17 – Nightly : Le leurre

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L’ascenseur les conduit au neuvième étage, la numérotation inversée partant du plafond de la cité le panneau de contrôle de la cabine lui semble étrangement désorganisé. La douleur à la hanche s’est estompée mais celle au poignet continue de pulser au gré des battements de cœur.

Adossé paisiblement contre le garde-corps de la cabine, Trend la regarde avec des yeux inexpressifs. Les motifs lumineux qui parcourent les bords de son visage ressemblent à des circuits électroniques. Une mèche de cheveux bruns dépasse de sa capuche à l’avant. Visiblement lassé du silence, il engage la conversation : « On n’a même pas fait les présentations. Moi c’est Trend.

– Bonjour Trend, lui répond-elle froidement.

– Tu m’en veux toujours, hein ? », lance-t-il avec un ton qu’il espérait sans doute humoristique.

Nightly ferme les yeux et se concentre sur les sensations autour d’elle. Sensations… Comme la plupart des psions, elle ne sait pas vraiment nommer ce qu’elle perçoit à travers son implant. En fait ça n’a pas grand-chose à voir avec des informations sensorielles. La réplicante ressent plus ces informations comme des glitchs qui se manifestent à différents endroits dans son esprit. Pour un humain, même supervisé, il faut des années d’apprentissage pour commencer à se servir de l’implant psi. Heureusement pour Nightly, son esprit est basé sur une intelligence artificielle de type Ley-Wan : les seules à posséder des capacités d’introspection aussi poussées. De ses souvenirs, il lui avait fallu un mois et demi pour parvenir à contrôler convenablement l’implant.

« Quatre hommes à l’intérieur, deux autres qui montent la garde devant l’entrée. »

Elle rouvre les yeux : Trend la regarde interrogatif.

« Comment le sais-tu ? lui demande-t-il.

– Comme ça ! », répond-elle sèchement, bien déterminée à ne pas le laisser engager la conversation. Trend se contente de sourire en réponse.

La cabine s’immobilise : ils sont arrivés. D’une légère poussée, le solar wardner se redresse et sortant de l’ascenseur, il dégaine son arme sans se presser. « Ce machin pourrait faire des trous dans les murs », s’étonne intérieurement la justicière en observant le calibre du railgun de poche.

Arrêtant Trend de sa main, elle lui fait un signe indiquant qu’elle a repéré du mouvement venant vers eux. Le cybernétique mandaté conserve son arme à hauteur de ceinture, mais sa prise ferme indique clairement son intention s’en servir à la première menace. La justicière profite de l’imposante carrure de son « compagnon » pour se glisser derrière, les deux armes shock dégainées.

Dans une involontaire synchronisation avec le wardner, elle plonge sur le côté et abat l’un des deux gardes qui couraient dans leur direction l’arme à l’épaule. L’autre n’a pas eu la chance d’être touché par le faisceau neutralisant des armes de Nightly et une projection de sang en cône éclabousse les murs du couloir après le passage de la munition supersonique de l’arme du bourrin en gabardine.

Pour des raisons différentes, les deux hommes s’effondrent et rebondissent deux ou trois fois au sol par l’effet de la faible gravité. L’enfant regarde le wardner qui s’avance vers la porte de l’appartement de Brawnet.

« Le brouillage a tenu. Mais pourquoi tu l’as tué ? engueule-t-elle le wardner.

– Neo-control. Le tien est aussi vivant que le mien, lui fait-il ironiquement remarquer.

– Eux ?

– Pas la première fois, hein ?

– Je vais passer par la section de maintenance, tu peux garder la porte ?

– Je peux. », termine-t-il le sourire en coin.

La fine enfant dégage l’une des dalles au sol, révélant l’entre-niveau, la fameuse section de maintenance où tout l’appareillage que ce soit la gestion de l’atmosphère, le réseau électrique ou informatique, est soigneusement organisé. D’un mouvement précis et rapide elle y descend.

Avec ses lentilles qui améliorent considérablement la vision en faible lumière, rien n’échappe à Nightly qui progresse en direction des tubes de transport des eaux : la salle de soins sera sans doute le meilleur endroit pour émerger.

Alors qu’elle craque le verrou de la dalle d’accès à l’appartement, plusieurs tirs et impacts se font entendre. Serait-ce un effet des drogues anti-douleurs où elle a bien entendu Trend crier « Solar Wardner, rendez-vous ! » ?

Le verrou cède et d’une simple pression elle soulève la dalle. La petite salle de soins est vide et par la porte entrouverte, l’enfant constate que le salon a été la scène de la fusillade.

« Tu peux venir Eve, c’est nettoyé, lui adresse le wardner.

– Qu’est-ce qui s’est passé ?

– Ils ont voulu sortir…

– He ! Comment tu m’as appelé ? »

Eve, ce nom n’est employé que par certains de ses amis proches : autant dire par très peu de monde. Que Trend le connaisse implique qu’il est allé fouiner bien plus loin que ce qu’elle imaginait.

Dans le salon, quatre hommes reposent dans des positions improbables fauchés par les tirs à haute vélocité de l’arme du guerrier. Même la baie vitrée dont les vitres sont conçues pour supporter des impacts colossaux, présentent des fissures impressionnantes. Où les balles ont-elles fini leur course ?

« Si tu as des choses à faire, fais vite. Notre petite fusillade a attiré la sécurité. »

La psion se concentre et met en marche son logiciel de reconstitution : chaque élément visualisé est replacé dans son contexte et chaque indice est analysé pour reconstruire la chaîne des événements qui ont placé la scène de crime dans l’état où elle est.

De son côté Trend s’intéresse à un terminal SolNet sur lequel il s’est branché. Rapidement il commente : « Apparemment, ton Brawnet a envoyé de gros paquets de données sur une plate-forme orbitale. Lem, ça te dit quelque chose ? ».

Les premières anomalies tracent les premiers schémas et révèlent la supercherie aux yeux de la justicière.

« Tu n’y es pas Trend. Toute la scène est fausse : quelqu’un tente de m’atteindre. On m’a déjà eu à ce jeu : je n’y participerais pas à nouveau, explique-t-elle avec une rancœur manifeste.

– Et tu vas faire quoi ? lui demande le wardner avec une once de déception dans la voix.

– Trouver plus de données.

– Je t’accompagne ?

– Seule. », termine-t-elle, ouvrant un portail sur le mur bordant la salle de soins.

Elle le franchit d’un petit bond, de l’autre côté ses cheveux retombent avec un peu plus de force : de retour sur Mars, chez elle. Trend lui adresse quelques souhaits : « Prends soin de toi. ».

Le portail se referme sur un claquement.

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