Sportif

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Nous n'avions pas dit à Béatrice que nous allions au Laboratoire. Pour elle, nous allions simplement dans la forêt. Fort heureusement, les bois n'étaient pas trop éloignés de notre véritable objectif.

La pauvrette, inconsciente, se lamentait de ne pouvoir utiliser ses gadgets électroniques.

  • Pas besoin de GPS, je connais le trajet par coeur, et même le raccourci par les collines ! Et puis, pas besoin de batterie, ni de moteur électrique. C'est en descente. Bon, de toute façon, il fallait recharger. Alors, allons-y à fond à la descente !

Elle y allait de bon coeur. Nous avions du mal à suivre et je dois bien le dire, j'étais ravie de rencontrer une version de Béatrice plus sportive que mon vieux moi.

La descente, freins relachés, n'avait pas suffi à rattraper la voiture de son père. Elle s'éloignait, encore loin devant nous, disparaissant dans un petit nuage bleuté aux senteurs de vanille.

Arrivée à quelques centaines de mètres du laboratoire, je prétextait le besoin de faire une pause. Nous étions à l'orée de la forêt et il était trop tard, nous eûment juste le temps de voir le portail de l'enceinte qui se refermait. Il me fallait Gal.

  • Gal ! C'est toi la spécialiste pour ce genre de choses, pas vrai ?
  • Bonjour Poulette. Je voudrais bien t'aider, mais je n'ai aucune information sur cet endroit. Ce n'est pas faute d'avoir essayé ! C'est une espèce de trou noir dans ma cartographie.
  • Si mon père est entré, je dois pouvoir aussi le faire !
  • D'autant plus que tu passes à travers les murs...
  • Seulement si je suis Quantique !
  • C'est à dire lorsque tu es en danger... Attend je regarde... J'ai tout de même une information. Le grillage de l'enceinte est électrifié à 10.000 Volts ! Une sorte de super grille pain, en somme. Tu pourrais foncer sur le grillage en partant du haut de la colline. Tu ne devrais ressentir ni l'électrocution, ni les barbelés. Enfin, je crois.
  • Ha, mais non, mais non, Gal... C'est hors de question !
  • Bon, on va faire un test. Mais c'est bien pour te rassurer.

Tout mon être refusait cette éventualité. Je n'étais pas du tout convaincue d'avoir des pouvoirs, même si on les testait avant. Et puis, tester comment ? Béatrice, qui s'était éloignée, revenait.

  • J'ai trouvé une fleur hyper-rare ! Une Heliotropsis Purpurea. C'est une relique de l'ère glaciaire. On ne la trouve presque plus. Il me faudrait contacter la Société de Botanique. Vous faites quoi ?
  • De la magie, Béatrice ! dit Luv, qui était allé couper une branche, et qui la taillait en pointe.
  • Nous allons jouer à passe-muraille... rajouta Linh. Mais pour l'instant, c'est broche-poulet...
  • C'est Charlotte qui s'y colle ! Linh et moi, nous serons les magiciennes. Au premier tour, je passe cette lance très pointue au travers de cette jeune fille innocente, Charlotte.

Joignant le geste à la parole, Luv avait donné un coup de lance dans mon estomac, qui ressortit de l'autre côté en grésillant. Aussitôt, elle la retira.

  • Mesdames et messieurs, je vous prie de constater qu'il n'y a aucune blessure.
  • Bravo ! Bravo ! C'est très réussi. Mais je connais le truc. La lance est passée sous le bras de Charlotte. Vu de travers, on n'y voit que du feu !
  • Bon d'accord...

Il me fallait bien me rendre à l'évidence. J'avais esquivé le danger en transformant ma structure, de façon instinctive. Cela marchait-il à tous les coups ? Gal ?

  • Oui, Bé... Charlotte. A tous les coups. Alors, que fais-tu ? N'oublie pas qu'un Anneau Quantique est entré dans cet endroit. Crois-moi, ils sauront quoi en faire ! Pense-tu vraiment que ton père résistera à l'envie d'essayer un Anneau Quantique ? Lorsqu'il comprendra, il sera trop tard.

Je connaissais bien mon père. Gal avait raison.

  • Je vais essayer.

Linh et Luv se mirent en place. Béatrice, Jonas et Babo regardaient.

  • Et maintenant, mesdames et messieurs, après cette mise en bouche voici le clou du spectacle ! Charlotte, prenant la pente à vélo, va foncer sur la barrière et passer de l'autre côté !
  • Houlala ! Mais c'est un drôle de tour de magie, ça... Mon père dit que l'enceinte est électrifiée à 10.000 Volts, comme si c'était un grille-pain géant !
  • Le résultat n'en sera que plus spectaculaire !
  • Mademoiselle Charlotte, êtes vous prête ?
  • Heu... Je crois. Et bien on y va alors ? Gal ?
  • Nous sommes avec toi, Charlotte.

En attendant, c'était bien moi, et moi seule, qui fonçait en direction du grillage. La pente donnait une forte accélération, et je dus m'empêcher de freiner. Je fermais les yeux, avant de les rouvrir. Il y avait eu un horrible grésillement. Le vélo venait de percuter le grillage. Mais moi, j'étais passée, me retrouvant dans l'herbe. Pour être plus précise, en fait, je flottais au dessus de l'herbe en état quantique, le vélo et la casquette étant restés de l'autre côté. Et, qu'est-ce que j'entendais ? Un museau humide venait de se coller contre mon visage en miaulant. C'était Schrödinger ! Mon chat était là ! Bien vivant ! Il ne semblait pas avoir trop faim. Comme s'était-il nourri ? Il y avait encore tous les objets de mon petit monde, qui lui donnait l'apparence d'une décharge publique. Une balle de tennis entaillée. Une lunch box japonaise en fourrure synthétique. Mais où était ma fluffie douce ? Je regardais autour de moi. Fluffie douce était dans l'herbe, intacte. Elle était passée ! En fait, Fluffie et moi nous venions d'un autre monde. Elle était là lors de ma transformation. Pas le vélo. Ni la casquette.

Mais elle refusait de venir avec moi, dans le monde quantique. Je réalisais que lors du choc d'effacement par le camion du laboratoire, j'étais dans Fluffie douce. Elle aussi avait subi l'effacement, et comme moi se trouvait dans un état limite.

  • Gal ? Je vais rester longtemps en état quantique ?
  • Tu as reçu énormément d'énergie en franchissant le grillage. Tu devrais dissiper tout ça d'ici... quelques heures.

En attendant, je ne pouvais pas laisser ma Fluffie. Comme je l'avais déjà fait une fois, je me repliais mentalement comme un origami, et j'entrais dans ma peluche préférée. Je sentis que je récupérais un corps, qui devenait plus ferme. Bras et jambes me permettaient de courir, attraper, avec plus de puissance encore. Une pêche d'enfer ! Gal avait raison. J'avais énormément d'énergie à dissiper. Je remis en place l'oeuil gauche de ma Fluffie, en tirant sur le fil.

  • Laboratoire, à nous quatre !

Schrödinger miaulait, étirant son échine et sortant ses griffes. Comme Fluffie, comme moi, il était prêt.

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