celle sur laquelle j'avais vu Kevin arrivé. Une belle moto noire qui ronronnait et demandait seulement à rouler. Alors que je démarrai, je vis les trois garçons revenir vers leur véhicule, l’air peu rassuré. Après avoir levé mon majeur en passant devant eux, j’accélérai dans un vrombissement sonore et m’élançai dans la direction pour sortir de Paris.

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