Chapitre 19K: novembre 1770 - janvier 1771

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L'auberge dans laquelle nous comptions dormir était effroyablement sale : rien que dans la pièce d'entrée, il y avait des cadavres de rats à moitié dévorés par les félins agressifs qui traînaient aux alentours, du sang séché sur les murs, et même, c'est Camille qui me le fit remarquer, un crâne humain au-dessus de la cheminée embourbée par les cendres. Me demandant si je me réveillerais vivante le lendemain et traînant des pieds a l'idée de voir l'état de la chambre, je pleurais presque. Notre chambre était effectivement dans un état pitoyable : Camille cria lorsqu'en voulant s'asseoir sur le lit, elle y trouva un gros rat agonisant, une patte arrachée au milieu d'une tache de sang, et se jeta dans mes bras à la vue du tas de cafards grouillant s'échappant du dessous de l'armoire.

Les draps du lit étaient maculés de tâches de toutes sortes, certains jaunes, d'autre marron, et à la vue d'une particulièrement immonde, j'eus un haut-le-cœur terrible. Quand un homme tout aussi dégoûtant entra dans la chambre sans frapper, et tenta d'approcher Camille, nous lui échappâmes, récupérâmes les chevaux et quittions les lieux en vitesse. Elle pleurait maintenant. Je la consolais, cet homme n'avait pas eu le temps de lui faire du mal, mais elle avait eu peur de ne pas pouvoir échapper à ses griffes. Je menais la voiture une heure peut–être, mais au bout d'un certain temps, mes paupières devinrent si lourdes que je dus m'arrêter au bord de la route. Avant de m'endormir, je m'étais dit que je ne ferais que me reposer, mais quand je me réveillais, le soleil pointait. Après m'être assurée que ma sœur allait bien, (elle dormait recroquevillée sur la banquette) et lui avoir trouvé une couverture, je remotivais les chevaux, transis de froid et affamés, et nous repartîmes, selon mes calculs, nous arriverons le matin suivant, un retard important qui je l'espérais, ne froisserais pas trop Auguste.

Nous nous arrêtâmes pour ravitailler les troupes dans une auberge beaucoup plus propre que celle vue la nuit précédente : nous prîmes un bon repas tandis que les chevaux furent bouchonnés, abreuvés, nourris, aussi nous reprîmes vite la route. La nuit suivante fut passée dans une auberge sale, mais seulement poussiéreuse, et nous arrivâmes au petit matin, fatiguées, devant l'immeuble où vivait Camille.

Une fois que la malle fut montée, ma sœur ouvrit la porte de son appartement, et rentra retrouver son mari, tandis que je m'empressais de ramener Auguste et Malou chez eux. Après m'être rendue chez France, et l'avoir salué, je m’aperçus qu'Auguste fils sortait d'une crise de larmes. Il se frottait les yeux rougis, et bavait abondamment, son nez coulait aussi.

— '' Alors mon garçon... Que vous arrive-t-il ? Je tentais de le consoler en m'agenouillant à sa hauteur et en essuyant ses yeux de mon mouchoir.

— Maman... maman... maman... Réclamait t - il dans ses sanglots sans être capable de répondre à ma question.

—''Que lui arrive t-il ? Demandais - je a France

— Ce matin, il a refusé de prêter un de ses jouets a Philippe, je l'ai sanctionné et depuis, il réclame sa mère. Depuis qu'elle est partie, il ne mange presque pas, et dort à peine. Je lui avais dit que vous rentreriez hier matin, mais vous n'êtes arrivées que ce matin.

— Je suis désolée, mais nous avons eu un imprévu dans l'auberge où nous devions passer la nuit. Je vous raconterait cela plus tard, en attendant, allons ramener les petits auprès de leur mère.

—''Où est Malou ? France s'éclipsa, avant de refaire son apparition et de me remettre un beau bébé emmailloté dans les bras.

Je prenais d'une main Auguste, en tenant d'un équilibre fragile le nourrisson de mon autre main, et nous montâmes dans la voiture pour retourner chez Camille. Quand Auguste fils revit sa mère, ce fut comme si son cœur déchiré se réparait en une seconde, ses yeux cessèrent de couler, ses cris incessants aussi et il lui sauta dans les bras. Je tenais toujours Malou dans mes bras, puis quand Camille en avait fini des embrassades avec son fils, qui en voulait toujours plus, je lui remettais son bébé, avant de lui dire au revoir et de quitter le logis d'un pas décidé. Je retrouvais ma chambre chez Louis et Madeleine, mon confort habituel, j'étais bien de retour chez moi. Je racontais les merveilles de l'air marin à Louis un peu plus tard, lorsqu'il fut rentré en permission. Il me posait mille questions, Madeleine vint se joindre à la conversation, elle aussi très curieuse de savoir comment était faite la mer. La routine repris, et à la fin du mois de novembre, je reçu une lettre d'Amédée, très plaisante à lire.

Chère Louise,

J'ai appri que vous aviez visiter la mer, je l'ai vu seulement en dessin dans mes livres, comment c'est fait vraiment ? Sinon j'espère que vous allez bien, moi j'ai reçu les félicitations de Me Tatin, et je sais ce que je veux faire comme métier plus tard : soldat pour le roy. J'ai toujours un peu froid mais sinon tout se passe pour le mieux. J'attends votre réponse avec impatience, joyeuse Saint – Nicolas en avance.

Ps : J'ai compté que mon anniversaire était dans vingt–trois jours, bientôt j'aurais huit ans !

Amédée

La lettre fut montrée à ses parents, et Joseph exprima sans rien dire sa tristesse de savoir son enfant parti loin de lui, Amédée lui manquait, mais jamais il ne l'aurait exprimé devant nous. Je répondais au petit garçon aussitôt :

Cher Amédée,

La lettre que j'ai reçu de votre part m'a procuré grand plaisir, et je ne vous remercierais jamais assez de régulièrement donner des nouvelles. Vous manquez a toute la famille, j’espère que vous fêterez la Saint- Nicolas en bonne compagnie, et que vous n'aurez pas trop froid. Sur ces mots je vous souhaite un très bel anniversaire de vos huit ans, et de bonnes études.

Affectueusement, votre cousine Louise.

Peu de temps après le passage à l'année 1771, j'appris que l'époux de Camille était tombé malade, et devait rester alité. Alors que je lui rendais visite, je fis connaissance avec la bonne de maison engagée par le couple pour prendre soin des enfants, de façon à laisser Camille s'occuper de son mari. Ma sœur tentait de faire baisser la fièvre d'Auguste en tamponnant d'un linge humide son front. Agenouillée près de lui, elle s'arrêtait parfois pour prier. Les cris de Malou résonnaient dans l'appartement, mélangés à la voix grave de sa nourrice, et aux charabias de son frère. L'ambiance était lourde, je ne savais quoi faire pour aider ma sœur, alors je faisais des allers–retour entre le salon et la chambre. Peu de temps après, à la mi–janvier, nous nous rendîmes à l'église pour la première communion de Thérèse. Camille restait avec son époux, trop malade.

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