Chapitre 7 : L'apparition de mes pouvoirs !

23 minutes de lecture

Mon séjour à l'hôpital dura trois jours.

Trois jours d’ennuis.

Ma mère et mon frère repassèrent me voir accompagnés d’Anaïs, la copine de Thomas, le lendemain même. Nous étions samedi et aucune d’elles ne travaillaient. Ils purent ainsi, avec fierté, me mettre au courant de ce que j'avais raté la veille. Et surprenant ou pas, même si je m'y attendais, Astérion avait raison : Anaïs était bel et bien enceinte. Son ventre arrondi me l’avait confirmé dès son entrée. Elle et mon frère m’annoncèrent aussi qu'ils comptaient se marier dans un peu plus d'un mois, un peu avant noël. Ils me parlèrent donc beaucoup du mariage et Thomas me demanda d'être son témoin. Cela me toucha beaucoup : il avait de nombreux amis qui auraient pu remplir ce rôle mais le fait qu'il ait pensé à moi m'avait à la fois surpris et fait énormément plaisir.

C’était aussi une raison de plus pour ne pas partir à l'aventure dans une semaine, même si je gardais cela pour moi.

Maël et Antoine vinrent eux aussi me voir durant ma convalescence. Ils s'excusèrent pour Florian et Matt qui avaient voulu venir aussi mais l'hôpital ayant refusé que je reçoive plus de trois personnes en même temps pour le moment, ils avaient décidé de passer plus tard dans la journée. Mes deux amis, que je n’avais pas revu depuis le matin de l’accident, m'avaient emmené les derniers cours ainsi que les derniers ragots même s'il ne s'était rien passé de passionnant en si peu de temps. J’en profitai aussi pour leur poser des questions sur un sujet qui me taraudait depuis ma conversation avec Tessa : Qui était cette mystérieuse inconnue qui m'avait apparemment sauvé la vie ? J'aurais beaucoup aimé la remercier.

« Elle a été incroyable ! s’extasia Antoine après que j'aie posé ma question. Nous étions tous pétrifiés par ta chute et tes convulsions. Lorsque tu es devenu inerte, elle te faisait un massage cardiaque avant que l'on ait pleinement réalisé ce qui venait de se passer.

— L'après-midi même, elle nous a demandé de tes nouvelles, reprit Maël. Mais on était au courant de rien. On a appris que tu allais bien seulement ce matin lorsque Matt a appelé tes parents. On s’est beaucoup inquiété, mon vieux.

— On lui donnera ton numéro de chambre demain lorsqu'on la verra en cours, ajouta Antoine avec un clin d’œil. Avec un peu de chance elle passera te dire bonjour avant que tu ne sortes d'ici. »

Je haussai les sourcils devant son ton moqueur.

« Comment ça « avec un peu de chance » ? » les questionnai-je suspicieux.

Tous deux sourirent tandis que Maël lançait sur le même ton :

« Eh bien... disons que moi aussi j'aurais bien aimé qu'elle me sauve, si tu vois ce que je veux dire. »

Je dus rougir car ils éclatèrent de rire. Je me renfrognai aussitôt. Franchement super le soutien ! J'étais en convalescence et ils me parlaient déjà de filles. J’avais toujours été susceptible sur ce sujet, préférant garder mes pensées sur la gente féminine pour moi. Et puis je souhaitais juste la remercier, rien de plus ! Vous pensiez que les conversations des garçons devenaient plus matures avec le temps ? Détrompez-vous, elles deviennent même pires !

« En plus, on a appris que tu étais de nouveau disponible ! relança Antoine en gardant le même sourire que son camarade. »

Je compris qu'il faisait allusion à ma rupture avec Tessa. J'avais rompu depuis hier seulement et ils étaient déjà au courant ?!

« Comment…

— Vu la tête et les regards noirs qu'elle nous a lancés lorsqu'on l'a croisée vendredi après-midi, me coupa Maël, on a supposé que tu avais finalement rompu. Et puis elle a déjà mis son profil Facebook à jour, donc comme ça on en a eu la certitude.

— Par contre Florian aurait dû préciser de rompre avec tact, ajouta innocemment Antoine en se retenant de rire. »

Je ne pus me retenir de sourire également. Avoir des amis capables de vous faire rigoler même dans ce type de situation était la preuve que c'étaient de bons amis. Nous avions continué à parler ainsi de tout et de rien durant une heure avant qu'ils ne rentrent finalement chez eux.

Florian et Matt passèrent plus tard dans la soirée et me dirent à peu près la même chose que Maël et Antoine : une mystérieuse fille super canon m'avait sauvé la vie et ils voulaient que je mette tout en œuvre pour la revoir. Ben voyons, je venais juste de rompre et ils voulaient absolument me caser de nouveau. Je n'étais pas vraiment à la recherche de l'amour et je voulais profiter un peu d'être célibataire à nouveau. Mine de rien, être en couple implique quelques contraintes, même si cela a de nombreux avantages.

De toute façon, le débat fut clos rapidement puisqu'elle ne vint pas me voir à l’hôpital même si mes amis avaient eu la possibilité de lui donner de mes nouvelles. Sans oublier Astérion et sa bonne humeur qui m'avaient rapidement refroidi en argumentant :

« L'amour est une distraction et un danger pour toi. »

De retour le cliché de la petite amie en danger parce qu'elle sort avec le héros et que ses ennemis veulent l'utiliser comme moyen de pression ? Très peu pour moi étant donné que je ne voulais être le héros de rien du tout. Juste un mec ordinaire avec des pouvoirs extraordinaires. Avoir des pouvoirs ne signifiait pas devenir un héros et sauver les gens tout le temps ! Et puis je n’avais pas vu cette fille hormis dans mon état comateux, j’étais certain que c’était juste une farce de mes amis.

Cette mystérieuse inconnue sortit rapidement de ma tête.

Malgré ces quelques visites, cela ne m’empêcha pas de trouver le temps bien long. Être coincé dans une chambre, car les couloirs n'étaient pas plus distrayants, à regarder la télévision ou à jouer sur mon téléphone n’était pas vraiment l’un de mes fantasmes. J’étais désespéré au point d’atteindre le niveau 314 sur Candy Crush. Heureusement, et malheureusement, je pouvais converser avec Astérion. Même si je n'avais pas envie de le laisser me mener à la baguette, il était la seule personne avec qui je pouvais faire constamment la conversation. Et puis, discuter avec un dieu n'était pas donné à tout le monde.

Il m’assura qu'une fois la menace de son frère écarté, il remettrait notre système hiérarchique en place. Je lui souhaitais bonne chance. Par contre, contrairement à ce que je pensais, il eut aussi de nombreux propos féministes, affirmant que sans la femme, l'homme n'était rien du tout. Bizarrement, jusque-là j'avais de lui une vision machiste des vieux barbares, mais apparemment ce dieu-là ne l'était pas du tout. Cela me surprit agréablement et me fit remarquer que nous avions certains points communs, tout compte fait. Hormis son mauvais caractère et son comportement quelque fois hautain, bien entendu.

Mais si je dis malheureusement, c’est parce que ce satané dieu s’était découvert une passion pour la télé-réalité ! Il me força à regarder différentes émissions de ce style, soi-disant qu'il trouvait ça « extrêmement distrayant » et que c’était sans aucun doute la chose la plus amusante qu’il ait vue de son existence. Il ne devait pas avoir vu grand-chose de drôle durant ses longs millénaires de vie. Je devais être en plus mauvais état à la fin de mon séjour qu’au départ, ce qui était invraisemblable !

Malgré ses défauts, et son manque de goût évident, je devais admettre que plus j'apprenais à le connaître et plus mon opinion à son propos changeait. Il était un bon conseiller et me traitait de moins en moins comme un « vulgaire et stupide mortel ». Enfin une ou deux fois par heures tout au plus, ce qui était déjà un grand pas en avant. De plus, comme il l’avait prédit, j'arrivais de plus en plus à maintenir certaines de mes pensées hors de son atteinte, comme si je formais un mur entre sa conscience et la mienne. J’avais pu m’y exercer durant mon séjour à l’hôpital en l’insultant dans ma tête et en constatant s’il réagissait ou non. Certaines fois oui et j’avais le droit à un gros mal de tête en représailles.

Je me concentrais de cette manière lorsque je pensais à certaines choses que je préférais garder pour moi, comme par exemple le fait que je ne veuille pas partir en dehors de la France à la recherche de créatures peut-être imaginaires. Et puis après tout, lui-même gardait des choses pour lui. Nous mettions en commun certaines informations mais nous avions besoin de garder certaines pensées pour nous-même.

Chacun notre intimité, tout simplement.

Après toutes ces aventures trépidantes, je ressentis une grande joie lorsque le lundi, les résultats de mes derniers scans furent bons et que les médecins me laissèrent rentrer chez moi. S’ils me donnèrent tout de même une semaine de rétablissement avant de retourner en cours, j’étais heureux de quitter cet endroit pour y revenir uniquement en tant que stagiaire. Je pus enfin troquer cette horrible blouse que l'on donne au patient, et qu'ils m'avaient demandé de garder jusqu'à la fin de mon séjour, contre des vêtements propres que ma mère m'avait apportés.

J'étais de nouveau en pleine forme physiquement. Je débordais d'énergie et ne me sentais plus fatigué du tout.

Ma mère avait été prévenue et prit le temps de venir me chercher pour me déposer à mon appartement en insistant lourdement pour que je passe quelques jours à la maison, précisant que ma chambre n'avait pas changé depuis mon départ. Je réussis à décliner mais lui promis de l'appeler tous les jours pour lui dire comment je me sentais. Je n’avais pas pu négocier mieux.

Heureusement pour moi, l'hôpital Necker n'était pas loin de mon appartement car elle profita du petit quart d'heure de route pour m'expliquer tout ce qu'elle avait prévu pour le mariage. Si j'entendais encore une fois le mot ''gâteau'', ''bouquet'' ou ''costume'', j'allais tuer quelqu'un. Nous ne roulions pas sur l'or mais elle comptait tout faire pour offrir à mon frère le plus beau des mariages. Et les parents d'Anaïs, issus de milieux aisés, allaient grandement aider aussi.

Ma mère me déposa donc à mon appartement en fin d'après-midi et me fit promettre de rester chez moi et de me reposer. Une promesse que j’enfreignis très rapidement. En effet, comme je le l’avais dit plus tôt : je débordais d'énergie. Littéralement parlant. J'étais devenu comme hyper actif. J’étais donc resté chez moi pendant une heure avant de craquer. Être coincé quelque part encore une fois, même chez moi, m'était tout simplement insupportable. J’enfilai donc un short, un tee-shirt et une veste de sport. Je pris des affaires propres que je jetai dans mon sac de sport et malgré le froid de l'automne, je sortis en courant à la salle de sport. Je tenais à préciser que j’avais dû y aller deux fois depuis le début de l'année.

Pourtant je ressentais l'envie inexplicable de me dépenser, chose que je n'avais jamais ressentie durant mes précédentes années scolaires. Astérion m’expliqua en cours de route que mon corps avait sûrement emmagasiné un trop plein d'énergie en restant enfermé, preuve que l'énergie divine commençait bel et bien à se répandre dans tout mon corps. Moi qui étais calme de nature, j'espérais ne pas devenir aussi impulsif ou excité que Florian.

Une fois à la salle, je croisai Matt qui soulevait quatre-vingt kilos au développé couché. Le grand blond était déjà en sueur mais continuait de soulever les poids avec effort. C’était lui qui m’avait convaincu de m’inscrire ici. Et au moins, c’était suffisamment étendu pour ne pas faire la queue devant chaque machine.

Lorsqu'il me vit, ses yeux se teintèrent de surprise.

« Tu nous as dit que le médecin t’avait demandé de rester chez toi et de te reposer ! me sermonna-t-il après avoir reposé ses poids, une fois que je m’étais approché.

— J'ai besoin de me dépenser, j'en peux plus d'être enfermé ! répliquai-je, exaspéré par sa réprimande. »

Parce qu'il était né quelques jours avant moi, il se comportait comme s'il était mon aîné ! N'importe quoi !

Je me détournai avant qu'il ne me fasse une autre remarque. Je n'avais pas envie de débattre et d'après ce que j'en savais, j'avais encore le droit de faire ce que je voulais ! Je l’entendis soupirer et retourner à ses exercices tandis que je balayai la salle du regard en me demandant par quoi j'allais commencer. Je choisis un tapis de course pour débuter. Je n'avais jamais été un fan de la course à pied en dehors des sports collectifs, mais j'avais quand même envie de tester la machine.

Je commençai par une petite trotte à 10 km/h mais ayant couru pour venir, j'étais déjà échauffé. Je commençai donc vite à accélérer le rythme. Pour vous donner un ordre d'idée, ma vitesse maximale devait être d'environ 15 km/h avant d'être dopé par le pouvoir divin. J’avais réellement remarqué que mon corps devenait de plus en plus fort et résistant quand la machine montrait 19 km/h et que je tenais le rythme depuis plus de dix minutes sans perdre le fil. Matt, qui me surveillait du coin de l’œil sûrement par crainte que je fasse une nouvelle crise par l'effort physique, faillit s’emmêler les pieds en faisant de la corde à sauter lorsqu’il remarqua la vitesse du tapis de course.

Il s’approcha immédiatement, les yeux ronds.

« Waouh mais ils t'ont donné quoi à manger à l'hôpital ? Je ne t'ai jamais vu courir aussi vite, même quand on s'était fait poursuivre par ce chien le mois dernier ! Tu te souviens ? »

Comment pourrais-je l’oublier ? Ce clebs avait failli me bouffer la jambe. Et tout ça parce que ce crétin avait voulu impressionner une fille. Encore.

Une bien drôle histoire que je vous raconterais peut-être un jour.

Devant les yeux ébahis de mon ami, je cessai peu à peu de courir, le tee-shirt trempé de sueur. Mais j’en réclamais plus ! Je n’étais pas fatigué, loin de là ! Et si j'étais devenu plus rapide, je voulais voir si j'étais devenu plus fort ! Je me mis donc au développé couché tout comme mon ami un peu plus tôt. Matt me posa les poids pour me faciliter la tâche, tandis que je m’allongeais et saisissais la barre entre mes mains. Il commença par me mettre vingt kilos au total et était prêt à m'aider en cas de besoin car il savait que je n'avais jamais été un grand sportif.

Eh bien c'était terminé maintenant.

Après avoir fait une série de vingt sans grande difficulté, je lui demandai d’augmenter le poids, et ce par deux fois. J'étais rendu à cinquante kilos en tout, lorsque je commençai enfin éprouver des difficultés à faire des séries de cinq. Je devais être tout rouge mais je voulais me pousser au-delà de mes limites.

Matt m'encourageait, totalement abasourdi et en même temps à fond dans son rôle de pseudo-coach. J'étais moi-aussi totalement époustouflé par un tel changement de capacité physique en seulement trois jours. Je n'avais jamais fait de vraie séance de musculation et j'étais quasiment sûr que soulever trente kilos aurait été un véritable exploit pour moi. Alors cinquante, c’était impossible car c’était quasiment mon propre poids !

« Bah mon vieux, commença Matt, ébahi, je ne sais pas ce que t'as fait à l'hôpital mais va falloir que tu me donnes ta recette miracle. Tu t'es dopé ou quoi ? »

Je souris en essuyant avec mon bras la sueur qui suait sur mon front. Il semblait presque jaloux de mes soudaines capacités.

« Non, juste une bonne… forme physique, on va dire. »

Il me tendit sa gourde d’eau en s’exclamant :

« Enfin là, cinquante kilos sans t'être entraîné avant… c'est impressionnant ! Je ne sais même pas comment t'as fait avec des bras aussi maigres ! Ça semble physiquement impossible ! »

En effet, mes bras n'étaient pas frêles, mais par rapport à ceux de Matt, ils paraissaient ridicules. Pourtant je venais à trente kilos près, de soulever autant que lui. Mais je ne pouvais pas lui dire la raison d'un tel changement même si j'étais plus qu'enjoué et que je retenais mal mon sourire. C'était un peu de la triche certes, mais mon corps devenait de plus en plus fort sans que je ne fasse rien !

Le rêve de quiconque n’aimant pas le sport !

Après avoir bu plusieurs grandes gorgées, je laissai la place à ceux qui voulait y aller après moi. Matt retourna s'entraîner de son côté, refusant sûrement d'être rattrapé en sport par moi, pendant que je partais essayer une dernière machine pour travailler une autre partie de mon corps : les abdominaux. Je voulais connaître toutes mes limites. Et peut-être aussi pour avoir des abdos en béton pour l’été. Après plus de cents séries de développés couchés avec différents poids et plus d'une demi-heure de course à pied, l’un des rares muscles qui ne souffrait pas trop était ma ceinture abdominale. Après cent séries à pousser une charge de cinquante kilos à la seule force de mon torse, j'étais K.O.

Ruisselant de sueur, j'avais mal partout et ne rêvais que d’une douche. Mais bizarrement, j'appréciais ça. Je me sentais plus fort que je ne l'avais jamais été, comme si je venais de décrasser mon corps tout entier. J'étais comme Captain America après qu'on lui ait injecté le sérum qui l'avait rendu grand et super fort. Sauf que j'étais français et que je ne voulais pas porter une tenue moulante comme la sienne. Je pris une douche chaude bien méritée dans les vestiaires, ankylosé mais le sourire aux lèvres.

Astérion, qui avait été silencieux tout le long de mes exercices, reprit la parole d'une voix grave :

« Je comprends que tu puisses être enjoué de devenir aussi fort si rapidement mais fais attention à ne pas attirer l’attention. »

Je n'étais plus tellement surpris lorsqu'il me parlait et je lui répondis donc avec toujours autant de joie :

« C'est incroyable les effets que tes pouvoirs ont sur mon corps ! dis-je sans répondre à sa remarque. Je me sens tellement fort et tellement déterminé à me dépenser !

Je te l'avais dit, et je pense que cela va encore continuer. Tu devrais devenir plus puissant encore dans les jours à venir. C'est pour cela que tu dois faire attention à ne pas te laisser emporter dans de telles démonstrations. Arrivera un moment où les mortels comprendront que quelque chose cloche et tant que tu n'auras pas appris à contrôler ces nouvelles aptitudes, tu devras être prudent.

— Arrête de faire ton rabat joie…

— J'arrêterai d'être rabat joie lorsque tu apprendras à écouter et deviendras plus prudent ! répliqua-t-il avec irritation. »

Je sentis la pression de ses pensées sur les miennes disparaître, me laissant deviner qu'il avait coupé la connexion. L'avais-je froissé ? Je haussai les épaules. Peu importe, cela n'allait pas atténuer mon moral. Et il ne bouderait pas longtemps de toute manière s'il tenait tant que ça à ce que je contrôle ses pouvoirs.

Une fois rentré chez moi, les douleurs commençaient déjà à s'atténuer. Mon corps récupérait rapidement et, bien que je n’étais pas aussi débordant d'énergie qu’à mon départ, j'étais revenu à mon état normal. Pour autant, la journée n’était pas terminée et je n'étais pas encore fatigué. Après avoir commandé et mangé une pizza, je décidai d'aller dans un bar où j’avais l’habitude de retrouver mes amis. Mais je ne leur proposai pas de venir, je ne voulais pas qu'ils s'inquiètent comme Matt plus tôt, ni qu’ils me questionnent.

Le McGurn, le bar dont je vous parlais, était à un peu plus de cinq minutes en prenant le métro. Il n'était pas particulièrement attirant de l'extérieur mais son intérieur lambrissé décoré de tableaux de navires en pleine tempête donnait une ambiance de folie ! Ça, ainsi que le flipper, les deux billards et la musique Irlandaise en fond. Avec une bonne bière, il n’y avait rien de mieux si vous voulez mon avis. Et le patron, Tom, était toujours sympa avec nous. Le bar n'était pas rempli ce soir-là : quelques personnes dégustaient diverses boissons, et deux hommes d'une cinquantaine d'année s’acharnaient au billard.

Je connaissais déjà ces deux hommes : Franck et Paul.

C’étaient des habitués du McGurn, ils y venaient bien avant nous et nous avions même sympathisé, alors même que Matt avait renversé sa bière sur la chemise de Franck. Plutôt original pour démarrer une amitié. En tout cas, Franck ne s’était pas énervé et, après que Matt lui ait payé un verre pour se faire pardonner, lui et Paul nous avaient même appris à jouer au billard. Depuis ce jour-là, nous avions pris l'habitude de faire des parties ensemble à deux contre deux. Généralement je les affrontais avec Florian, il était le meilleur d'entre nous à ce jeu. Brusque, entêté et toujours à se plaindre, le rouquin restait tout de même le petit génie de notre groupe même s'il ne se donnait jamais la peine d'y mettre plus du sien.

Après avoir commandé une bière au comptoir, je rejoignis les deux compères devant la table de billard.

« Salut mon gars ! me lança Franck avec un sourire en dessous de sa moustache brune, un verre à la main. T'es venu seul ce soir ?

— Oui, répondis-je. Vous allez bien tous les deux ?

— Comme toujours, me répondit Paul avec un sourire tout en se préparant à jouer. Une partie ? Nous venons juste de finir. »

Et pour se donner raison, le chauve d’une cinquantaine d’année fit rentrer la dernière boule, la noire, d'un coup vif et précis, mettant ainsi fin à la partie et remportant la manche face à un Franck dépité.

« Je déteste quand tu fais ça... maugréa ce dernier. Tu as une chance incroyable !

— La chance ou le talent, mon vieil ami ? »

Franck lui jeta un regard furieux mais je savais qu'il ne lui en voulait pas, c'était juste pour se charrier. Certaines fois, ils me faisaient penser à un vieux couple, alors qu’ils avaient chacun une vie de famille. C’était simplement un moment de détente pour s’isoler et se rejoindre entre amis.

« Pourquoi pas, répondis-je à la proposition de jeu. »

Franck me donna sa canne et Paul remit une pièce puis tassa les boules en me laissant l'honneur de casser le tas en premier. La partie avançait tranquillement, je mettais une boule et il en mettait une. Je n'étais pas mauvais mais Paul avait plus d'expérience et prit finalement de l'avance. Mais je m'en fichais, j'appréciais ces moments de tranquillité, sans le stress de mes études notamment. Isolé et apaisé, j'avais l'impression que tout était normal. Que rien en moi n'avait changé. Je ne sentais pas la présence d'Astérion si je ne lui prêtais pas attention ou s'il n'intervenait pas, me donnant le loisir d'être moi-même de nouveau.

La porte s’ouvrit et un homme entra dans le bar. Je ne faisais pas particulièrement attention à tous les nouveaux arrivants, mais lui attira mon regard. Je savais qu'il n'était pas un habitué.

Je devinai facilement qu'il était motard, vu sa tenue typique : manteau en cuir, lunette de soleil et jean noir avec une chaîne traînant sur les côtés. Bon, c’est vrai, ce qui me mit la puce à l'oreille c'est qu'il avait son casque sous le bras. Il avait la trentaine bien tassée, plus près de la quarantaine, brun avec une barbe bien garnie. On pouvait difficilement le manquer : il devait faire au moins deux fois mon poids pour une tête de plus ! Il jeta un coup d’œil à la salle avant d'aller s'asseoir au comptoir à côté d'une jeune femme. Cette dernière était déjà là avant mon arrivée, et sirotait son verre en regardant la télé suspendue en face d'elle.

« Tu vas perdre si tu continues à le laisser placer toutes ses boules devant les trous, me fit remarquer Franck, toujours concentré sur la partie de billard. Je taperais celle-ci si j’étais toi. »

J’essayai de me concentrer sur la boule qu’il me désignait mais mon instinct me soufflait de garder un œil sur ce motard. Il m'intriguait. À présent, il parlait à la blonde au comptoir qui apparemment n'avait pas l'air très heureuse de cette nouvelle compagnie. Je tendis l'oreille pour entendre leur conversation, mais vu comment il brayait, ce n'était pas difficile. Je me demandais même s'il n'avait pas déjà bu avant de venir ici.

« Je te propose juste de venir visiter la ville de nuit ! s’exclama l'homme d'une voix grave et bourrue. Je n'irai pas trop vite sur ma bécane si ça peut te rassurer, ma belle.

— Je ne suis pas ''ta belle'‘, répliqua la blonde avec entrain, et je n'ai pas envie de faire un tour sur ta ''bécane'' ! Tu n'es pas mon style du tout, tu es bien trop vieux, donc laisse-moi tranquille et va tenter ta chance ailleurs. »

J'étais impressionné devant son audace. Elle devait être à peine plus vieille que moi de peut-être un ou deux ans tout au plus, c'était difficile à dire. En tout cas elle ne se laissait pas faire !

Cependant il lui saisit le bras et insista encore lourdement :

« Allons, ma belle, je ne te propose rien de mal. »

Elle tenta de résister mais il était bien plus grand et bien plus fort. Tom, le patron, n'était pas en vue et personne ne semblait faire attention à eux. Je sentis la colère monter en moi à une vitesse ahurissante. Pour qui il se prenait ?

« Gagné ! s'exclama Paul à ma droite. »

Mais toute mon attention était rivée sur l'homme à présent. Je posai ma canne, pris mon verre et me dirigeai vers le comptoir. Mes camarades de jeu restèrent déconcertés, sans comprendre. Inspiré par une étrange sensation d’assurance, je me glissai discrètement sur le tabouret à la gauche du motard. Ce dernier me tournait le dos, penché vers la jeune femme à sa droite. Alors, pris d'une effroyable maladresse, ma bière se renversa ''accidentellement'' sur son pantalon.

« Espèce d'abruti, s'exclama-t-il immédiatement en se retournant. Fais attention connard ! »

— Oh désolé, je suis maladroit... »

Son pantalon était à présent imbibé de bière et, tandis qu'il tentait de s'essuyer comme il le pouvait, je lançai un clin d’œil à la jeune femme dans son dos qui comprit que j'avais fait exprès de le distraire. Elle profita de ma diversion et se leva pour partir aussitôt.

Mais il se releva et la rattrapa fermement par le bras.

« Où crois-tu aller ma belle ? Ma proposition n'est pas refusable. »

Elle tenta de se libérer mais il la tenait d'une main ferme.

Abandonnant toute subtilité, toujours assis, je me tournai vers lui et m’écriai d'une voix suffisamment forte :

« Je crois qu'elle ne veut pas te suivre, baloo. »

Venais-je de dire cela tout en faisant une référence au Livre de la jungle ? En effet. Et venais-je de signer mon arrêt de mort en l’insultant ? Probablement oui. Mais c’était presque comme si ma bouche avait parlé d’elle-même, sans le filtre habituel qui m’empêchait de dire tout ce qui me passe par la tête. Il se retourna lentement vers moi comme si lui-même n'était pas sûr d'avoir bien compris, tout en gardant sa prise sur la jeune femme. D'autres clients pivotèrent la tête vers nous, alerté par mon haussement de voix.

« C'est à moi que tu parles, nabot ? dit-il avec lenteur.

— Ton cerveau fonctionne vraiment au ralentit, ricanai-je. »

Normalement, je n'aurais jamais cherché la violence. En fait, je ne me battais jamais. J'aurais essayé de trouver un moyen diplomate surtout face à un mec qui bien que gros, faisait une tête de plus et ressemblait plus à l’animal omnivore auquel je l’avais comparé qu'à un homme. Certains diraient que c’était de la lâcheté mais vu mon poids plume, je trouvais que c'était la meilleure option pour vivre longtemps. Et puis je n'étais pas impulsif, plutôt quelqu'un de posé. Or là je faisais tout le contraire. Je n'avais aucune peur et je ressentais une assurance que jamais je n'avais ressenti auparavant.

Le motard s'approcha de moi tout en tirant la jeune femme derrière lui qui me lançait des regards affolés.

« Excuse-toi tout de suite si tu veux garder tes dents ! menaça-t-il en serrant son poing. »

Je me levai, relevant la tête pour le regarder dans les yeux, et lui offris mon plus beau sourire.

« Vu l'état des tiennes, ça ne pourra pas être pire. T'as déjà vu une brosse à dent ? Je connais un dentiste par cher si tu veux ! »

Son poing droit partit aussitôt qu’il comprit que je me moquais ouvertement de lui, mais à une lenteur stupéfiante. Était-il si lourd que ses bras avaient du mal à bouger ? En tout cas j’évitai le coup avec facilité en m’écartant simplement sur le côté d’une rotation de bassin. Il sembla surpris que j'esquive avec autant de facilité. En réalité, je l’étais tout autant.

Tout en serrant mon propre poing, je lâchai :

« La prochaine fois, écoute mon conseil. »

Et sans le laisser réagir, j’envoyai un direct du gauche dans son ventre bien gras. Il tomba à la renverse, deux pas en arrière. La fille me regardait à présent sidérée. Je ne savais pas d'où me venait une telle envie de casser les dents déjà bien abîmées du motard mais je souhaitais lui faire regretter d'avoir essayé de forcer cette fille à le suivre. Une rage anormale s’emparait de moi et me poussait à m'en prendre encore à lui, même s’il était au sol. Je voulais lui faire mal afin qu’il ne retente jamais quelque chose de semblable.

Je secouai la tête pour me raisonner.

Qu’est-ce qui me prenait ? Je devais me contrôler, il avait eu son compte. Je sentais la colère que m'inspirait cet homme se déferler dans mon corps, décupler mes sens, mais je luttais pour ne pas céder à la tentation de poursuivre cet affrontement.

Cependant ce lourdaud se releva et me jeta un regard venimeux.

« Je vais te démolir ! hurla-t-il de rage.

— Tu vas surtout sortir d'ici ! répliqua alors Tom dans mon dos qui venait tout juste de revenir. Et tout de suite ! »

En plus du barman, Franck et Paul m'avaient aussi rejoint.

Le reste des clients observaient le spectacle et nous savions tous les deux, le motard et moi, quel parti ils allaient prendre.

« T'as entendu le patron ? relança Franck tout en lui jetant son casque de moto, resté au pied de son tabouret. Dégage ! »

La présence d'autant monde suffit à le dissuader. L’homme se releva, ramassa son casque et recula lentement en boitillant jusqu'à l'extérieur, tout en me jetant un dernier regard courroucé que je lui rendis sans crainte.

Il faisait déjà nuit, et seul le son de sa moto me permit de dire qu’il était bel et bien parti.

« Merci, me dit la jeune femme que je venais d’aider en s'approchant de moi. C'était vraiment incroyable ce que tu as fait. »

Les paroles d'Astérion, qui étonnamment ne s'était pas manifesté, me revinrent alors : « Ne pas attirer l'attention ». Je venais de faire exactement le contraire. Mais je ne pouvais pas laisser cet homme faire ce qu'il voulait, n'est-ce pas ? Je m'étais senti capable de l'arrêter donc je l'avais fait. Et comme je m’en rendis compte à cet instant, l'adrénaline mélangée à l'énergie divine me rendait bien plus intrépide et combattif que je ne l'étais habituellement. Auparavant, jamais je n’aurais pris un tel risque seul.

« Ce n'est rien, répondis-je calmement. Il fallait juste lui rappeler qu'on a beau être dans un pays libre, on ne fait pas ce qu'on veut. »

Je n'aurais jamais sorti une phrase aussi cool il y a quelques jours. Je n'aurais jamais non plus été aussi sûr de moi face à un homme pareil, ni face à une jolie fille reconnaissante. Je me sentais guidé par un instinct neuf, comme si tout m'était accessible. J’aurais presque pu croire que c’était les effets de l’alcool si je ne me savais pas lucide.

Je commençais vraiment à aimer ces pouvoirs !

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