Brocéliande

3 minutes de lecture

Les trois frères se disputaient, maintenant, et je crois que c'était chez eux une habitude. Entre quatre murs poussiéreux, les vélos d’intérieurs étaient à leur place et les tapis roulants ne roulaient pas. Où étions-nous donc arrivés ?

— Elle ne devrait pas ouvrir la porte, Harpo - Et pourquoi ne l’ouvrirait-elle pas, Chico ? Elle est venue ici pour une affaire personnelle -C’est normal qu’elle soit un peu effrayée.

— Je pense que nous devrions ouvrir la fenêtre, ajouta Groucho. - Peter est là ! dit Chico. - Regardez vous-même, mademoiselle ! Dit Groucho en levant ses sourcils gris.

Je m’avançais, posais mes mains sur le rebord et regardais. Dehors, un spectacle surprenant m’attendait. La ruelle sombre avait disparu, le ciel était d’un bleu parfait et le soleil brillait sur des prés traversés de ruisseaux, parsemés de bosquets aux fleurs parfumées, réchauffant mon visage. J’avais l’impression d’avoir toujours connu ce paysage.

Au loin, Peter avançait sur un chemin qui serpentait au milieu des herbes, faisant un signe de la main. Les animaux, petits et grands, venaient vers lui, sortant des terriers et des bois, et il leur parlait. Luv et Linh attendaient, l’air grave, et les trois Gardiens étaient plein d’impatience.

— Alors ? - Alors, mademoiselle ? - On ouvre la porte ?

Je ne pouvais pas reculer. Je ne voulais pas retourner dans cette ruelle sordide, retrouver mon père affalé, croiser un frère cynique, attendre une mère absente et revoir le collège, avec ses longues heures d’ennui. Pythagore était en possession d'un Anneau. Le même que celui qui m'avait donné ces pouvoirs, étranges et mal maitrisés.

— Ouvrez la porte !

En silence, Groucho, Harpo et Chico ouvrirent solennellement. Il semblait pleuvoir, une pluie fine, comme un nuage ou une vapeur. C’était une chute d’eau qui fermait l’entrée d’une grotte, et à travers les fines gouttelettes, il était vraiment facile de traverser, un arc-en-ciel indiquant le chemin vers l’extérieur. J’entendis les voix de Chico, Harpo et Groucho, qui me parvinrent comme s’il s’agissait d’une illusion sortant des entrailles de la terre.

— Vous viendrez nous voir ? - Impossible de ne pas nous trouver ! - Demandez la Maison-Dont-On-Ne-Peut-Compter-Les-Fenêtres. Ne vous trompez pas de salle ! De salle … !

Je ne les entendais déjà plus. Linh et Luv étaient là. Nous étions dans une clairière, et je vis au loin des collines, des bois. Nous étions secs, Peter nous attendait, souriant d'un air satisfait, entouré d’animaux plein de curiosité.

— Peter ? Où sommes-nous ?

— Vous ne le savez pas ? Linh et Luv ne vous on donc rien dit ? Luv voulut parler, mais Linh intervint.

— Tu es dans un monde quantique, Béatrice, identique à celui que tu as créé avec l’Anneau. Pythagore...

— Celui-ci est beaucoup plus ancien, et si je puis me permettre, bien mieux que le tien, qui ne contient qu’une vieille lunch-box japonaise, une balle de tennis entaillée au cutter, une peluche Fluffie douce déchirée, et un chat affamé !

— Schrödinger !

Je l’avais presque oublié. Il devait avoir faim, le pauvre. Peut-être était-il mort ?

— Qu’allons-nous faire d’elle ?

C’était un grand cerf, avec des bois magnifiques, un air noble, et le poil soyeux gris-argent, qui avait parlé. Il se tenait à côté de Peter, et semblait en colère. Cela ne m’a pas étonné d’entendre un cerf parler. Après tout, j’étais dans un monde magique. Ce qu’il dit ensuite était bien plus surprenant.

— Elle a failli tuer son chat. C’est une erreur très grave ! Cette jeune fille est terriblement égoïste, Peter. Si nous devons l’accueillir ici, elle doit suivre nos Lois. Nous devons organiser un procès, et la juger !

Tous les animaux qui étaient là hochaient la tête, et me regardaient maintenant avec méfiance. Peter reprit la parole.

— Calmez-vous mes amis. Béatrice ne connaît pas notre monde, et elle n’a aucune idée des responsabilités qui sont les siennes !

— Cette jeune écervelée mérite d’être jugée ! Je réclame un procès !

Des murmures d’approbation parcouraient l’assemblée, de l’écureuil au hérisson, de la fouine au sanglier, en passant par les nombreux oiseaux qui s’étaient perchés pour ne rien manquer du spectacle. Peter plissa son front, et reprit en soupirant.

— Béatrice, je suis responsable de cet endroit, Univers ou Monde, comme tu voudras, et à ce titre, je dois faire régner l'ordre. Si tel n’était pas le cas, chacun ici se tiendrait pour délivré de tout serment et reprendrait aussitôt sa liberté !

Il se retourna.

— Tu auras ce procès, Dieu-Cerf.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 7 versions.

Vous aimez lire Julie Sansy ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0