La voix des anges

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Il y a un phénomène intéressant au sein du lycée historique de la ville, outre la disparition mystérieuse de certaines élèves: sa sonorité semble avoir été pensée de manière à ce que la salle de musique résonne jusqu’au dernier couloir de la dernière aile de l’établissement. Ainsi lorsque les discussions sont dénaturées par leur nombre et les voix déformés avec la distance, les quelques musiciens qui passent leurs scolarités entre ces murs ne purent qu’admirer la diffusion de leurs arts jusqu’aux oreilles des professeurs les plus âgés et des classes les plus agitées. Parmi eux, Maïa. L’année précédente ses reprises avec Nina avaient marqué les esprits, alors l’entendre chanter à nouveau avait quelque chose d’un peu magique. Depuis quelque temps William et Maïa réfléchissaient à reformer un petit groupe. Rester à deux alors qu’ils avaient été trois avait un goût bien trop amer. Eliott et Logan avaient proposé de les accompagner le temps qu’ils trouvent de nouveaux musiciens. Eliott s’était installé derrière la batterie avec autant de joie dans les yeux qu’un enfant devant un sapin de Noël. Il racontait qu’il avait commencé à jouer sur les morceaux de tôle du garage de ses vieux. Inquiets pour leurs outils, ils avaient finalement investi dans une batterie. Logan arborait une vieille guitare dont il avait appris l’usage sur les genoux de son père, ce n’était pas un génie de la musique mais il se débrouillait suffisamment pour accompagner un William aussi à l’aise avec des cordes d’une guitare qu'avec celle d’un arc.

Au bout de deux bonnes heures d’essais pas toujours réussis, Maïa alla attraper un vieux carton où étaient stockés des morceaux de paroles et de partitions qui n’avaient rien donné. Une sorte de tiroir des premiers jets pour musiciens. Elle cherchait l'un de ses textes, mais à la place elle tomba sur une série de petites lettres sur papiers déchirés qui semblaient avoir été jetés là en pagaille.

-William ? C’est à toi tous ces trucs ?

- Quels trucs ?

- Ça ressemble à des lettres… Celle-ci est signée…

- Daphné. Souffla Logan qui s’était suffisamment rapproché pour voir le petit renard dessiné en bas de la lettre.

En suivit une longue conversation à propos de la famille Lawson et son culte héréditaire de la nature qui les avaient poussés à créer une sorte de culte vivant à l’écart de la société humaine, dans les forêts de la région. Il leur fit promettre de ne rien dire à Athénaïs, il voulait le faire lui-même, si sa théorie était avérée, l’affaire n’allait pas à leur avantage et il fallait être prudent.

Athénaïs

Cela faisait déjà un bon quart d'heure que j'attendais, semblable à une plante verte, invisible, dans le couloir de l'administration quand mon père fini part m’ouvre son bureau.

- Désolée de t’avoir fait attendre, avec tout ce qui se passe en ville c’est devenu compliqué ici. Bref tu voulais quoi ?

- J’ai trouvé ça dans le fond d’une de nos valises, répondis-je en lui tendant la photo qui depuis quelques jours m’intriguait plus que je ne l’aurais souhaitée.

- Hum, c’est une vielle photo, je ne sais pas qui sont ses gens, probablement des amies de ta mère.

- Vraiment ? Tu mens toujours aussi mal, mais au moins je sais que ça vaut le coup de creuser.

Je quittais le bureau, son regard inquiet avait confirmé mon instinct et il y avait bien une personne qui pourrait répondre à mes questions dans ce lycée.

Mme Payot, la vieille dame de la bibliothèque, toutes les bibliothèques en ont une.

— Bonjour Athénaïs me salua-t-elle quand j’arrivais à hauteur de son bureau. Tu cherches quelque chose ?

- Bonjour madame, non pas vraiment. Disons que je voudrais vous montrer quelque chose.

Je plaçais la photo sous son regard interrogateur. On y voyait trois adolescents, au centre, une jeune fille d’une vingtaine d’années, encadrée par deux garçons qui semblaient s’amuser avec des cerises fraîchement ramassées.

- Oh… fit Mme Payot, c’est une bien triste histoire ça… Tu es là pour une histoire je suppose ? Hmm, oui, tu es toujours là pour les histoires…

— Et vous les connaissez toutes c’est pour cela que je viens vous voir.

— La demoiselle du milieu, vous la retrouveriez sans trop de difficulté avec internet, maintenant ils ont numérisé la majorité des journaux. Elle avait fait les gros titres il y a une vingtaine d’années et pas pour les bonnes choses. Pourtant s’était une des élèves les plus brillantes que j’ai rencontrées, on a rarement vu aussi douée pour interpréter une émotion, une intention ou une idée au département littéraire. Une sale histoire, on les a retrouvés tous les trois sur le toit du bâtiment où ils aiment passer la plupart de leurs temps. Les deux garçons étaient décédés dans des circonstances très étranges comme brûlé mais sans que l’on retrouve trace d’un départ de feu. Elle a échappé à la mort mais n’est pas revenue pour autant. À l’heure qu’il est elle doit toujours être internée en psychiatrie. On racontait à l’époque qu’elle avait le regard perdu dans le vide et les hurlements nocturnes des soldats revenus des tranchées. America qu’elle s’appelait, un prénom comme ça s’oublie pas.

Je restais silencieuse à l’énoncer de ce drame. C’était comme si l’ensemble des horreurs de cette ville s’alignait sans jamais avoir de sens, ni de cause, ni même de schémas répétitifs. Effectivement l’histoire était horrible, mais pourquoi des garçons, si toutes les victimes mystérieuses de cette ville étaient jusqu’alors de jeune fille… Ce drame était-il totalement différent des autres, sans liens ? Dans une si petite ville, à la même période ?

Je remerciais Mme Payot en quittant la bibliothèque l’esprit bouillonnant.

Rien n’avait de sens, plusieurs des disparues avaient été scolarisées ici, mais pas toutes et personne n’avait réussi à en retrouver une seule, bien qu’un coupable ait été arrêté il y a plusieurs années maintenant. Nina avait été abattue sans la moindre explication des années après la fin des disparitions, Clio avait été retrouvée congelée dans un bâtiment chauffé, encore une fois sans explications et maintenant cette histoire. Cette ville est maudite, je ne vois pas d’explications plus rationnelles.

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