Chez le capitaine

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Le capitaine Nilen était plutôt bel homme dans sa jeunesse. Il avait passé beaucoup de temps a essayer de plaire aux jeunes filles de son âge, jusqu’à ce que la déesse des flots ne s’empare de son esprit scellant son destin. Il aimait sa vie de marin, mais à chaque fois qu’il remettait les pieds sur la terre ferme, il ne pouvait s’empêcher de regretter son ancienne vie de terrien. Contrairement à la majorité des marins, il n’était pas issu d’une famille de marin. Son père était un petit seigneur de l’île, un mercenaire comme tous les membres de la hiérarchie de Verte vallées. Il était le troisième fils de la famille, et était condamné de par sa position à servir de page à son aîné. Son deuxième frère était quand à lui destiné a la prêtrise. Il avait bien sur la possibilité d’épouser une fille de noble famille comme lui et avec un peu de chance d’hériter de la fortune de celle-ci si son frère aîné venait à mourir, ce qui était fréquent chez les mercenaires. Les lois de l’île donnant systématiquement la succession à la sœur aînée. Il s’y était essayé pendant ses jeunes années mais il s’était vite rendu compte que la vie de gestionnaire d’une propriété n’était pas faite pour lui. Il aimait l’aventure et aurait certainement du naître a la place de son frère aîné Niys qui avait préféré mourir au combat lors de la grande bataille sur l’île des Mortes années.

Sa sœur Sylve avait hérité de la propriété familiale et sa famille s’était empressée de la marier avec Ylis, le jeune homme avec qui elle passait son temps depuis des années. Nilen n’était pas naïf au point d’ignorer que le mariage était consommée depuis longtemps, et il était certain que Sylve n’avait pas qu’un amant, mais celui-ci était le plus visible et surtout avait l’énorme avantage d’être un bon parti. Il aurait dû faire comme Ylis, et trouver une jeune fille disposer à l’épouser, ce qui en soit n’était pas un problème, il était plutôt bel homme et relativement ardent pour plaire à la plus exigeante de ses maîtresses, mais il n’aimait pas du tout la proximité avec les nobles de l’île et gardait une certaine rancœur à n’être que le troisième frère. Les aînés qui survivaient à la vie de mercenaire avaient droit à un statut bien plus élevé que les troisièmes garçons de la famille. Il savait qu’il avait bien plus de valeur que Niys et que lui se serait débrouillé pour ne pas mourir dans une bataille de second ordre sans même s’y distinguer particulièrement. Personne n’était d’ailleurs certain que Nyis ne fut mort, son corps n’ayant jamais été retrouvé, mais la bataille sur l’ile des mortes années avait été une boucherie et bien peu de familles de mercenaire n’avait pu récupérer le corps de leurs enfants.

Le deuil avait été prononcé, et même si Nyis ne réapparaissait après toutes ces années, personne ne croirait ouvertement a son identité et il serait condamné a vivre en paria, comme le père de Elas, qui avait dû fuir l’ile Verte quand il avait voulu se faire passer pour un aîné revenant de la guerre alors que le deuil avait été annoncé officiellement par les prêtre du sombre royaume. Il était revenu un jour de printemps avec femme et enfant, espérant faire valoir ses droits, et même si ses parents l’avait reconnu officieusement, ils étaient liés par le deuil et ne pouvait revenir en arrière. Nilen qui était déjà capitaine de son bateau avait sympathisé avec le jeune homme et l’avait amené sur Océalys. Il ne s’attendait pas à trouver le bébé emmailloté dans la cabine du couple après leur départ.

Pour toutes ces raisons Nilen n’aimait pas l’île verte, cette île qu’il avait fuie il y a bien des années, pour ne plus jamais y réapparaître son son vrai nom. Il avait rejoint la confédération des marins, et avait réussi à s’y faire accepter.

Aussi quand il vit Elas et Mel arrivés avec leurs deux prisonniers, il reconnut tout de suite les deux jeunes gens comme étant des membres de l’aristocratie de l’île. Il ne pouvait pas être trompé, lui qui était le fruit des entrailles de l’île Verte pouvait reconnaître les fils et filles de mercenaire sous les plus improbables des déguisements. Il avait assez fait pour cacher son origine et était lui-même expert en déguisements et faux semblants.

« Père » dit Elas « Mel et moi avons découvert ces deux jeunes gens cachés dans la soute. Il se disent Troubadour et Jongleur cherchant a rejoindre Océalys »

« Depuis quand l’ile Verte produit-elle des Troubadours et jongleurs, il m’avait semblé que les habitants de cette île se complaisait plutôt dans le commerce de leur dons guerriers »

« -Nous ne sommes pas de l’ile, noble capitaine, mais nous y avons cherché l’aventure et étant déçu nous voulions la quitter à moindre frais »

Peyre avait parlé, espérant de Zinele comprendrait son jeu, il n’avait à vrai dire guère préparé leur voyage et il s’en mordait les doigts. Ils auraient dû préparer une histoire a raconter avant de fuir. Il avait tellement été a son envie de partir qu’il n’avait pas du tout pensé au côté pratique de la chose. Il regrettait d’avoir entraîné Zinele avec lui dans cette aventure, mais en même temps son instinct lui avait soufflé qu’elle serait plus utile à ses coté plutôt que sur l’ile a se morfondre en attendant un mariage avec un troisième fils ou un mercenaire survivant.

« Mon Maître a raison, les habitants de cette île ne goutent guère à notre art et nous cherchons à rejoindre Océalys ou les habitants sont plus réceptif. » dit Zinèle. « Ce sont des rustres qui ne comprennent rien a sa poésie et a mes tours de jonglerie »

« Tiens donc » répondit le capitaine

Nilen semblait plutôt dubitatif et n’avait pas l’air d’entrer dans le jeu des deux clandestins.

« qu’est ce qui me prouve que vous ne cherchez pas a me mentir ? »

« Je peux chanter pour prouver mes talents »

« Et ton jongleur ? »

« Il m’accompagnera »

Cela ne posait pas un problème, Peyre prit sa cithare et dit

« Nous allons vous interprété la complainte de Mi »

« Faites donc cher ami, faite » dit-il en s’installant confortablement pendant que Peyre vérifiait que sa cithare était bien accordée et que Zinèle a sa grande surprise sortait des anneaux de jongleur du sac a dos qu’elle ne voulait pas lâcher depuis qu’ils avaient embarqué clandestinement sur le bateau.

« Mi, enfant de la vie

Tomba amoureux de la belle Ely

Je vais vous compter

Leur histoire, leurs amours cassés

Par la jalousie

De leurs parents de leurs amis »

Pendant que Peyre ensorcelait de sa voix le capitaine Nilen, Elas et même Mel le rustre marin, Zinele entamait une danse tout en lançant et rattrapant avec agilité les trois anneaux de couleurs qu’elle avait sorti de son baluchon, malgré l’espace exigue de la cabine du bateau. Le jeune homme se disait décidément son amie d’enfance et future promise, s’ils étaient restés sur l’île, avait décidément bien des dons cachés.

Quand il eut fini son long chant, un silence s’installa dans la cabine du capitaine Nilen. Elas brisa le silence

« C’était beau, n’est-ce pas père ? »

« Je dois avouer que vous possédez un certain talent » dit Nilen, se tournant vers les deux artistes. « Mais cela n’ôte rien au fait que vous êtes des clandestins et que je devrais vous déclarer aux autorités de l’île pour ne pas avoir de problèmes, car quelque chose me dit que vous n’êtes pas uniquement ce que vous dites être »

« Dois-je prévenir le maître du port, mon capitaine ? » demanda Mel

« Je ne suis pas certain que cela soit nécessaire » répondit pensivement Nilen

Mel ne put s’empêcher de montrer son désaccord.

« Mais, vous savez n’est-ce pas, mon capitaine, les risques que nous encourons si nous cachons des clandestins »

« Je sais, je sais Mel, mais qui donc pourrait le découvrir si cela reste entre nous, n’est-ce pas » répondit-il sèchement, il fixa son regard brillant sur celui de son matelot.

« Personne ne peut le deviner, certes, mais nous ne sommes pas à l’ abri d’un contrôle »

Mel, malgré sa carrure imposante, semblait impressionner par Nilen, il n’osait pas s’opposer ouvertement au seul maître a bord. Peyre en l’observant ne put s’empêcher de se dire qu’à l’ avenir ils devraient se méfier de cet homme. Son regard croisa celui du jeune Elas, et il comprit que celui-ci n’appréciait pas non plus le marin.

« Rien ne nous oblige à dire que ces deux-là sont des clandestins, n’avons-nous pas besoin de main d’œuvre ? »

« Certes, mais nous avons besoin d’hommes robustes, et non de jeunes écervelés » répondit avec impertinence le marin.

« Cela suffit ! Je suis le capitaine de ce bateau, et temps qu’il en sera ainsi, il me revient le droit d’employer qui bon me semble » dit sèchement Nilen

« Je ne faisais que conseiller au mieux mon capitaine» répondit Mel, faussement soumis.

« En ce cas, merci pour ton conseil avisé Mel, mais je pense qu’il vaudrait mieux ne pas dévoiler la présence de ces deux-là au maître du port. Je ne tiens pas a attirer son attention sur nous, tu sais aussi bien que moi, que toutes les marchandises que nous transportons ne sont pas forcément légale. Et je ne vais pas t’apprendre que le commerce autorisé n’est pas très lucratif »

« Non, mon capitaine » répondit Mel

« Alors, c’est entendu, ma décision est prise, ces deux-là sont embauché comme moussaillon, fait les briquer le pont, mais n’abuse pas trop de ton autorité, il faut qu’il leur reste assez d’énergie pour me divertir en fin de journée »

« Oui capitaine » répondit Mel.

Se tournant vers Peyre et Zinele, il leur dit

« Suivez-moi vous deux »

« Donne leur un lit et un coffre pour leurs affaires. Et toi Elas, assure toi que personne ne vienne toucher aux instruments de nos jeunes artiste »

« Comment faire père, je ne peux garder constamment l’œil sur ceux-ci »

« Ne soit pas stupide, mets les dans ta cabine. Vous deux faites confiance à Elas et confiez lui guitares et instruments de jonglerie, je vous autorise a faire la traversée sur mon navire, mais sachez être discret. Vous passerez vos journée sous les ordres de Mel, et vos soirées à me divertir ».

Peyre se dit que leur voyage n’allait pas être de tout repos, mais il était maintenant certain de pouvoir traverser vers Ocealys, la grande Ile voisine. Leur fuite était bel et bien entamée, et rien ne pourrait l’arrêter, pas même Mel, ce marin en qui il n’avait aucune confiance.

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