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Enfin arrivée chez moi, je n’avais qu’une envie : me débarrasser du peignoir immonde dans lequel on m’avait emballée et me doucher. Je jetai néanmoins un œil à mes messages ; Jules m’avait contactée :

Tu t’es enfuie ?

Pourquoi ne pas avoir simplement dit non ?

Je n’avais pas l’intention de te forcer.

Dire non ? Avais-je dit non à Lorenzo ? Je me repassais les évènements dans la tête. J’avais l’impression de m’être insurgée en voyant Lorenzo arriver, d’avoir protesté au moment où il avait jeté mes affaires dans les flammes, mais m’étais-je vraiment rebellée de manière claire ? Je devais bien l’admettre : je m’étais laissée enlever sans opposer de résistance. J’étais même montée dans la voiture comme une grande, ou plutôt comme une petite fille. J’avais sagement suivi les consignes de deux fous rescapés de l’asile. Qu’est-ce qui m’avait pris ?

Je relevai la tête de mon écran et tombai nez à nez avec Etienne, en pantoufles, chemise d’hôpital et gants de cuir piqué. Le sourire aux lèvres et l’œil coquin, il se mit à se déhancher. L’enthousiasme de ce mec était décidément increvable. Il se mit à chanter « Etienne, Etienne, oh tiens le bien ! ... » à tue-tête en faisant mine de démarrer un strip-tease.

Tout doucement et sans me quitter des yeux, celui qui s’était glissé derrière moi dans mon vestibule faisait mine de défaire l’attache située derrière sa nuque, jouant avec le biais comme s’il s’agissait d’un boa en plumes. Ce mec ne craignait pas le ridicule et en réalité, il me fit rire. Après avoir lâché la grappe à son col, il se mit à faire glisser les pans de sa défroque en opérant des rotations alternativement à droite et à gauche, dévoilant tantôt une cuisse bien musclée, tantôt un morceau de fesse ferme et rebondie. Se pouvait-il qu’avec son charisme et un corps aussi bien charpenté que le sien, on puisse tout se permettre ? Lui ne se posait pas la question. Il fonçait, ponctuant sa parade par des lancers de charentaises, en profitant pour découvrir un peu plus ses chaînes musculaires au meilleur de leur forme.

Une fois déchaussé, mon chippendale s’en prit à ses mitaines en cuir piqué. Il effleura de longs gants en satin imaginaires lui arrivant jusqu’aux coudes, commença à en pincer le bout des doigts et à les faire rouler le long de ses avant-bras, faisant valser les mitaines dans l’effeuillage.

Ce gars avait le don de transformer n’importe quelle situation désespérante en un moment de pur bonheur. J’étais hilare, captivée et plutôt émoustillée par le spectacle burlesque que m’offrait un des plus fous des fous qui peuplaient ma vie. Cette scène me rappelait pourquoi Etienne m’était devenu indispensable : un peu de folle légèreté dans ce monde froid et brutal. Et il avait un don pour les préliminaires.

Tout en continuant à soutenir mon regard, il commença à faire glisser sa chemisette le long de son corps, dénudant ses épaules, ses biceps, ses pectoraux, ses abdos bien dessinés… Une fois passée la taille, il ralentit le mouvement. Le tissu plaqué sur son corps d’albâtre laissait deviner toute la vigueur et toute l’ardeur de sa motivation. La proposition devenait de plus en plus alléchante.

Mais mon playboy n’en avait pas fini. Il me tourna le dos, me laissant une vue imprenable sur sa charpente d’athlète. Il ôta une manche, puis l’autre, pivota à nouveau dans ma direction, tenant sa parure comme un toréador ondulant sa cape, de droite à gauche et de haut en bas, frôlant son torse avec malice, s’approchant ostensiblement du point de non-retour sans jamais le franchir. Ses mains finirent par dépasser le point fatidique et l’étoffe s’y retrouva suspendue comme par magie.

  • Sans les mains ! me lança Etienne avec un grand sourire, tout fier de s’être si facilement transformé en porte-manteau.

Il écarta sa jambe droite et se mit à se déhancher, comme pour jouer toujours un peu plus avec le feu, ultime défi à la gravité terrestre. Mais le crochet tenait bon et la chemisette restait en place. Je commençais à me demander qui céderai en premier : moi ou la loi de Newton ?

Mon strip-teaseur pivota alors à nouveau sur lui-même. Cette fois, son visage me tournait le dos. Ses yeux se remirent néanmoins en contact avec les miens par l’intermédiaire du miroir en face de lui. Un objet d’un mètre et demi sur quarante-cinq centimètres que j’avais eu le mauvais goût d’installer horizontalement. Je regrettai amèrement ce choix qui ne me permettait pas d’observer ce que trafiquaient les mains d’Etienne en dessous de sa taille. Après m’avoir fait languir un moment, sa main gauche s’empara lentement de l’habit et le laissa choir à terre à distance de son corps. Sa main droite, quant à elle, s’affairant toujours hors de mon champ de vision.

Mon play-boy saisit ensuite sa casquette de golfeur pour la laisser descendre le long de son torse. Au moment où il me refit face, il la maintenait devant sa main droite toujours active. Continuant à me titiller, il prit son temps pour ajuster son couvre-chef selon le meilleur angle, puis il croisa les mains derrière la tête comme pour signifier la fin du spectacle. Il s’adossa au mur, sa gâpette comme en lévitation devant lui. Il me dit :

  • C'est ton tour.

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