Chapitre 12

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Les deux femmes suivirent la veuve du regard sans bouger d'un cil.

Annie s'approcha dans un triste état les yeux plein de larmes. Le preux chevalier protecteur de la barrière se mit face à la banderole, regardant la vieille dame s'approcher, tout en buvant un café. Il leva la main en direction d'Annie et dit :

-Madame vous ne pouvez pas approcher, ici se déroule une enquête de police.

Elle ne tint pas compte de ses avertissements et continua sur sa lancée sans même prendre en compte les aboiements de l'officier, elle était sans doute animée par une profonde soif de vérité et rongée par le doute. Ces femmes avaient-elles voulu lu jouer un mauvais tour en lui racontant des âneries, espérant la voir se ridiculiser en traversant la scène de crime ? Elle devait en avoir le cœur net.

Elle rampa sous la banderole et se releva difficilement, sa robe et ses mains étaient pleines de boue mais cela ne l'arrêterait pas pour autant. Le policier se mit en travers de son chemin :

-Madame vous ne pouvez pas rester ici c'est une scène de crime !

L'homme l'agrippa avec force avec ses mains massives, je me demande encore aujourd'hui si cet homme était vraiment humain !

- Lâchez-moi ! Je veux savoir ce qui se passe ! dit-elle en repoussant le grand policier de toutes ses forces.

Elle profita d'un moment de faiblesse de l'agent pour s'échapper et se mit à courir en direction des policiers réunis en cercle devant ce qui devait être un cadavre. Elle manqua plusieurs reprises de trébucher mais réussit à maintenir son équilibre, suivie de près par King Kong.

Seulement quelques pas la séparaient de ce qui accaparait toute l'attention des policiers, ils étaient venus en masse, le légiste était pour elle, certainement facile à reconnaître car son code vestimentaire était très loin de l'uniforme règlementaire des forces de police. Il portait une veste brune bien trop grande pour lui tous les policiers le regardaient attentivement scrutant chacun de ses gestes, la moindre réaction qui pourrait le trahir.

Elle se rapprochait de plus en plus, elle touchait au but, elle commençait sans doute à saisir l'objet de leur discussion. En face du légiste se trouvait un homme en costume, avec un chapeau de cow boy sur la tête, une carricature, un cliché vivant de l'enquêteur, avec son air sombre et concentré, le regard froid, celui de l'homme qui avait vu des atrocités pervertissant son esprit et sa façon de penser, le regard d'un homme côtoyant la mort de près. Du moins c'est sûrement la réflexion qu'elle se fit de lui, non loin de là le shérif s'occupait avec la préoccupation numéro 1 des policiers le fameux « café clope »

Elle arriva enfin, essoufflée, elle poussa tout ce beau monde et tomba nez avec son mari, enfin ce qu'il en restait. Il était étendu là, inerte le regard vide son visage dénonçant sa dernière expression la douleur. Ce fut ainsi que la vie de cet homme, ce mari, prit fin dans cette petite rue, lui qui avait gagné sa vie honnêtement et n'avait jamais fait de mal à personne. C'en était fini de lui, il ne restait que ce corps sans vie nous rappelant l'homme qu'il était. Tout ce qu'il aurait pu devenir tout ce qu'il aurait pu accomplir avait pris fin, ici, ce soir-là.

La pluie continuait de tomber, allait-elle s'arrêter un jour ? Le torrent de larmes atterrissait violemment sur le sol et sur chacun d'entre eux, cette situation était vraiment insoutenable. L'eau se mêla au sang de Doug et dégoulinait sur son front. Un trou béant figurait sur son abdomen, laissant entrevoir sa chair ; sa chemise était pleine de sang, il l'avait presque entièrement recouverte. Il s'était faufilé entre chacune des mailles de celle-ci. L'arme du crime gisait non loin de là un canif dont la poignée états recouverte d'or et la lame scintillante en argent attirait instinctivement le regard. Elle était également couverte de sang. A son doigt se trouvait un nouvel anneau doré, identique à ceux que j'avais pu voir précédemment. Ce n'était pas croyable, ils se trouvaient partout, et quel était le lien entre eux ? Et surtout que faisait Doug dans toute cette mascarade ? Appartenait-il à une confrérie secrète ? Ils ouvraient peut-être la porte de leur repère également secret ? Je me mis à divaguer, inventant des scénarios plus loufoques les uns que les autres.

Face à cette vision macabre, Annie poussa un cri d'effroi qui résonna sûrement à des kilomètres à la ronde ; ce qui fit frissonner toutes les personnes ici présentes, même le sombre enquêteur se raidit d'effroi en fixant la désormais veuve Mme Annie McCarthy.

Dans un dernier soupir Annie tomba à la renverse et fit ce qui ressemblait fortement à un malaise, Le gorille tentant de la rattraper, la manqua de peu : elle s'écroula et se retrouva nez à nez avec son mari, ils étaient maintenant réunis.

Entendant le cri d'Annie, je compris que c'était ma chance, tous les flics devaient être occupés avec l'entrée théâtrale de Mme McCarthy, j'en profitai pour me faufiler discrètement sous la banderole, masquer par les véhicules de police j'entama ma progression en direction de la scène de crime bien décider à comprendre ce qu'il se passait ici ! Dans ce village si calme habituellement, où l'évènement le plus marquant avait été la dégradation de la poste par des petits voyous, ils avaient écrit sur la façade de la poste « vous êtes tous timbrés là-dedans », ce petit jeu de mots en avait fait sourire plus d'un, en le découvrant de bon matin pendant leur petite promenade matinale.

Ainsi je continuais mon avancée entre les véhicules jusqu'à atteindre une fourgonnette, elle était remplie de matériel médical permettant de faire des prélèvements et possédait un appareil de photo, qui semblait être à la pointe de la technologie, celle du légiste. Plusieurs instruments lui servant pour son travail y étaient entreposés, je ne préférais pas connaître leur utilité. Rien que de l'imaginer cela me donnait la nausée. Moi qui n'avais jamais supporté les gros plans faits sur les cadavres dans la série Dexter, malgré cela je restais passionné par les enquêtes criminelles, les crimes non élucidés, les intrigues palpitantes, j'adorais cette façon dont l'auteur laisse planer le doute avant de nous désigner le meurtrier de leur roman.

J'étais à présent face à cette scène d'horreur, qui dans un film m'aurait semblée banale, je fus pris de remontées venant du plus profond de mon estomac, tout comme le bleu débarquant sur sa première scène de crime, j'allais gerber...

Je dus concentrer chaque mécanisme chaque rouage de mon organisme pour ne pas vomir, cela mettrait sûrement un point final à ma mission d'infiltration. Derrière cette camionnette, je les entendais discuter, deux des policiers entreprirent de déplacer Annie qui gisait sur le sol, ils durent faire des pieds et des mains pour la redresser. Effectivement en ce moment, elle n'était qu'un point mort désirant céder et rejoindre le sol, attirée par l'attraction atmosphérique.

Après bien des efforts , ils réussirent à la traîner dans un véhicule d'urgence tout en soupirant. Le légiste continua son travail d'expertise, assisté par le cliché ambulant de l'inspecteur. Après 10 minutes d'examen minutieux le légiste se prononça. Tous le fixaient impatient de savoir ce qu'il en pensait. Jo prit la parole, vous vous demandez surement qui est ce Jo ? Jo est le légiste, j'en avais simplement assez de l'appeler "légiste", cela devenait trop répétitif et lassant. Comme je disais, Jo se leva tout en jetant un regard à l'ensemble de ses collègues.

- Donc, dit-il en toussant pour s'éclaircir la voix, je pense que la mort remonte à peu près une heure, j'en sauras plus après des analyses plus approfondi, l'homme est âgé de la soixantaine et semble ne souffrir d'aucune blessure, mis à part celle se trouvant au niveau de son abdomen, qui lui a sûrement été fatale.

Il s'essuya le front, cette pluie semblait être liée à cet évènement : cela faisait maintenant plus de deux heures qu'elle s'abattait avec acharnement, ne laissant aucun répit à l'enquêteur d'autant plus que la pluie pourrait fausser les analyses et faire disparaître de précieuse preuves.

Jo continua ses explications avec des termes technique dont je ne comprenais pas le sens et du blabla médical. Tout en l'écoutant, je me demandai quand il allait placer cette petite blague macabre qui faisait fureur dans les films, mais en vain, il continua son spitch d'un air sérieux, ce serait sûrement pour une autre fois.

Une fois qu'il eut fini, il se retourna et marmonnant tout bas

- Quelle merde, foutue journée vivement, que je rentre.

Il s'avança dans ma direction d'un pas nonchalant, mon sang ne fit qu'un tour, j'étais pétrifié.

- S'il me chope je suis cuit ! dis-je, tout en m'abaissant le plus bas possible.

J'étais désormais en position demi-assise, les jambes pliées contre mon torse, espérant ne pas me faire repérer.

Le légiste Orienta son regard vers l'intérieur de la camionnette, il avait posé une main sur le haut de la portière droite, celle qui était de mon côté. Je voyais sa main, ses bottes pleines de boue et ses lacets soigneusement noués. J'étais piégé je ne savais que faire : si je bougeais, je me ferais instantanément repérer par les enquêteurs, mais si je restais là, je prenais le risque que Jo me trouve là, assis dans la boue, près de sa camionnette, j'étais suis foutu !

Il continua de marmonner.

-Merde où est ce foutu appareil ? Ah le voilà ! dit-il ricana légèrement, je ressentais la satisfaction qui en découlait. Il prit l'appareil dans une de ses mains, minutieusement, pour éviter qu'il tombe et se brise, avec le budget actuel de la police aussi serré que le café de Sam, ( c'est sûr), il serait dans une belle mouise. Il claqua les portes de la camionnette et s'en retourna en direction de la scène de crime.

Il s'en était fallu de peu. Je me voyais déjà maintenu par deux des gorilles qui faisaient office de policiers et escorté hors de la scène puis balancé violemment dans la boue, le visage plein de terre humide et la défaite imprimée sur la tronche. Je l'avais échappé belle, à présent je devais savoir si le meurtre de Doug et les évènements survenus récemment étaient liés. Pais par-dessus tout, je devais retrouver Jack et Wendy. Je me remémorai les évènements, les faisais défiler dans mon esprit, essayant de trouver une logique dans tout ce bordel. Je regroupais les éléments et raccordais, ce qui pouvait l'être comme Sherlock Holmes l'aurait fait. J'espérais démêler ce nœud qui me torturait, recomposer la chronologie des évènements, je n'avais nullement eu le temps de repenser à tout ça, tout s'était passé si vite l'adrénaline avait pris le pas sur ma raison, guidée simplement par mes instincts les plus primaires.

J'allais éclaircir ce mystère même si pour ça je devais y laisser des plumes, j'y arriverais ! Je continuai de cogiter ainsi pendant quelques instants, quand soudain une voix hostile me sortit de mes songes suivie par une énorme main qui m'extirpa de ma cachette, m'exposant au grand jour. L'homme avait une force phénoménale, il fallait voir avec quelle facilité il m'avait attiré vers lui comme si je n'étais qu'une vulgaire brindille.

L'homme me regardant dans les yeux, et d'un regard noir, me dit :

-Qu'est-ce que tu fous là, toi ?

Cette fois j'étais bien cuit...

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