Joyeux anniversaire, Papy

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Joyeux anniversaire, quel funeste jour ! soixante-dix balais.

On passe dans une autre catégorie, les has-been qu’on ne respecte plus.

Oui Papy, oui, tu savais des choses autrefois, mais mon Papy, tout a changé. Mais oui, on la connaît, tu racontes toujours les mêmes histoires.

En fait, je n’avais pas fait attention, soixante-six, soixante-sept, soixante-huit, soixante-neuf. Tout défilait très vite, au rythme des petites douleurs qui se multipliaient, des docteurs qui s’ingéniaient tous à me trouver un petit ou un gros quelque chose.

N’est pas Agecanonix qui veut.

Les années, c’est comme les bornes kilométriques dans un paysage de montagne. Au début de la vie, on fait tout en descente, et tout semble facile. Puis on rencontre le plat, plus ou moins long.

Enfin on se bat contre le dénivelé et atteindre chaque borne hectométrique suivante relève de l’exploit.

Aujourd’hui, je suis dans mon lit, et je me souviens de l’anniversaire de mes 70 ans, comme si je le revivais maintenant :joyeux anniversaire, Papy. J’écrivais sur Scribay, et je passais sur le site plusieurs fois par jour pour savoir si quelqu’un m’avait lu. Personne, je repasserai plus tard.

Ma fille me disait qu’elle m’avait lu, qu’elle me lisait, ou qu’elle me lirait. Je n’ai jamais su, car nous n’en avions jamais parlé.

Puis, j’ai vécu au rythme de mes prises de médicaments, matin, midi et soir.

Il y a eu une période faste pendant laquelle, autonome, je me servais mes cachets sans me tromper. J’obtenais même des félicitations : bravo, Papy, tu n’en as pas fait tomber par terre. Mais comme j’avais tendance à en oublier, on m’a ôté cette prérogative.

Quelques années plus tard, on ne me souhaitait même plus mon anniversaire. Mais je ne m’en rendais pas compte.

Maintenant, je ne me lève plus et je ne dispose plus de mon ordinateur. Je ne saurais d’ailleurs plus m’en servir. Je me demande souvent si sur Scribay, quelqu’un a fini par lire mon œuvre. J’espère qu’il n’y a pas de commentaires, car je ne peux pas y répondre.

J’ai entendu dire que l’on avait placé un grand panneau « Maison à vendre ». Ils auraient pu le mettre ailleurs, car maintenant on ne peut plus ouvrir les volets de ma chambre. Ce n’est pas grave, car de toutes façons, ma vue a beaucoup diminué.

Depuis quelque temps, tout le monde parle comme si je n’étais pas présent. Puis, c'est quand j’ai entendu une personne téléphoner pour demander le retrait de mon lit médicalisé que j’ai compris que tout était prévu pour la nuit prochaine.

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