Chapitre 24G: février - avril 1775

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Je me sentais prisonnière de mon époux, ici, loin de Paris, je ne pouvais pas partir, ni voir mes proches, ni Mathurin. Sa lettre me rappelait à quel point j'avais besoin de lui.

Ma Louise,

Comme je vous l'avais dit, mon mariage avec Sophie était prévu pour le mois de février. Nous nous sommes donc mariés ce dix – neuf février, à l'église Sainte – Geneviève de Paris. Ma cousine avait très peur mais tout s'est déroulé parfaitement, a l'exception des alliances oubliées à la maison des parents, qu'ils ont dû aller chercher en vitesse, interrompant la cérémonie, permettant à Sophie de souffler un peu. Nous avons pris notre repas du midi et du soir en compagnie de ses parents, soit mon oncle et ma tante, Jules, Clémence, leur fils et maman. Puis je couchais le soir auprès de Sophie, tremblante, elle me laissa toutefois agir et tout se passa bien. Comment se passe votre nouvelle vie à Montrouge ? Allez-vous bien avec Léon - Paul ? Avez - vous mis au monde votre enfant ? Vous me manquez, je voudrais vous revoir et vous serrer dans mes bras, il me tarde que vous ne rentreriez à Paris.

Mathurin.

Cher Mathurin,

Mon deuxième fils est né le cinq décembre, il s'appelle Simon. Ici à Montrouge la vie est triste et monotone, c'est un énorme village de peut - être huit cent ou neuf cent personnes, il y a une école, une église, un marché le samedi matin et quatre ou cinq lavoirs répartis dans le bourg. Avec Sophie, vivez-vous dans votre propre appartement ou dans celui de ses parents ? Fait – elle une bonne épouse ? Vous me manquez, je voudrais plus que tout rentrer pour me retrouver dans vos bras et être couverte de vos baisers. Je ne sais quand nous rentrerons mais j'espère que les allers – retours entre Paris et Montrouge pour aller au travail (il est avocat) finiront par lasser Léon.

Bien affectueusement, Louise.

Chère Louise,

Félicitations pour votre petit Simon ! Quelle hâte ais-je de le rencontrer quand Léon se sera lassé de ses allers – retours entre Montrouge et Paris ! Pour être franc, je peux vous dire que Sophie fait une très mauvaise épouse, d'abord sa cuisine est horrible, elle n'assume pas souvent le devoir conjugal, prétextant je ne sais quoi pour l'éviter, et passe ses journées dehors, si bien que j'ai pris la décision de ne plus lui donner de sous pour ses dépenses personnelles, désormais je lui achète moi-même ce qu'elle veut car je ne suis pas riche comme Crésus !

Concernant l'argent, j'ai trouvé peu après le mariage un travail de cordonnier chez un artisan, un des frères de Sophie, qui a accepté de me donner une formation accélérée et de m'embaucher voyant ma motivation. Sinon tout va bien à Paris, je pense que vous avez la même météo à Montrouge mais je peux vous dire qu'il fait froid ici. Je vous aime.

Mathurin.

Au début du mois de mars, j'eus d'abord un horrible mal de ventre qui me fis me tordre de douleur et je perdais d'importantes quantités de sang, et alors que j'allais au pot de chambre un peu plus tard, une minuscule masse de la taille d'un grain de pomme et complètement informe tomba au fond du pot dans un tout petit bruit. Je crois que je venais de faire une fausse couche, alors que je ne savais même pas que j'attendais un enfant. Je ne disais rien à Léon puisqu'il ne savait pas que j'étais enceinte, mais cela m'horrifia autant que ses mains velues et rêches sur ma peau lorsqu'il venait dans mon lit. C'était un homme d'une bonne trentaine d'année, je crois avoir entendu une fois qu'il avait trente – quatre ans, aux cheveux courts et noirs, sans barbe mais avec une moustache, il avait sur les bras la peau rouge et abîmée tel un vieil homme, je crois qu'il était atteint d’eczéma, Camille avait fait quelques crises étant enfant.

Chaque dimanche, j'avais la boule au ventre a l'idée d'aller au lavoir, je ne voulais pas qu'elles se moquent de moi, j'avais l'air d'une enfant mais un jour alors qu'elles parlaient de moi comme une mauvaise fille, rousse qui puait et coureuse d'hommes, je leur lançais la voix chevrotante et au bord des larmes :

—''Vous êtes méchantes. C'est blessant ce que vous dites sur moi.

Je voulais rentrer dans mon Paris adoré. Mon Dieu pourquoi étaient – elles si cruelles avec moi ?

Les mois passèrent et je repensais, le six avril aux quatorze ans de Thérèse, qui était désormais presque une jeune femme, et ma cousine France, seule.

Le beau temps revenait, et un jour que je me rendais au puits chercher de l'eau pour le ménage, la cuisine et le bain de Simon, je trouvais ce bébé immobile emmailloté lové dans son couffin dans le renfoncement du bord du puits. Il n'y avait aucune indication ou mot dans ses langes, mais de toute façon l'enfant était mort depuis déjà quelques temps, sans doute de faim. Ma réflexion fut je le pense pertinente : si la mère avait voulu que l'on sauve son bébé, jamais elle ne l'aurait placé dans le renfoncement du puits, ou alors était - elle sotte ? Dans un élan de tristesse, je creusais de mes mains un petit trou pour y ensevelir son corps et qu'il ne soit pas dévoré par les chiens et les rats. Bouleversée, cette journée commençait bien mal.

Mon petit Simon avait quatre dents depuis le quatre avril, il s'éveillait, babillait, il était beau mon fils avec ses yeux bleus qui je l'espérait ne changeraient pas de teinte.

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