Chapitre 44D: Marie-Charlotte

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Le mois de décembre me parut excessivement long jusqu'au nouvel an. Tout le monde toussait, était pris du nez, car nous avions du mal à correctement chauffer l'appartement en respectant le budget de Gustavine, assez serré à cause des économies qu'elle entreprenait de faire pour payer sa formation de sage-femme. Ce n'est qu'en voyant sa petite puce de trois ans manquer de mourir d'une fluxion de poitrine qu'elle arrêtait cela. Nous allâmes acheter du bois en quantité pour que cela ne se reproduise pas. En attendant, elle se mordait les doigts.

Ce dimanche de début janvier, avant l'office, nous croisâmes Berthe. Accompagnée de son mari et de deux jeunes femmes qui tenaient les mains des quatre enfants, elle ne manquait pas de venir me saluer.

—''Louise !

—''Berthe, l'embrassais – je, comme cela fait longtemps.

D'habitude, je ne la croisais jamais à l'église le dimanche, notamment parce-qu’ils avaient déménagés suite au déplacement de Gabriel à l'hôpital militaire, mais en ce jour du Seigneur était célébré la première communion des jumeaux, et ma petite - cousine avait absolument tenu à ce qu'elle soit faite en l'église où ils avaient été baptisés. Je saluais son mari, et elle me présentait sa benjamine Marie – Charlotte, âgée de cinq ans et demi, que je n'avais jamais connu. Elle en profitait aussi pour refaire les présentations avec ses autres enfants. Ses deux aînés Berthe et Gabriel, âgés de onze ans et demi, flottaient dans leur longue soutane blanche, une grosse croix accrochée autour du cou et son cadet Charles, un petit brun de sept ans, me regardait de ses yeux verts la main serrée dans celle de sa nourrice.

Marie – Charlotte avait sensiblement le même âge que Jacqueline et nous les invitâmes donc à faire connaissance. Devant la timidité de la fille de Gustavine, je pensais que rien n'était gagné mais lorsque Marie - Charlotte lui montra la pièce brillante d'un franc qu'elle avait trouvé par terre, et que cette dernière s'y intéressait presque jalousement, je me disais que c'était finalement plutôt bien parti. Pendant la messe, les deux petites filles s'assirent l'une près de l'autre, et assez peu intéressées par les cantates, elles se montrèrent chacune leurs trésors.

Nous assistâmes ensuite à la première communion d'une huitaine d'enfants dont les jumeaux. à la fin, nous nous quittâmes en espérant de tout cœur nous revoir tantôt. Devant l'insistance de sa mère, Bernadette accordait un baiser d'adieu à Berthe, qui lui mettait dans la main un petit bonbon. L'enfant, toute contente, regardait sa mère en ayant l'air de lui demander si elle pouvait le manger dès a présent.

—''Mange – le ma fille. Tu as été bien sage ce matin, je suis très satisfaite. Je te l'ouvre ?

Gustavine déroula le papier de la friandise et le tendit à l'enfant qui s'empressa de le fourrer dans sa bouche.

Le soir venu, alors qu'elle lavait sa fille de cinq ans, Gustavine m'appela. J'arrivais, la petite fille grelottait nue, debout les pieds dans l'eau froide du baquet, sa mère cherchait des yeux quelque chose.

—''N'auriez – vous pas vu la médaille de baptême de Jacqueline ? Elle ne l'a plus autour du cou.

Je regardais brièvement autour de moi, sur la commode de la chambre, et même sous les lits. Il n'y avait rien. Je me tournais vers l'enfant que sa mère terminait pressement de laver. Quand elle était séchée et habillée, Gustavine cherchait avec moi dans tout l'appartement. Nous terminâmes nos recherches infructueuses par demander à la principale intéressée.

—''Cet après – midi, au moment du goûter, portais – tu ton collier?

Elle fixait le sol, en triturant quelque chose. Sa mère s'agaçait.

—''Regarde – moi je te prie Jacqueline. Et donne - moi ce que tu as dans la main.

Elle lui tendit docilement la pièce d'un franc. Gustavine la tourna pour la regarder de chaque côté, en se demandant bien d'où elle venait.

—''Où as - tu donc trouvé cela ?

—''C'est Marie – Charlotte qui me l'a donné ce matin.

—''Ah oui ? Et te l'aurais t- elle donné gratuitement?

—''Non, contre ma médaille maman.

Elle empoignât l'enfant par le col et elle l'emmena avec autorité sur le palier, en la grondant avec autorité avant de refermer la porte :

—''Cela t'apprendra à vendre tes affaires de famille. La prochaine fois, tu y réfléchiras à deux fois.

Ignorant les pleurs qui avaient de plus en plus d'intensité, elle se tourna vers moi et elle s'assit en soupirant.

—''J'espère que Berthe s'en apercevra rapidement, mais pour ma part, je n'y crois pas trop.

—''Je vous trouve sévère avec elle. Elle n'avait pas conscience de ce qu'elle faisait.

—''Je me dit que punir un enfant n'en a jamais tué aucun et que cela lui permettra d'apprendre à ne plus recommencer. Elle aurait eu l'âge de Bernadette, passez - encore... mais à presque six ans, je pense qu'elle pouvait se raisonner.

Deux minutes plus tard, j'allais chercher la petite qui s'était assise contre le mur les jambes repliées, et je la prenais par la main. Elle s'excusa ensuite auprès de sa mère qui sur mes conseils, écrivit à l'hôpital militaire pour qu'il transmette l'information et notre adresse aux parents de Marie– Charlotte, qui pourraient ainsi nous envoyer par courrier le précieux bijou. Elle y tenait beaucoup, car c'était une médaille nominative et religieuse, qui avait vocation à protéger l'enfant même si elle avait une plus grande valeur sentimentale que monétaire.

En attendant qu'on nous la renvoie et pour protéger sa fille, elle lui passait sa propre médaille autour du cou. Sur la face, il y avait un visage de poupon gravé, et au dos, une date et un nom :

''Gustavine, M. J

31/07/1770 ''

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