20 – Trend : À bord du LEM

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Le solar wardner ne s’était pas laissé abattre par la rencontre expéditive avec Eve. Il ne pouvait que difficilement lui reprocher d’être aussi farouche. L’année passée, un groupe, armé de l’un des plus puissants calculateurs de l’histoire, était parvenu à faire tomber de nombreux agents du réseau Sentinelles dans des pièges et pratiquement aucune de leurs cibles n’avait réussi à leur échapper. Eve elle-même était tombée à l’époque.

Que Lem – ce n’est pas le nom du module de descente lors de la première mission d’exploration de la Lune ? Drôle de nom pour une station orbitant Europe – lui fasse peur est compréhensible. Mais le cybernétique n’a pas cette appréhension et il considère même qu’il faudrait être sacrément stupide pour s’en prendre à un membre du corps des solar wardners. Le groupe est soutenu par les corporations directement, chaque agent des « solar » possède même le droit de réquisition et leur parole vaut jurisprudence. Et c’est sans compter le réseau personnel de chaque agent… On n’y recrute pas n’importe qui.

En bref, si Nightly ne peut pas y aller, rien ne l’empêche d’aller y remuer les résidus qui y décantent. Vous vouliez vous faire une simple indépendante ? C’est un wardner qui va vous tomber dessus se répète Trend, comme pour se rassurer.

L’écoutille de la navette s’ouvre. Voilà onze heures que l’alerte a été lancée sur Essiert : les chances de trouver quelque chose sur Lem sont très réduites. Mais quoi qu’il reste là-bas : y compris les vestiges d’une embuscade, ce sera autant d’éléments qui permettront de progresser.

Étrange : l’éclairage de la station est en veille : seules les lampes d’urgences auto-alimentées sont allumées. Trend dégaine son arme, les premières anomalies sont décidément bien difficiles à ignorer.

Progressant à la force de ses bottes « magnétiques » comme le disent les anciens, le wardner progresse d’un pas assuré dans la pénombre. Objectif premier : atteindre la salle de commandement de l’installation. Ce ne sera pas une grande salle : le site est automatisé et sert principalement de relais pour les communications interlunaires ; le genre de station qui possède une quantité déraisonnable d’antennes paraboliques longue portée, organisées comme les facettes des yeux d’une mouche.

Le premier hub et d’autres anomalies : des sortes de racines calcinées sortent des bouches d’aération et encerclent les coursives. Celui qui a pris le contrôle de la station avait certainement prévu d’effrayer sa cible. Eve aurait donc des souvenirs liés à de vieilles œuvres de science-fiction ? Non, elle n’a que 15 ans et Trend ne la voit pas vraiment passer du temps dans de vieux stims ou, « pire », de la vidéo… Ce n’est pas elle qui est visée.

Un choc sourd trahit la fermeture du sas derrière lui. Par la minuscule fenêtre entre l’éblouissante lumière provenant d’Europe. Son taxi est parti, le laissant seul aux prises avec un adversaire qui semble aimer la mise en scène. Son pistolet pulseur sur la puissance maximale, il reprend son chemin vers les entrailles de la station.

Entrailles : le terme est bien choisi. Avec l’éclairage rouge et les espèces de lianes noires qui courent sur les murs, c’est l’impression qui s’en dégage.

Approchant de la position supposée du poste de commandement, Trend est surpris par des nuages de foglets informes dérivant dans le couloir. La surface luisante leur donne un aspect humide, comme s’il s’agissait d’éléments organiques apparenté à des globules.

Alors qu’il reprend son chemin, les bruits de course d’une créature quadrupède, comme une sorte de chien se font entendre derrière lui. D’un réflexe, il se retourne l’arme pointant vers les ténèbres. Sa vision amplifiée ne détecte rien, mais autour de lui les lianes calcinées semblent se mouvoir. Son IA de supervision écrase immédiatement une partie de sa subjectivité : son esprit est visiblement très affecté par la mise en scène. Maintenant, il sait : il est la cible. Son orgueil lui a interdit de comprendre avant. Eve elle-même l’avait prévenue.

La porte de la passerelle de la station est devant lui. Entrant son code impératif, il ordonne à celle-là de s’ouvrir. Derrière, la configuration de la salle le surprend : vide elle ressemble à un entrepôt d’une taille moyenne, qui pourrait contenir une navette.

Le wardner s’avance : les murs de la pièce sont pratiquement complètement recouverts de ces racines ou lianes artificielles. Mais elles suintent d’un gel noirâtre. Une poussière cristalline semble dériver dans la lueur des rares lampes d’urgence allumées donnant à la scène une allure lugubre. L’IA de supervision supprime un sentiment de peur et force son esprit à se concentrer sur les éléments rationnels présents.

Arrivé au centre de la pièce, des sons étranges, proches de voix humaines, sans en être vraiment, se font de plus en plus fort. Mais son esprit n’est plus enclin à les interpréter : la froideur des systèmes automatisés de son enveloppe ont pris le relais et vouloir effrayer un robot est certainement plus ardu que l’humain à qui s’adresse toute cette mascarade.

La porte vient de se refermer et une lumière extraordinairement forte envahie l’entrepôt. Les poussières forment une brume éblouissante et le son d’un lance-flamme se fait entendre. Alors que le wardner tente un mouvement pour esquiver les flammes, la salle entière s’embrase : la poussière, probablement un carburant cristallisé, explose et la chaleur enflamme même les matériaux composites de l’enveloppe de Trend.

L’une des batteries explose déchiquetant une grande partie des organes mécaniques du cybernétique. Quelques millisecondes plus tard, la seconde saute à son tour.

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