Chapitre 24A: mai - juillet 1774

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J'avais des nouvelles de mon amour le jour de mon anniversaire, belle coïncidence alors qu'il ne connaissait pas ma date de naissance.

Louise,

Cela est fait, j'ai obtenu après maintes négociations et promesses la main de Sophie. Celle - ci ne manifesta aucune réaction hostile vis à vis de notre union et je pense que tout se passera bien. Nous nous marierons si tout va bien en février de l'année 1775, en attendant, je vis chez mon frère, qui vient d'ailleurs de voir naître son premier enfant, je vous avais fait part de son mariage en juin 1772. Un joli petit garçon né le trente avril dernier, baptisé Jean - Robert, il me fait devenir oncle. J'ai pu voir et porter dans mes bras l'enfant, une petite plume ! Lui et sa maman se portent bien. Comment allez-vous avec Léon-Paul ? Marche-t-il ? Vous en sortez-vous avec tous les bambins et votre époux ? Répondez-moi vite, je vous embrasse.

Mathurin.

Sa lettre me fit un tiède au cœur, c'est à dire d'abord un froid de savoir cette jeune fille de dix - sept ans au bras de mon amant, puis un chaud d'apprendre la naissance de cet enfant. Alors que je me promettais de lui répondre rapidement, j'oubliais sa lettre dans mes malheurs de maman enceinte, à la charge de cinq jeunes enfants capricieux et contrainte comme si cela ne suffisait pas supporter les colères de son mari difficile. En effet il me refit une scène de ménage lorsque je punissais Caroline d'avoir tapé Malou, sans raisons apparente d'après moi, '' parce- qu'elle voulait prendre ma poupée'' d'après ma belle - fille, qui décidément n'appréciait pas mon neveu et ma nièce. Léon se plaça du côté de sa fille et sanctionna ma nièce, injustement.

Ce qui me rendais triste, c'était qu'avec mes obligations d'épouse, je ne pouvais pas à chaque fois que je le voulais me rendre sur le tombeau familial pour prier et changer les fleurs de la famille, notamment ma sœur, qui me faisait pleurer encore tant la douleur persistait. Le tombeau de famille était une immense tombe qui contenait les corps de toute la famille, une vingtaine de personnes depuis mes arrières – grands-parents jusqu'à ma sœur. Sur la pierre étaient posées des dizaines de plaques commémoratives, certaines très abîmées, d'autres neuves.

Un dimanche matin, pensive, je mordillais mes genoux nue dans le baquet de mon bain, les cheveux dégoulinants, quand il entra dans ma chambre, surprise je sursautait et relevais la tête. N'ayant pas revêtue ma chemise de pudeur car il n'était pas censé assister à mon bain, je cachais de mes bras ma poitrine et tentait de ne pas trop m'énerver.

—''Vous auriez pu frapper avant d'entrer...

Il ignora mes propos.

—''N'avez-vous pas vu mon gousset ? Je le cherche depuis ce matin.

—''Je dis que vous auriez pu frapper !

—''Alors, ne l'avez – vous pas vu ?

—''Léon écoutez-moi !

Il continua de m'ignorer, ce fus long, et moi nue dans l'eau lactée, je commençais avoir froid, je bouillais de l'intérieur. Prête à exploser, je criai presque à mon mari :

—'' Sortez maintenant Léon ! Écoutez-moi ! Sortez !

Il sembla enfin considérer mes paroles, s'approcha de moi, me regarda d'un air méprisant et me donna une violente gifle. Tandis qu'il sortait de la chambre sans avoir trouvé sa montre, je frottais instinctivement ma joue meurtrie par le coup, imaginant quelle vie heureuse et tranquille j'aurais menée s’il ne s'était pas marié à moi. Je portais pourtant au creux de mon ventre son enfant, mais cela lui importait peu, il n'avait encore jamais adressé la parole à Léon – Paul, qui avait pourtant dix mois.

Un soir, alors que je n'y pensais plus, Léon m'annonça :

—'' Nous allons enfin quitter ce logement étroit, j'ai trouvé un logement de dix pièces dont le propriétaire accepte de me faire un bon prix.

—'' Dix pièces ?! A Paris ?! A combien l'avez-vous trouvé ?

—''Il n'est pas situé à Paris, mais a une lieue et demie. Le prix ne vous concerne pas mais ce que je peux vous affirmer, c'est qu'il ne faut pas laisser passer notre chance. C'est une véritable affaire. Si la banque accepte de me prêter cette somme, nous partons à la fin de l'été, le temps d'emménager, de pendre la crémaillère, de régler les papiers notariaux...

—''Mais vous m'aviez dit que vous ne vouliez pas quitter Paris !

—''J'ai changé d'avis. Si c'est pour nous permettre de garder l'enfant et éviter à Léon – Paul de devenir mon héritier, cela m'arrangerait.

—''Qu'a donc Léon – Paul ? Vous ne pouvez pas dire cela, c'est notre fils et vous lui devez la reconnaissance d'un aîné !

—''Je n'ai pas de comptes à vous rendre, je pense ce que je veux, je suis le chef de famille. Nous partirons un point c'est tout, il faut savoir ce que l'on veut dans la vie.

Je ne voulais pas partir, mon frère, ma cousine étaient à Paris. A vrai dire, je n’avais jamais vécu hors de ses murailles et l'inconnu m'effrayait un peu. Peu de temps après cette discussion, Léon recevait le prêt de la banque pour la maison, une première pour moi qui pensait que c'était un luxe réservé aux nobles. Je jetais un œil aux papiers administratifs, c'était un petit manoir situé à Montrouge qui comptait dix pièces, qui avait coûté la bagatelle de cinq mille livres à Léon. Désormais endetté sur presque dix ans, il n'avait plus qu'a espérer que nous y resterions toutes ces années. Pourquoi pour le prix n'avait -il pas acheté un grand appartement à Paris ? Son choix était ridicule et sans réflexion, de plus selon moi, nous séparaient chacun de nos proches. Notre départ avait été programmé pour le mois de septembre, et nous avions déjà commencé à ranger les bibelots.

Lorsque je pensais aux anniversaires des enfants, Philippe, le benjamin de ma cousine, fêtait ses sept ans, laissant sa mère seule à la maison. Comment allait – elle ? Je me devais de lui rendre visite, et c'est pour cela que mon départ pour Montrouge était une catastrophe. Tandis que Léon travaillait, j'habillais les enfants pour aller lui remonter le moral, entre Léon – Paul qui hurlait pour je ne sais quelle raison, Gustavine et Malou qui se tapaient dessus, j'en vint à me demander la bonne idée de cette sortie.

Enfin quand nous fûmes prêts, nous partîmes a pieds chez ma cousine, n'ayant pas de voiture à disposition. Elle n'habitait pas très loin, et le trajet se déroula bien, si l'on oubliait les filles qui avaient mal aux pieds et Michel que je devais surveiller avec plus d'attention que les autres, d'ailleurs, le petit garçon se cogna a un mur pendant un de mes moments d'inattention et ses larmes me déchirèrent le cœur. Enfin arrivés chez France, nous fûmes reçus à bras ouverts, son petit garçon préparait son départ de la maison, et elle se remettait doucement du départ d'Amédée. Comme Philippe avait grandi mon Dieu ! Tandis que les enfants s'amusaient avec les jeux de Georges, Philippe et Thérèse, nous prîmes sous le regard de Philippe, impatient de partir, un thé. Le quotidien de ma cousine était monotone, elle ne sortait plus que très peu de chez elle. Elle venait d'apprendre le décès de sa sœur aînée Marie, que j'avais oublié depuis des années. Lorsque Joseph rentra du travail, je m'affolais : il était temps de rentrer à la maison.

Mon fils fêta sa première année le seize juillet, il ne marchait pas pour autant mais je trouvais que le temps passait incroyablement vite, en réfléchissant un peu, j'étais déjà à la moitié de ma vie.

Après l'anniversaire des cinq ans de Caroline le vingt – sept juillet, où je ne lui offrais pas même un petit cadeau, Léon s'en prenais à moi, me reprochant d'être trop affective avec Léon – Paul et mes neveux et nièces et pas assez avec mes belles – filles, cela me conforta dans mon opinion de lui, je le détestais.

Mon ventre s'arrondissait doucement, mais je n'avais pas de nausées, ni de douleurs au dos, j'en venais parfois à oublier que j'étais enceinte. Une tranquille et chaude après – midi de fin juillet, alors que Léon – Paul se reposait sur moi, accroché à mon sein gorgé de lait (j’avais écouté ma cousine, et bandé ma poitrine, mais j'avais vite abandonné, aimant trop faire téter mon fils), somnolant tout comme moi, il se réveilla brutalement, je crois par ce bébé qui bougeait dans mon ventre. Réveillée, j'y posais la main, en effet cela s'agitait bien. Enceinte de presque quatre mois, les enfants me poseraient sans doute bientôt des questions, eux qui n'avaient pas encore été mis au courant de ma grossesse.

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