Chapitre 19

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  Cleve grimpa les marches d’un immeuble.

  Au dernier étage, un long couloir aux murs tapissés de beige menait à l’appartement de Jenner. Pour s’introduire à l’intérieur, l’agent délogea un double des clés, dissimulé derrière une plinthe disloquée. À l’intérieur c’était comme si rien n’était arrivé, comme si Jenner venait juste de partir, laissant son appartement vide jusqu’à son retour. Lentement, il fit quelques pas pour s’imprégner des lieux, puis y jeta un regard analytique. En premier lieu, il s’appropria le salon et y découvrit des restes de nourritures dans des pots à emporter. L’un d’eux avait été renversé, et des traces de sauce rouge s’étaient amoncelés sur le plan de travail. On y décelait facilement de petites traces de pattes, la forme des coussinets s’étalant jusqu’à l’évier.

  La fenêtre était restée ouverte. Un vent frais avait rafraichi le salon qui abritait une légère odeur de cumin. Alors Cleve tendit sa tête par la baie vitrée pour constater, sur l’immeuble d’en face, l’enseigne d’un restaurant indien. En voulant refermer la vitre, un chat bondit de l’extérieur, presque en furie. Cleve eut un léger soubresaut à la vue de l’animal, qui se faufilait dans le couloir menant à la chambre.

  C’est en parcourant le mobilier qu’il se rappela les derniers moments partagés chez elle. Les soirées passées à travailler sur des dossiers, et de ne dormir que quelques heures avant de retourner au poste le lendemain.

  Sur une commode en bois mat, un cadre abritait une photographie, sur laquelle Cleve dévisagea son amie, à peine reconnaissable. Sa tenue n’était pas celle qu’il lui connaissait, et ses cheveux étaient taillés courts. Cette apparence lui donnait un air de garçonne, peu habituel à ce qu’elle était aujourd’hui. Pour mieux la voir, il attrapa le cadre et l’approcha de son visage. Il vit alors en arrière-plan ce qui ressemblait à la devanture d’un restaurant, connu pour être fréquenté par le gang des Ruy Blas. En voulant reposer la photographie, il sentit glisser un papier qui frôla la paume de sa main pour ensuite tomber au sol. Il y avait alors une inscription manuscrite au dos de celle-ci, et qui disait : « Pour ces heures de joie passées en votre compagnie… à toujours votre ami… H. ».

  Cleve le logea dans l’un des tiroirs du meuble qu’il referma avec délicatesse. Il était douloureux de penser à sa vie passée, avant qu’ils ne se rencontrent. Cleve laissa choir sa tristesse pour éviter la mélancolie. Son esprit divagua entre divers souvenirs, du moins les plus récents… le soir où elle s’est pointée chez lui alors que Marialie patientait dans la chambre à côté.

  Et si, en fin de compte, il avait pris le temps de lui présenter à cette femme… auraient-ils passés la soirée ensemble… et ne se serait-elle pas rendue chez elle pour terminer de cette manière ?

  Finalement, il comprit que cette visite n’avait de sens que pour réaliser le manque qu’il éprouvait.

  Cleve eut un nouveau sursaut.

  Le chat se frottait à sa jambe. Il comprit que l’animal réclamait à manger, et se munit alors de la gamelle qu’il posa sur le plan de travail de la cuisine, puis ouvrit chacun des tiroirs à la recherche de sa nourriture. Il tomba finalement sur un sac de croquettes et en versa une quantité abondante dans la soucoupe.

  Sans chercher plus, il regagna la sortie et claqua la porte derrière lui. Puis il glissa la clé dans la poche de son jeans, se refusant ainsi de l’abandonner.

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