Chapitre 19

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La guerre est déclarée... Ma dispute avec Max dure depuis un moment maintenant. C'est partie de sa boucle d'oreille hideuse qui a bien entendu fini par s'infecter. Il l'a retiré avant que le médecin ne décide de lui entailler le lobe. Mais la vraie raison est évidente, même si aucun de nous ne veut plus aborder le sujet : c'est Marion. Il pense que je la fais souffrir en m'affichant tous les jours avec Paulina. Alors que pas du tout ! Ma meilleure amie et moi ne sommes pas faits pour être ensemble ! C'est tout ! Point final d'une multitude d'essais ratés.

Marion ignore superbement Paulina. Pour elle, celle-ci est invisible et totalement inexistante. En classe, je me consacre à Marion qui agit comme si de rien n'était et en dehors du lycée, je traîne durant tout mon temps libre avec ma nouvelle bande de potes : essentiellement ceux de Paulina. Des camés !

Nous passons nos journées à surfer et nos soirées à fumer dans des squats, souvent des maisons abandonnées, et de temps en temps dans son chalet. Les L n'ont pas les mêmes délires que nous les S. Et moi qui aime tellement le changement, ça me va bien. Les L se prennent pour des artistes incompris et c'est tellement ça que je ressens quand je suis décalqué que je me cherche un talent. Un soir, dans une maison abandonnée que nous squattons, je découvre un vieil atelier avec des bombes de peintures. C'est ainsi que je deviens graffeur.

Je tagge partout sur les murs et comme je l'ai déjà précisé, le dessin c'est pas de famille. Tous mes dessins se ressemblent. Mais c'est pas important car quand on est défoncé, on est dans un trip et on trouve tout magnifique et joli.

— Putain Speed, arrête de dessiner des bites partout sur les murs, me suggère Oriane, la pote de Paulina. On va nous accuser de dégrader les maisons.

— C'est pas une bite, c'est une rose ! je marmonne un joint coincé entre les dents en remuant ma bombe de peinture pour terminer ce que j'ai commencé.

— Elle a une queue bizarre ta rose... constate Paulina en tordant la tête pour faire l'effort de voir mon dessin sous un autre angle.

Avec du recul, je dois avouer que ça ne ressemble pas vraiment à une fleur.

Le pire dans tout ça, c'est quand on est malgré tout persuadé de détenir un don exceptionnel. On arrive à se convaincre que ce génie doit être partagé et connu de tous. Ainsi, je réussis à inciter la petite bande de potes de Paulina de dessiner sur les bâtiments publics de sa commune.
Non, ce n'est pas du n'importe quoi ! Nous avons une cause officielle à défendre : la légalisation du cannabis. Pour cela nous nous organisons. Nous prévoyons un dessin commun magnifique avec des montagnes neigeuses en arrière plan... Nous avons fait un brouillon et ça rend super bien ! Nous nous sommes mêmes octroyés le nom de Mouvement Oxygène !

On est super excités de commencer notre chef-d'œuvre.

Devant le grand mur blanc du foyer rural tout juste rénové, chacun à sa bombe de couleur définie. Oriane doit dessiner le fond car elle s'est vantée d'avoir l'option art plastique. Elle est donc censée être plus douée. Les autres font le remplissage.

— Je crois qu'il y a une alarme dans la salle... nous informe Oriane qui flippe comme une malade.

— Si elle est dans la salle, elle est pas dehors, je tente de la rassurer.

— Vous êtes surs que y a pas de caméra ?

— Oh, redescends sur terre, on est pas à Paris ! Le village compte deux cents habitants, tu crois qu'ils ont les moyens ?

Oriane finit par commencer à tracer son truc en suivant scrupuleusement son dessin. Putain, elle est lente. Paulina roule un pétard. Depuis que je lui ai appris, elle n'arrête plus. Nous sommes assis côte à côte sur un petit rebord qui longe la salle. Celle-ci est isolée et il n'y a aucun risque que quelqu'un vienne nous surprendre. Et si c'était le cas, on peut partir en courant par la piste cyclable.

— Tu veux l'allumer, me propose Paulina.

— Si tu veux.

Nous avons beaucoup de points communs et je m'entends plutôt bien avec elle. Elle ne se prend jamais la tête sur des banalités. Elle n'est pas jalouse que je passe du temps avec mes potes, quoique ces derniers temps je ne les vois plus beaucoup...

Pendant que nous fumons, nous mettons en place de nouveaux projets de tags. J'ai bien envie de faire le mur de la mairie de mon village. Il est en face de chez moi et tous les matins, je pourrai contempler mon art.

— Bon elle a fini avec son traçage, putain ? je demande en orientant la torche de mon portable vers le dessin.

— Non, désolée c'est pas simple du tout, en fait ! se plaint Oriane en grimaçant. Ça fait des gros traits et je sais pas comment faire...

— Rho putain, on va pas y passer la nuit !

Et me voilà parti pour anticiper le travail... Je me lève d'un bond et je lui arrache la bombe des mains pour tracer un truc énorme, moche et qui ressemble à rien. Si, peut-être une bite ?

— Mais putain, Speed ! hurle Oriane en me mettant un coup dans le tibia. On avait dit pas de bite !

— C'est pas une bite, c'est un fuck ! je me défends en admirant mon travail.

— Bon allez, on se barre ! C'est la merde...

Oriane est furieuse après moi d'avoir saccagé son dessin. Si elle avait été plus rapide, je ne serai pas intervenu !

On remballe le matos rapidement et je propose à Paulina d'aller dormir chez elle. La soirée n'est pas totalement finie pour moi...

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