Chapitre 32C: juin 1783

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La femme et l'homme contemplaient l'appartement, elle était habillée d'une robe de damas bleue qui couvrait complètement ses jambes et donnait l'impression qu'elle glissait sur le sol. Il était rasé de près, tout comme Léon, la taille serrée dans un costume blanc, il tenait à la main un chapeau haut de forme. Mon mari me présenta les gens alors que je les regardais, interloquée par cette visite surprenante et inattendue.

—''Louise, ce soir, mettez le couvert pour deux personnes de plus.

Le couple refusa d'abord, gêné d'ainsi s'inviter.

—''Nous ne resterons pas…

—''Je vous en prie, je vous invite. Nous pourrons ainsi continuer notre discussion sur les œuvres de Rome d'Ardène et de Caron et même de politique si vous voulez. Installez – vous donc, je vous en prie.

L'homme finissait par s'asseoir, tandis que la femme, très chaleureuse se baissait élégamment en se présentant à moi :

—''Madame Marc – Antoine Désaugiers.

—''Enchantée, je m'appelle Louise. Asseyez-vous… Que fait donc votre époux dans la vie ?

—''Marc connaît votre mari depuis que nous nous sommes installés au-dessus de la librairie, il donne des leçons de musique, il est compositeur.

André, tout intimidé de cette visite impromptue, fis son apparition, suivi de Malou et Gustavine, aussitôt qu'il voyait les invités, il courait se réfugier derrière moi, les doigts dans sa bouche baveuse.

—''Voici ma nièce Malou, et ma belle – fille Gustavine. Les présentais – je

Les filles saluèrent, tandis que je sortais André de sa cachette, par les épaules, doucement, et je le prenais sur mes genoux.

—''Voici mon fils André.

—''N'est -il pas timide, ce petit garçon ? Elle fouilla dans sa besace de cuir, défit le papier d'emballage, et lui tendit la pâte de fruit rouge. Voudriez - vous une petite gâterie ? Demanda-t-elle à mon fils en lui tendant le bonbon. André voulu l'attraper, mais je m'en saisissais avant.

—''Saluez d'abord. Et dites merci à Madame Désaugiers pour la gâterie. Voyant qu'il hésitait, je le forçais.

—''Allez André.

—''Moi ye sai pas…

—''Mais si, dites merci.

Il bafouilla un vague merci, et comme je n'étais pas une mère rosse, je le laissais manger la première confiserie de sa vie, il croquait dedans en me regardant, comme pour me signifier que c'était bon.

Les filles, assises comme deux plantes vertes sur les fauteuils, n'osaient pas retourner à leurs activités de peur de mal être vues des invités, alors que cela n'avait pas vraiment d'importance, tandis que Léon et Monsieur Désaugiers se trouvaient dans le bureau de Léon pour discuter de leur passion commune qu'était la littérature. Nous n'avions, avec Madame Désaugiers, a priori plus rien à nous dire. Me rappelant que je ne connaissais pas même encore son prénom, je me lançais, coupant le silence pesant.

—''Ne tenez donc vous pas à me décliner votre petit nom ?

Son époux s'adressa à elle en sortant à moitié du bureau, sans lui laisser me répondre.

—''Ne devriez nous pas, ma chère, venir chercher les garçons seuls à l'appartement pour le souper ? Monsieur Aubejoux les convie eux aussi.

Elle me chuchota, avant de se lever et de s'excuser pour ce départ si rapide :

—''Appelez - moi Madeleine.

Elle revint, trente minutes plus tard, accompagnée de deux jeunes garçons assez grands, vêtus de costumes et coiffés de manière identique, qui se ressemblaient énormément. Malou et Gustavine les regardaient d'un air anxieux, elles n'avaient pas l'habitude de côtoyer des garçons de leurs âges. Madeleine me les présenta rapidement.

—''Voici Marc–Antoine, mon aîné, âgé de onze ans, et Auguste, qui vient d'avoir ses neuf ans.

Le couple et leurs enfants prirent le souper à nos côtés, et restèrent une partie de la soirée, Malou et Gustavine sympathisèrent avec les garçons, c'étaient de braves jeunes hommes, dont l'aîné voulait devenir compositeur. J'apprenais qu'ils venaient de Fréjus, où monsieur Désaugiers et les enfants étaient nés, et qu'ils y retourneraient prochainement pour le soleil et les études de leurs fils. La soirée s'achevait sur des adieux car je me doutais que je ne les reverrais pas de si tôt.

En ce début d'été, les gazettes annonçaient de plus en plus souvent des hostilités du peuple à Paris, contre le Roy qui s'enrichissait, alors que le petit peuple mourrait de plus en plus de faim. J'avais peur pour Léon – Paul, bien qu'il soit parti depuis deux ans, et plus les jours passaient, plus je me disais qu'il ferait bien de rentrer chez nous. Mon inquiétude quant à son départ avait repris depuis que j'avais reçu cette unique lettre, celle de sa première communion. Signée de sa main, elle m'était si précieuse que je sentais presque chaque soir et longuement le papier blanc pour m'imprégner de l'odeur de mon enfant, j'imaginais comme il avait grandi derrière cette écriture soignée, et je la rangeais comme un trésor dans mon petit tiroir de chevet.

Léon reçu un faire–part de mariage pour l'hiver suivant, le fils de sa sœur, soit son neveu, Jean–Léon, épousait une jeune femme prénommée Margot, le quatorze février de l'année prochaine, nous étions donc invités, enfin, surtout Léon, car mon nom n'apparaissait pas sur l'invitation. Cette fois, je notais la date de l’événement pour ne pas oublier de nous y rendre, comme cela avait été le cas pour les noces de ma petite – cousine Berthe en février de cette même année, qui m'avait d'ailleurs récemment écrit pour me convier chez elle autour d'un thé la semaine d'après. Comme j'étais impatiente, j'avais déjà acheté une boite de calissons pour offrir, c'était une petite boite ovale blanche et bleue luisante, que j'avais rangé tout en haut du placard pour ne pas éveiller la curiosité des enfants.

Léon venait de raser sa moustache et il avait décidé de se laisser pousser la barbe. Au bout de trois, quatre jours déjà, il était terriblement vieilli, on lui donnait facilement la cinquantaine. André était impressionné de voir son père ainsi, les premiers jours, je voyais bien qu’il l'évitait.

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