Chapitre 43 - Saorsa

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Je me redressai lentement, reprenant ma forme humaine, mon regard erra sur la cadavre déchiqueté de Sadralbe que j’avais mis en pièce. Est-ce que… Je pouvais dire que je me sentais mieux ? Je n’arrivais pas à en être sûre. Je tendis les mains pour finir d’arracher la tête du cadavre, j’observais ce visage honni sans rien dire, laissant le sang dégouliner le long de mes bras et de mon torse. Pourquoi ? Est-ce que… Le soulagement n’était pas là ? Pourquoi est-ce que je ne me sentais totalement libre ? Je venais de tuer l’homme qui m’avait torturé pendant des années ! Mais… C’était comme un écho de vide en moi…


« Saorsa ? »


Je sursautai, me détournant de la tête que je finis par saisir par les cheveux. Je ne me sentais pas libre, mon regard caressa les cicatrices qui marquaient mon corps. Un hurlement bestial jaillit de ma gorge et la tête vola dans les airs pour percuter un arbre. Je ne me sentais pas mieux, pas plus libre ! Pourquoi ! Pourquoi est-ce que je ne me sentais pas mieux ?! Je venais de le tuer ! De le torturer ! Comme il l’avait fait ! Et… Et… Et pourtant… Rien ! Je tournai le regard vers les autres loups, ils me regardaient sans comprendre, sans savoir quoi dire. Je secouais la tête avant de me tourner vers mon père qui ramassait la tête.


« Rentrons père. Ramenons cette tête. »


Vahagn passa un bras autour de mes épaules avec inquiétude, je secouai la tête en silence avant de caresser mon collier et de le suivre dans les bois, mon père tenait toujours la tête. On retrouva nos vêtements accrochés aux branches je remis ma tunique et ma chemise par-dessus mon pantalon, je restais pieds nus à marcher dans l’humus des bois qui dégageait son odeur si particulière. Je restai pétrifiée en voyant un campement de Nomade se dresser là, au-milieu de la forêt, ils le dansaient pas, mais ils chantaient, ils levèrent les yeux vers nous et l’un d’eux hocha la tête, un léger sourire aux lèvres, le danseur du Vent !


« Je vois que la chasse a été bonne meute du froid et des montagnes.

- Nos crocs s’appelaient vengeance et nos griffes haine ce soir maître Danseur.

- Nous sentons cela. Ont-ils été satisfaits ?

- Oui. »


Non. Non ils n’ont pas été satisfaits, mais je ne dis rien, préférant souhaiter une bonne soirée aux Nomades avant de me diriger avec la meute vers le château. J’arrachais la tête des mains de mon père et avançai droit sur Wilkin pour lui lancer en plein visage. Il recula et observa ce qu’il restait de son homme de main Aalrika m’observa, je fuis son regard tout comme celui d’Itham ou de Liliraele. Ma reine prit la parole :


« La justice a été rendue, Roi Wilkin, vous serez raccompagnés dès demain, nous vous remercions de votre coopération, il aurait été dommage que nous dussions utiliser nos alliances si tôt. »


Les menaces étaient à peine voilées, mais en même temps c’était vrai. Il serait raccompagné demain aux frontières, et jouer avec les alliances… On pouvait facilement étouffer un royaume en quelques mois. Je passai une main dans mes cheveux, me détournant de la scène pour remonter vers le palais en m’arrachant à la poigne de Vahagn. J’avais besoin d’être seule, juste seule, Itham tenta de prendre mon bras, un grondement de colère, de louve lui fit reculer sa main précipitamment.


« Saorsa ! »


Aalrika. Je n’avais pas envie de lui parler, je ne fis qu’un signe de main en accélérant le pas pour pousser et claquer derrière moi la porte de ma chambre. Je donnais un tour de clé avant de m’arrêter au milieu de la pièce. Tout était parfaitement rangé… Je me laissai tomber devant l’autel dédié à Lycanos, au Phénix, et à Tungl, joignis les mains en fermant les yeux.


« Pourquoi ? Pourquoi est-ce que je ne me sens pas apaisée ? Ô dieux… Je vous en supplie… Accordez-moi l’apaisement, accordez-moi le repos… Je suis rentrée chez moi.. Je l’ai tué, après onze ans, je suis rentrée, j’ai retrouvé ma famille… Libérez-moi, je vous en supplie, libérez-moi… Je veux être libre, je ne veux plus… »


Je sentis le sanglot me monter dans la gorge et s’échapper entre mes lèvres alors que je continuais de prier. J’avais besoin de trouver la paix, ma paix… Je voulais me sentir mieux ! Je l’avais tué ! Je l’avais massacré ! Alors… Pourquoi ça n’allait pas mieux ?! Je fermais les yeux et ses hurlements de douleurs et colères me vrillèrent les oreilles, je les couvris de mes mains avant de pousser un hurlement de rage. Ma magie échappa à mon contrôle qui lacéra les murs, répondant à ce que j’essayais d’exprimer. J’entendis des coups frapper à la porte et des appels, je restais muette, laissant ma magie larder les murs d’entailles pendant presque une minute. Je finis par reprendre mon souffle et me redresse, à nouveau je ne me sentais pas mieux.


« Saorsa ! Petite Louve ! Ouvre-moi ! »


Caenar.


« LAISSE-MOI ! LAISSE-MOI TRANQUILLE ! »


Je n’avais pas envie de voir des gens, ce n’était pas contre lui, ce n’était contre personne, je… Je n’avais juste pas envie. Il insista puis partit, je me mis à tourner en rond dans la pièce avant de m’arrêter, d’inspirer profondément et de regarder le mur. Je posai mes deux mains à plat sur le bois fendu avant d’y poser mon front, comme-ci cela aurait put m’apaiser un peu. Je ne me sentais pas… Je refermai mes mains en poings avant de me mettre à cogner le bois de toutes mes forces. Pourquoi ?! Pourquoi avais-je comme un remord de l’avoir tué ainsi ?! De lui avoir rendu la monnaie de sa pièce ?! Pourquoi ? Il n’avait pas hésité lui à me faire souffrir ! Je ne devais pas hésiter… Ses hurlements de souffrances aurait dû me faire plaisir, le voir se tordre de douleur… Mais non… Cela me levait le cœur plus qu’autre chose. Les loups ne cherchaient pas la vengeance… Ils tuaient, mais pas par haine ! Et pourtant… Je n’avais pas pris plaisir à ce que j’avais fait, au contraire, j’avais plus eu l’impression d’être poussé par une rage et une colère qui n’étaient plus les miennes. J’inspirai profondément avant de me laisser glisser à terre , à nouveau des coups à la porte.


« Saorsa, tu veux bien m’ouvrir s’il te plaît ? »


Eoran… Je me traînais presque jusqu’à la porte avant de m’obliger à me lever et lui ouvrir la porte. Il entra et referma aussitôt en haussant un sourcil.


« Tu n’aimais pas la décoration ? »


J’inspirais profondément avant de m’écrouler sur ses genoux en pleurant tout ce que je savais, Eoran passa une main dans mes cheveux en me murmurant doucement au creux de l’oreille.


« Il n’est pas mort ! Eoran, je sais qu’il n’est pas mort ! Je sais qu’il est toujours là…

- Tu l’as tué Saorsa, tu l’as tué, plusieurs personnes l’ont vu, on a ramené son cadavre. Tu l’as bien tué,il ne reviendra pas te hanter, je te le promets.

- Je l’ai entendu hurler Eoran… Il avait mal. Quand je l’ai mordu, il avait mal…

- Saorsa… Combien d’années t’a-t-il fait souffrir ? Il méritait cela ! Tu n’as pas à t’en vouloir.

- Une… Une louve ne fait pas injustement souffrir son gibier… J’aurais dû le tuer proprement… Je… Je…

- Chut… Chut… Tout va bien… Tu es en sécurité… Plus personne ne te feras du mal… Personne ne t’en voudra jamais pour ce que tu as fait. »


Il m’entoura de ses bras en continuant d’essayer de me rassurer un peu. La porte finit par se rouvrir, je l’entendis parler à Itham pour lui expliquer la situation, ce dernier me souleva doucement dans ses bras pour me coucher sur le lit en me gardant dans ses bras. Je m’y réfugiais, agrippée à lui sans oser le lâcher. Il se laissa faire, me gardant contre lui sans oser rien me dire, il s’assurait juste d’être présent et de le faire sentir. Je finis simplement par m’endormir, sans que mes larmes ne cessent de couler.


Mon hurlement de terreur me réveilla et je me débattis avec la personne qui me tenait, Itham réagit aussitôt en me lâchant et en reculant, me laissant de l’air. Je regardai autour de moi avant de hurler à Itham, agressive :


« Où est-il ?!

- Qui ?

- Sadralbe ! Il est vivant ! Il était là ! Il… Il… »


Itham revient vers moi alors que je me bouchais les oreilles en entendant des hurlements de douleurs, ses hurlements de douleurs. Il me prit les poignets et les écarta en douceur.


« Saorsa, il n’est pas là, tu l’as tué. On a ramené son corps hier, est-ce que tu veux aller le voir ? »


Je hochai la tête, avant de me lever, presque incapable de tenir sur mes jambes. Itham m’aida à m’habiller avant de sortir de la chambre, l’aube pointait à peine. Il me guida dans le château jusqu’aux écuries. Il souleva le drap qui couvrait un corps et Sadralbe m’apparu,le corps massacré, et la tête salement tranchée. La bile me remonta dans la gorge et je me détournai pour vomir à même le sol. Itham posa aussitôt une main sur mon dos.


« J’ai… J’ai vraiment fait ça ?!

- Saorsa… Tout va bien, personne ne te le reproche, tu l’as juste tué, tu étais en ton droit, ma louve… »


Il me tendit de l’eau et recouvrit à nouveau le corps avant de m’aider à sortir de l’écurie.


« Itham… Je suis devenue comme lui ! Je suis un monstre… »


Itam me tira à l’écart, voyant la délégation du sud se préparer à partir, et me prit le visage entre ses mains, tout en douceur.


« Saorsa, tu n’as pas éprouvé du plaisir à le faire souffrir, tu n’aimes pas ça. Tu l’as tué salement, oui, mais souviens-toi que lui a aimé te torturer pendant onze ans, même lorsque tu étais une enfant. Tu n’es pas un monstre, tu n’en seras jamais un, et personne ici ne pourra te reprocher ta manière de le tuer après ce qu’il t’a fait subir. Je te le promets, ton cauchemar est finis, tu n’auras plus jamais à vivre ça.

- Promis ?

- Promis . »


Il se pencha pour déposer ses lèvres sur les miennes avant de me caresser le visage.


« Ca va aller ?

- J’en sais rien.

- Je serais là, d’accord ? Je serais là pour toi, à partir d’aujourd’hui jusqu’à la fin, je te le jure ma louve. »


Je posais ma tête contre son torse et il m’enveloppa de ses bras avant de m’aider à rejoindre la meute qui était déjà de sorti. Personne ne fit la moindre remarque et je pus enfin saluer dignement chaque personne autour de moi, d’autres venaient d’arriver, des plus grands chefs de meutes, des alphas, mais surtout… Un couple que je reconnaissais bien. Les Loutres ! Je viens les étreindre avec un sourire. Klakkr avait ses cheveux de jais entremêlé de blanc qui lui donnait un air de père, ce qu’il était et Asleif son épouse, qui dominait largement son époux par sa grande taille, avait toujours un grand sourire. Même leurs enfants était là ! Ljot qui approchait de la quinzaine, avec un grand sourire qui ressemblait à sa mère tout comme son petit frère que j’eus peine à reconnaître, la dernière fois que j’avais vu Thorlak, il venait de naître et j’avais aidé ma mère à l’accouchement ! Si les deux ressemblaient à leur mère, Klakkr déplorait souvent qu’ils ussent des yeux marron et non pas bleu avec une auréole brun clair, comme « Un soleil se couchant dans un lac » de leur mère. Qui avait du mal à relâcher son étreinte ! Et si c’était un couple de loutre emblématique de ma meute, c’était bien parce qu’ils étaient toujours fourrés ensemble et toujours aussi amoureux qu’aux premiers jours ! Quand Klakkr regardait sa femme, il semblait être Lycanos regardant son âme sœur Tungl en personne. C’était très beau. Au vu de certains regards je n’avais pas finis de combattre. J’observai les alpha et leur héritier présents, Caenar posa juste une main sur mon épaule en hochant la tête. Les prochains jours promettaient d’être amusant.

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