Scène 7 : Repérages

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Joachim et sa mystérieuse associée sillonnèrent des rues de plus en plus sales, bordées d’entrepôts et de taudis en brique rouge. Les odeurs d’urine, de mauvaise friture et de fumée de charbon de bois saturaient l’air. Un mélange de moisissure et de pollution noircissait les bâtiments. Des ronces poussaient entre les pavés disjoints. Joachim manquait de se fouler la cheville à chacun de ses pas.

Il avançait derrière la jeune femme et peinait à s’aligner sur ses enjambées. Son estomac se serrait, l’ambiance l’oppressait. Les riverains leur jetaient des regards mauvais, voire des ordures. La marche lui laissait un moment libre, il le mit à profit pour réfléchir à sa situation. Il exclut rapidement l’hypothèse d’un rêve, car elle ne lui donnait aucune clef pour se sortir de ce pétrin. Tout au plus cette théorie le rassurait-elle quant aux dangers qu’il courait. Il parvint à la conclusion que suivre la jeune femme restait son unique solution. Il devait se débrouiller avec sa seule alliée.

— Au fait, je me nomme Joachim Langevin, et toi ?

Elle poursuivit sa route, sans entendre la question.

— Vous pourriez me dire votre comment vous vous appelez, ça ne coûte rien, insista Joachim.

Elle inspira profondément. Elle n’avait pas envie de répondre. Elle n’avait jamais aimé son prénom, donné à sa naissance par la chamane de sa tribu. La vieille sorcière l’avait désignée pour lui succéder et lui avait choisi un nom avec un destin, avec une fonction. Mais, la jeune fille d’alors ne voulait pas voir son chemin tracé par les autres. Elle souhaitait dessiner sa route au gré de ses envies. Un jour, elle avait quitté tout ce qu’elle connaissait pour voler de ses propres ailes. Elle avait découvert son don. Il consistait à trouver les sentiers entre les mondes. Elle s’en servait pour gagner sa vie, en achetant ce qui était commun dans un univers pour le vendre dans une autre où il était rare.

— Maerwin, répondit-elle dans un soupir.

— Cool, s’exclama Joachim. Ça fait guerrier elfe. Tu es une elfe ?

Maerwin s’arrêta et se retourna vers lui. L’enthousiasme du jeune homme fondit en un clin d’œil sous son regard pénétrant.

— Dans ma langue, mon nom veut dire : celle qui trouve les chemins. Une vraie malédiction, à mon avis.

— Pourquoi ça ?

— Observe, dit-elle en montrant le pont sur lequel ils venaient d’arriver. À partir de maintenant, mémorise le chemin, c’est le seul moyen pour entrer ou sortir du quartier. Si l’on se sépare, tu reviens ici. Compris ?

La rue pavée se transformait en une passerelle de bois usée par les roues de centaines de chariots. Une rivière fétide coulait en dessous. Des petites péniches que des hommes halaient en tirant sur des chaînes tendues le long du canal se traînaient un peu plus loin.

— Ne tombe pas dans l’eau. Elle est toxique et pleine de bestioles.

— Ah ! répondit Joachim en s’écartant brusquement de la rambarde. Il y a quoi par exemple ?

— Le soir, on devine des pieuvres de trente pieds. Personne ne navigue par ici la nuit tombée, expliqua-t-elle d’une voix lugubre.

— Heureusement qu’il fait jour, alors, conclut le jeune homme en reprenant sa marche d’un bon pas.

— Enfin, de jour il y a des espèces de gros lézards pleins de dents qui y chassent.

Ils s’engouffrèrent dans une succession de passages, entre des hangars et des immeubles vétustes. Maerwin s’arrêta au coin d’une maison et empêcha Joachim de poser le pied sur une petite esplanade qui donnait sur un quai.

De l’autre côté, les trois brutes entraient dans un entrepôt, le long d’une étendue d’eau. Ils rigolaient. L’un d’eux levait une main victorieuse dans laquelle brillait le pendentif. Le plus costaud agita le sac qui contenait les talkies-walkies.

— C’est là qu’ils vivent, déclara Maerwin. On va attendre qu’ils se saoulent pour fêter leur succès. On entrera ce soir.

— Hein, geignit Joachim, pour toute réponse.

— Cette nuit, tu passeras par une porte à l’arrière, pendant que je grimperai à l’étage. Une fois que tu seras rentré, je ferai du bruit pour les attirer. Tu auras le temps de récupérer l’amulette au moment où que je m’enfuie. On se retrouve au pont. Je peux compter sur toi ?

— Ouais, déglutit Joachim. Mais, si l’on attend la nuit, je ne serai pas rentré avant la fermeture du centre. Ça serait mieux de me ramener et de revenir plus tard, non ?

Maerwin soupira, décidément, il fallait tout expliquer avec celui-là.

— Le temps ne s’écoule pas de la même façon dans tous les univers, reprit-elle. Ici, la nuit tombe dans deux heures. Si tout se passe bien, tu seras rentré chez toi bien avant le soir.

Un gouffre de lassitude s’ouvrit sous les pieds du jeune homme. Ses jambes le lâchèrent, il se laissa couler le long du mur et s’assit en poussant un long soupir.

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