[7] La horde du Xarkhan Ushnag

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Deux patrouilles manquaient encore à l’appel… mais le chef Durzum n’avait aucune raison de s’inquiéter. Les guerriers avaient rarement l’occasion de s’amuser et la corvée de ravitaillement était un des rares moment ou ils pouvaient se défouler loin du regard des chefs de la hordes.

Mais pour le principe, Durzum devait sévir : les derniers maraudeurs subiraient sa colère et verraient leur butin confisqué…

— KAAARMU NAKBAR !*

*sanglier rouge

Le cri de la sentinelle orque le tira de ses réflexions. « Sanglier rouge » était l’enseigne du chef de maraude Buthrok. Il avait été envoyé vers le sud, la région la plus peuplée et probablement la plus dangereuse. Lui au moins avait une excuse pour son retard.

Le chef Buthrok et ses quinze maraudeurs étaient montés sur des sangliers de guerre, des « nagboar » en langage orque. Six des cavaliers avaient du céder leurs montures pour tirer des attelages de fortune, ce qui était plutôt bon signe : Buthrok ramenait un butin conséquent et il ne craignait pas les représailles des bretons, sans quoi il aurait conservé sa cavalerie quitte à abandonner une partie de sa prise.

Buthrok se présenta sur sa monture devant Durzum et exhiba fièrement les trophées accrochées à sa selle : quatre têtes humaines fraîchement coupées.

— Haï Durzum ! Nous avons livré une rude bataille, deux guerriers sont blessés et ne pourront plus monter avant des jours. Mais la prise a été bonnes, regarde !

— C’est bien ! grogna le chef Durzum. Xarkhan Ushnag sera content.

Mais Durzum lui, était mortifié. En faisant de lui son principal conseiller, le Xarkhan Ushnag l’avait privé du plaisir de parcourir les plaines l’arme au poing et d’arracher les têtes de ses ennemis. « conseiller » était, d’après Ushnag, une fonction honorable… c’est ainsi qu’elle était considérée dans les peuples civilisés. Mais pour un véritable guerrier orque, et Durzum en était un, c’était le rôle des vieux et des faibles de rester en arrière pour donner des conseils. Et pour couronner le tout, il ne ramenait pas son propre butin… il devait le prélever sur celui des autres.

Il fit rapidement le tour des chariots et en examina le contenu.

— Il faut quatre brouettes de viande fraîche pour Ushnag, ses femelles et ses guerriers. Mon intendant viendra les chercher.

C’était plus que nécessaire, mais Durzum avait ses propres fidèles à entretenir.

— Bien sûr chef Durzum, répondit le maraudeur. Mais tous les guerriers ont faim. Il faudra faire d’autres raids. J’ai repéré plusieurs villages et nous pourrons repartir demain.

— Ushnag décidera !

L’assurance de Buthrok rendait la situation de « conseiller » de Durzum d’autant plus insupportable. Il tourna les talons pour éviter de montrer au maraudeur sa mauvaise humeur et se dirigea vers la yourte d’Ushnag d’un pas rapide.

— Haï Gushnag ! Fit-il en entrant. Buthrok et ses nagboars sont rentrés, il te ramène deux brouettes de viande, mais pas beaucoup de métal.

— Je me moque du métal ! répliqua une voix braillarde. La guerre durera longtemps et le métal ne se mange pas. Nous en trouverons lorsque nous affronterons des guerriers. Où est Girkush ? Pourqoui n’est-il pas rentré ?

Gurkash avait des écussions de cuivre sur lesquels étaient dessinés les symboles de chacun de ses chefs de meute. Lorsqu’il les envoyait en mission, il les gardait sur lui et, chaque fois qu’un chef revenait, il rangeait l’écusson correspondant dans son coffre.

Gurkash avait été envoyé explorer nord de la rivière, une région ou l’implantation bretonne était trop récente pour qu’il rencontre une forte résistance. Son écusson était le seul qui restait dans les mains du Xarkhan, et Durzum comprit que c’était l’occasion qu’il attendait.

— Il n’a dépêché aucun messager et n’a aucune excuse. Il n’a pas été capable de remplir une tâche simple alors que de bons guerriers lui ont été confiés, un exemple s’impose.

Unshnag leva un sourcil méfiant. La voix de Durzum était plus forte que d’habitude, son débit était plus rapide… Durzum avait une idée derrière la tête.

— Je m’occuperai de lui moi-même de Gurkash ! Grogna-t-il d’un ton cassant. Envoie-le moi quand il reviendra.

Durzum s’inclina et quitta la tente. Le soleil commençait à décliner, si Gurkash ne rentrait pas avant la nuit, cela ne pourrait signifier qu’une seule chose : sa désertion avec la perte de 30 guerriers.

* * * * *

Sept guerriers… c’est tout ce qui restait de la troupe de Gurkash.

Durzum avait écouté les explications embrouillées des survivants… il n’y avait pas grand-chose à en tirer sinon que les ennemis étaient puissants et très nombreux, qu’ils avaient des cavaliers en armure et des archers. Les guerriers parlaient tous en même temps et chacun d’eux essayait de justifier sa fuite. Kishturz, le plus culotté du groupe, prétendait même avoir tué deux guerriers ennemis tout seul, mais sans avoir eu le temps de récupérer leurs têtes.

— Silence, vous autres, silence ! ordonna Durzum. Je ne comprends rien si vous parlez tous à la fois… Je ne t’ai pas entendu, Gombagh ! Quelles excuses avez vous pour avoir fui la bataille alors que Gurkash avait besoin d’aide ?

L’interpellé avait gardé la tête basse pendant le « rapport » de ses compagnons. Il sursauta en entendant son nom.

— Nous… nous n’avons pas d’excuses, balbutia-t-il. Il n’y avait que quatre ennemis, mais ils sont apparus comme par magie au milieu du village qu’on était en train de piller. Deux d’entre eux étaient de terribles guerriers qui ont abattu cinq des nôtres en deux coups d’épées, le troisième était un sorcier avec une arme démoniaque et le dernier, un tout petit, produisait des sons maléfiques qui nous faisaient horriblement souffrir… Gurkash a été tué par un des guerriers puis d’autres guerriers sont arrivés, avec un chevalier et des arbalétriers. Ils ont encore tué pleins des nôtres et nous avons dû fuir… nous ne pouvions pas les vaincre…

— … et vous n’avez aucune excuse ! conclut Durzum.

Les survivants se regardaient entre eux, héberlués. Cet imbécile de Gombagh s’était condamné lui-même, tant pis pour lui. Mais sa stupidité pourrait bien leur coûter la vie à tous.

— Gombagh ! reprit Durzum. J’ai une corvée pour toi : va me tailler un épieu de six pied, fais le bien pointu et applique-toi, on va en avoir besoin.

Kishturz, le « guerrier ayant tué deux ennemis », se frotta le menton pour cacher son sourire. Dans ce genre de situation, il fallait toujours qu’un imbécile soit désigné « responsable » et sa tête se retrouvait le jour même au bout d’une pique, en guise d’avertissement aux lâches. Gombagh allait payer pour tout le monde, et c’était très bien ainsi.

Mais Durzum n’en avait pas terminé.

— Kishturz ! S’exclama-t-il. Tu es le plus brave, tu prendras donc le commandement de la troupe de Gurkash. Et pour commencer, va voir le Xarkhan Ushnag et fais lui ton rapport.

Et comme Kishturz hésitait, Durzum ajouta :

— Et dépêche-toi, sinon je traîne à ses pieds par la peau du cul !

Et Kishturz comprit que l’imbécile du jour, c’était lui.

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