L'Ecosse

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Je ne croyais pas si bien dire. La voiture m’emmène à l’aéroport, ce qui en soit n’est pas étonnant vu que je dois décoller, pour reprendre le terme de Me Alphonse, pour l’Écosse. En revanche, je ne m’attendais pas à un jet privé. Oui. Un. Jet. Privé. La limousine me dépose dans un hangar où un homme de bel stature, blond, en livrée d’aviateur m’accueille et se présente comme étant mon pilote personnel sous le nom de Mr Vladov. J’en reste bouche bée tout en lui faisant une petite révérence. Me Alphonse me conduit à l’intérieur et m’installe sur un siège très confortable, tout en me demandant de me détendre. Je m’assois tout en essayent de réaliser ce qui m’arrive. Hier encore je n’étais qu’une orpheline sous tutelle de l’État et me voilà assise dans un jet privé, en route pour un manoir, mon manoir, en Écosse. Je n’arrive toujours pas à y croire : j’ai la désagréable impression que je vais me réveiller dans mon clic-clac trop petit pour moi et réaliser que tout cela n’était qu’un agréable rêve.

« - Mademoiselle ? Mademoiselle ? Nous sommes arrivés... »

J’entrouvre les yeux et peine à réaliser où je suis. Nous sommes en Écosse. Le ciel est gris, les nuages bas. Il semblerait qu’il pleuve avant la fin de la journée. Me Alphonse m'escorte jusqu'à un énorme 4x4 tout terrain et m'aide à y monter. Il se place près de moi et fait signe au chauffeur. Nous quittons le petit aéroport et nous nous dirigeons vers une immense forêt de pins aux odeurs chatoyantes. Ici et là de petits animaux pointent le bout de leur nez : écureuils, lièvres… J'aperçois même au loin ce qui ressemble à un cerf. Je dévore le paysage des yeux, bientôt tirée de mes pensées par un léger toussotement dans mon dos.

« - Bienvenue chez vous Mademoiselle. »

Nous arrivons devant un immense portail en fer forgé, agrémenté en son centre d'un cercle avec les armoiries de mon père. J'en reste bouche bée : un mur en roche naturelle s'éloigne de part et d'autre de cette entrée. Je n'en vois pas le bout. Nous passons le portail et pénétrons dans une forêt ressemblant à celle que nous venons de traverser. Le chemin vers le manoir dure encore quelques minutes. Mon appréhension grandit à mesure que nous nous approchons. Me Alphonse doit le sentir et pose sa main sur la mienne avant de la serrer amicalement. J'en ai les larmes aux yeux. J'aperçois la façade de ce qui pourrait être mon chez moi : une bâtisse de deux étages, en grès blanc couvert de lierre, surmontée d'un toit semble-t-il en tuiles bleues. D'immenses fenêtres vitrées complètent l'ensemble. Juste devant la porte d'entrée se trouve un double escalier avec rambarde en fer forgé, joliment travaillé en forme d'arabesque. Pour finir, nous nous stationnons près d'une fontaine dont l'eau claire sort d'une jarre portée par une sirène, sculptée dans un marbre gris.

Je prend le temps d'admirer tout cela, de m'imprégner de l'endroit, avant de me rendre compte en levant les yeux que Me Alphonse me tient déjà la porte d'entrée ouverte. Je monte les escaliers et pénètre dans la demeure. J'entre dans un hall carrelé de rouge et noir, avec des immenses colonnes qui soutiennent un faux plafond décoré d'angelots et d'une carte que je ne reconnais pas. Au centre de ce plafond se trouve un dôme vitré d'où l'on peut voir le ciel.

Il doit être magnifique par beau temps.

Sur les murs, tableaux et tentures complètent la décoration. Des meubles, choisis avec un goût certain, sont placés judicieusement. L'avocat me fait signe de le suivre. Je traverse ce hall d'un pas hésitant : tout me semble démesuré ici. Me Alphonse m'attend devant une porte en bois d'ébène sculptée de motifs floraux à vous couper le souffle par leurs détails. Silencieusement, il me tend une énorme clé dorée, elle-même magnifiquement ouvragée, et m’incite à ouvrir ladite porte.

Je m'exécute. J'entre la clé dans la serrure et sens comme un frisson me parcourir. J'entends le mécanisme de la lourde serrure s'enclencher tandis qu'une vague de chaleur remonte le long de mon bras et s'épanouit dans tout mon corps. Cette sensation est très étrange : je sais que quelque chose vient de se passer sans pouvoir expliquer ce que c'est. Je me tourne vers Me Alphonse : son visage s'est détendu et il me sourit. Il semble avoir rajeuni de dix ans. Je pousse la lourde porte et nous entrons dans ce qui ressemble à un bureau. A ma gauche, le long du mur se trouve une immense bibliothèque, où me semble-t-il qu'il y ait de nombreux trésors littéraires. A ma droite, devant une cheminée à bois à l'ancienne, j'aperçois un salon d'angle de cuir blanc complété d'un tapis à poil long. Le plus impressionnant reste le bureau, majestueux, placé en face de la porte. En bois massif, le plateau a été découpé dans le tronc d’un arbre et a été poli, lustré et verni sans en avoir changé quoi que ce soit. Cet arbre devait être vieux vu la largeur du meuble. Un fauteuil en cuir noir, orné de bras doré complète l'ensemble. Derrière le bureau, une immense fenêtre donne sur le jardin arrière, agrémenté de lourds rideaux de velours rouge.

J’avance dans la pièce. Sous mes pieds, le parquet en bois foncé me donne une impression de force. En fait, tout ici n’est que force et volonté : la moindre parcelle de cet espace respire la virilité. Il va de soi qu’il s’agissait ici du bureau de mon père. Pourquoi avoir choisi cette pièce en particulier ? Je me retourne vers Me Alphonse qui me désigne le fauteuil en cuir noir. Je contourne le meuble et m’y assois : je m’y sens presque toute petite, ce qui est très rare. Il est vrai que depuis l’arrivée de monsieur l’avocat, je n’ai plus fait état de ma grandeur. Il semblerait qu’il ait tout fait pour que je l’oublie et me sente normale. Je le regarde et il me sourit à nouveau en baissant les yeux vers la droite. Je fais de même et voit trois tiroirs : j’ouvre le premier. Un petit éclair me fait sursauter, comme une petite décharge électrique. A l’intérieur se trouve une chemise de couleur rouge avec mon prénom inscrit dessus en lettre dorée. Je le prends et après m’être assuré du regard que j’ai le droit de l’ouvrir, le pose sur le bureau et le fait.

A l’intérieur se trouve une myriade de documents : acte de terrain, carte du domaine, plan du manoir, bons au trésor, chéquiers, carnet d’adresse… Je suis prise de vertige. Je m’affale sur le fauteuil et aussitôt Me Alphonse se précipite à mes côtés.

« - Mademoiselle ? Que se passe-t-il, vous ne vous sentez pas bien ?

- Je… je ne sais pas… voyez-vous… Cela fait beaucoup pour moi… Hier encore je n’étais qu’une pauvre orpheline et voilà qu’en l’espace de vingt-quatre heures j’hérite d’un manoir d’un père dont je ne connaissais même pas le nom, je voyage en jet privé et en limousine et maintenant… ça…, lui dis-je en désignant les documents.

- Je comprend… cela fait beaucoup à assimiler Mlle Alyana…

- Yona.

- Pardon ?

- Mon prénom usuel est Yona, personne ne m’appelle Alyana.

- Je suis sincèrement désolée mademoiselle, je ne le savais pas. Serait-ce votre mère qui… non, pardonnez-moi cela ne me regarde pas. Veuillez laisser tout ceci de côté je vous prie. Je vais vous montrer votre chambre. Nous discuterons de tout cela demain matin, si vous le voulez bien ? Vous serez alors plus reposée.

- Merci, Me Alphonse. Il est vrai qu’actuellement, je n’ai pas les idées très claires. »

Je me mets à suivre l’homme dans un état second. Nous retraversons le hall et montons les escaliers pour arriver devant une porte en bois, tapissée en son milieu par de la soie rouge. Encore du rouge… J’entre et avant de pouvoir m’émerveiller de la beauté du lieu, je titube vers le lit où je perd connaissance.

« - Mademoiselle ? Mademoiselle ! Vite, vous ! Allez me chercher Dame Arietty ! Mademoiselle ne se sent... »

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