Derrière la croisée de la fenêtre

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L’art traditionnel chinois observe la terre du sommet d’une montagne confucéenne ; l’art japonais regarde attentivement par-dessus des cloisons mobiles ; la Renaissance italienne contemple la nature conquise à travers une fenêtre ou le chambranle d’une porte de palais. Pour les hommes de Cro-Magnon, l’espace est l’arène métaphysique d’une alternance constante d’apparitions et de disparitions.

Il a déplacé là les panneaux sur lesquels il travaille, copies de fresques préhistoriques, dessins tirés de l’ombre des torches au fond d’une grotte et reproduits sur des plaques de polymères pour que l’on puisse à nouveau les présenter au public. Puis ces tracés venus de la nuit des temps quitteront le berceau de leur grotte de Dordogne pour le tour du monde, emportant en une étonnante migration culturelle ces images qui avaient été tracées là et nulle part ailleurs. Et parmi ces formes, les mains enduites d'ocres plaquées sur la paroi. Mains de disparus depuis tant de siècles, sans nom ni souvenir. Seul parmi tous les tracés, l'un a pu être identifié. Une main à l'auriculaire désarticulé, et que l'on retrouve à deux endroits. Lui aussi avait quitté la grotte pour y revenir plus tard.

Derrière la croisée de la fenêtre, la brume qui commence à disparaître révéle des ombres et des formes, et l'on s'attend à voir surgir les formes souples des bêtes comme elles apparaissaient aux temps antiques en masses mouvantes à peine tirées de leur sommeil. Et les premiers hommes qui les regardaient passer, appuyés sur une branche de bois durcie au feu, incertains encore de ce que serait leur avenir.

Ils étaient des hommes, avec autour d'eux des bêtes de toutes formes et de toutes tailles, dans une vitalité et une abondance dont rien ne peut donner idée aujourd'hui. Chaque arbre abritait des colonies d'oiseaux et, de tous les terriers pointaient les yeux craintifs d'animaux dont nul ne sait plus aujourd'hui le nom. Voilà quel était le monde de ces premiers chasseurs, debout sur cette colline, un épieu à la main. Et sur un cri s'élevaient des nuées d'oiseaux et ondulait dans la plaine la course éperdue des bêtes fauves.

L’homme pose la main sur la poignée de la porte fenêtre, et il se retourne.

"C'est pour cela que je me suis installé ici."

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