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Faut que je prennes plus des somnifères c’est pas des rêves à faire mais quand même, évidemment gardien à Douaumont ça devait arriver je rêve d’os des tas d’os avec des crânes dessus en cercle, mais pourquoi ce géant - obèse - dansant nu au milieu de sa graisse pourquoi qu’il bouffe la chair des morts dans le silence et danse le regard creux c’est du ralenti j’ai le temps de bien tout voir et c’est du sang qui coule de sa bouche tout du long et au bout de son sexe, des gouttes de sang, il bouffe et suce les os et lorsqu’ils sont bien blancs il les rajoute sur le tas en cercle autour ça monte ça monte et puis tout s’écroule et le géant il meurt alors le tas se couvre d’herbe et puis des fleurs et même un lapin qui court avec des yeux rouges et des dents de loup. Le lapin de la peur ; le lièvre il fuit la peur au ventre et le sang à la bouche la peur ça rend pas gentil c’est un cercle c’est vicieux un cercle la peur elle fabrique des petites bicyclettes, des roues de vélo qui tournent, la peur c’est le moteur des muscles et la joie aussi parfois. Faudrait qu’on ait de la joie partout pour actionner les muscles et alors y aurait que de la danse et du bonheur. Ou alors pas sûr le gros il danse sur des tas d’os mais ça c’est un rêve la joie et le bonheur c’est résistant, ça essaie de percer malgré tout malgré tout ça même s’il faut danser sur des tas d’os. Faut que j’arrête les somnifères et consulter peut-être ou alors c’est l’endroit qui est plus fort faut pas insister ma femme elle a peut-être raison « Tu t’imbibes Gérard tu t’imbibes de toute cette fumée qui vient du sol » et c’est la fumée des morts. « Tu devrais demander ta mutation » et que je lui réponds « C’est tranquille les morts ailleurs il faudrait travailler » mais c’est peut-être elle qui a raison, c’est pas si tranquille les morts c’est pas si tranquille ça parle les mots du silence les morts et ça connaît mieux que nous alors sans savoir on prend leur connaissance mais le savoir il est trop lourd alors on reçoit tout le tas d’os sur la figure quand ça s’écroule pas de musique non non des paroles il faut des paroles des mots oui des rires et des trucs qui vibrent en richesse de sons humains et qui habillent tous ces os et que ça revienne tout le sac d’os qui se remonte comme des mécanos en faisant des clics et des clacs habillés de mots parés de sonorités humaines et la chair est là à nouveau le verbe fait chair et les hommes et les femmes aussi sont là beaux lumineux et dans la lumière et la parole du monde.

Cent ans déjà, et pourtant.

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