Conclusion

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  Disons-le clairement, ce développement n'a pas pour but de nier la responsabilité des parents. Bien sûr qu'ils sont responsables de leurs enfants et c'est tant mieux ! Au même titre que le coach sportif est responsable des échecs de son équipe, que le patron d'un CHU est responsables des fautes commises par ses internes. Mais leur coller toute la responsabilité sur le dos revient à déresponsabiliser l'enfant au même titre que cela déresponsabilise les joueurs dans le sport et les internes au CHU. Partout on entend que l'enfant est un sujet, qu'il faut tout mettre en œuvre pour qu'il accède à l'autonomie, et paradoxalement on va passer un ratichon musclé à l'éducateur qui laisse les enfants seuls quelques minutes, à l'enseignant qui n'est pas en permanence avec les élèves en cours de récréation. L'enfant est sujet dans les intentions et dans les discours mais il est objet dans les actes et dans les accompagnements. Il ne peut être autonome que dans l'espace de la cage symbolique dans laquelle on l'enferme avec ses parents. On le pousse vers l'autonomie en limitant son accès à l'autonomie. Nous sommes ici dans une situation de double contrainte, parmi tant d'autres, que nous subissons douloureusement.


Récemment nos maîtres à penser ont proposé une judicieuse explication pour ce qui ne va plus dans le développement de nos chers petits : « les parents ne peuvent pas dire « non » à leur enfant ». Je ne me lancerai pas dans l'interminable liste des exemples qui montrent que les parents en réalité ne cessent de dire « non » à leur enfant au quotidien, cela prendrait des pages. Je pense au contraire qu'ils n'ont pas beaucoup d'occasions de dire « oui » à leur enfant... ou plutôt « oui mais... » bien qu'ils sachent le faire comme ils savent aussi négocier leurs interdits avec leur sujet-enfant, mais que le système socio-politique a corrompu ce savoir. Car les enfants, de même que leurs parents d'ailleurs, ne peuvent pas s'opposer à la férule sécuritaire actuelle, ni transgresser les lois et les règles qui limitent leur liberté d'action sans risquer des sanctions sévères. Face aux frustrations les enfants réagissent soit par la colère et les parents vont céder pour avoir la paix, soit par le repli sur soi, la dépression, et les parents vont voir des professionnels comme on va au confessionnal pour laver ses péchés, soit par l'accident ou la maladie somatique et les parents vont connaître plus sereinement le commerce avec les médecins. On en arrive là parce qu'on aura oublié que le devoir de désobéissance est un facteur enrichissant pour l'intelligence et le bien-être psychologique, surtout lorsque l'on vous pousse à agir avec vos enfants d'une manière aussi contradictoire et ambivalente.


Les parents eux-mêmes font vite l'amalgame entre « responsables » et « coupables ». Ce qui les conduit logiquement à se considérer comme coupables en tant que responsables. Georgina Dufoix, lors du scandale du sang contaminé, refusait cet amalgame en disant : « je suis responsable mais pas coupable », alors que les parents, au contraire, sont jugés et se jugent eux-mêmes coupables alors qu'ils ne sont pas responsables. Quand nous abordons avec eux la situation de leur enfant sur le mode du partenariat équitable, sans les culpabiliser, sans remettre en cause tout leur système éducatif ni leurs sentiments profonds, quand nous leur démontrons que tout n'est pas de leur faute et que des causes multiples et extérieures à eux sont à envisager, qu'ils ne pouvaient pas savoir, en toute bonne foi qu'ils ont peut-être renforcé le mal-être de leur enfant en croyant le soulager, qu'ils ne sont pas responsables des manœuvres de leur inconscient. Quand ils reprennent confiance en eux en s’allégeant du poids de leur culpabilité, en s'engageant en tant que coresponsables d'un processus réparateur, nous voyons rapidement évoluer favorablement leur enfant. Je tiens à préciser en outre que je n'ai jamais constaté ce déni que l'on a attribué à mon sens injustement aux parents. J'ai plutôt observé une réticence à dévoiler leur culpabilité, un moyen de préserver au moins leur dignité.


Alors... parents responsables ? Oui et non. Parents coupables ? Non, sauf en cas de maltraitance avérée. L'important à mes yeux étant de trianguler ces dualités, de suivre le précepte de Spinoza selon lequel la réflexion procure la joie face à un questionnement qui procure la tristesse.

Jean-Paul, le 27.03.2019


1. « Le labyrinthe des esprits », Carlos-Ruiz ZAFÒN

2. « la place de l'enfant dans la société française depuis le XVIème siècle », François LEBRUN

3. « Comment aimer un enfant », Janusz KORCZAK

… et bien d'autres.

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