Chapitre 9 - Sadralbe

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Une chasse. Qui était le con qui avait accepté que ce monstre y participe ? La saloperie de Midelia n’était pas sortie depuis deux semaines et elle été restée relativement calme et sage. Tout était relatif, mais sa majesté Gaïa avait visiblement pris l’ascendant sur son mari pour cette fois. Aucune idée de pourquoi il la laissait faire. Une manière de se faire pardonner un écart avec la mère de cette chose ? Ou elle ne lui avait pas laissé le choix ? De ce que je savais, elle avait aussi le nez dans la politique de son mari.


Bien, une chasse, j’aurais adoré l’obliger à rester ici, mais le roi la voulait. Et si le roi voulait : j’obéissais, c’était tout aussi simple que cela. J’observais la créature enfiler une chemise et ses chausses, pas de robe ou de jupe pour elle aujourd’hui, ni pour sa sœur, leur mère oui, mais pour chevaucher les gamines avaient le droit aux chausses, elles n’étaient pas assez bonne cavalières pour monter en tenue d’équitation féminine, j’avais jamais vu le petit monstre chevaucher. Est-ce qu’elle savait ? Ou je devrais l’attacher à sa selle pour qu’elle tienne dessus ? Je l’attrapai au vol pour lui attacher ses cheveux en une longue natte rajoutant bien sûr un collier d’argent autour de son cou à même la peau. J’aurais aimé nettoyer son visage, du sang dont elle s’était couverte il y a deux semaines, avec un tissu tressé de fils d’argent, j’avais commencé en réalité, mais la reine ne m’avait pas laissé finir. Un travail bâclé et surtout une punition incomplète malgré mes efforts pour me rattraper… Je m’étais assuré que toute sa garde-robe soit composée avec des fils d’argents, et il fallait compter bien sûr les draps avec de la poussière d’argent. Tout était fait pour la contenir un maximum, mais surtout lui rappeler qui était le Dominant entre nous deux.


Depuis ce matin, elle restait parfaitement calme et attentive au monde autour d’elle. Je me serais attendue à ce qu’elle court partout, qu’elle soit indisciplinée… Et c’était tout l’inverse, calme et posée… Pourquoi ne pouvait-elle pas être si sage tout le temps… Quoi que je pensasse sûrement trop vite, elle refusa son petit-déjeuner tout net. Ah ! Elle se préoccupait de moi et elle savait que j’adorais lui rappeler qui était le maître. Je l’empoignais par la nuque pour lui tordre le visage vers moi :


« Tu ne manges pas ? »


Elle secoua doucement la tête sans rien dire de plus, nous n’avions pas le temps à perdre de toute manière… Si elle ne voulait pas manger, elle serait plus faible pendant la chasse, ce qui était positif. Je m’assurai qu’elle n’avait absolument aucune arme, elle semblait anormalement calme malgré tout. Soit… reste calme, ça vaut mieux pour toi ou je t’arracherais tes ongles, encore une fois, un par un. Petite créature immonde.


Elle se dirigea d’elle-même vers la cour bondée de chevaux et de cavaliers pour attendre toujours aussi sagement qu’on lui apporte une jument alors que je montai sur mon cheval blanc qui m’attendait depuis ce matin. Nerveux, Éclat dansait sous moi, il avait appris à reconnaître l’odeur des lycans et elle puait le lycan. Elle ne lui jeta même pas un regard, observant le poney à la robe jaune et aux crins blancs et noirs qu’on lui amenait, ses sabots ferrés tapaient sur les pavés de la cours. Il ressemblait plus à une barrique qu’autre chose avec sa crinière dressée à la verticale et son gros ventre. Midelia lui frotta doucement l’encolure en lui parlant, elle chuchotait et, cachée par le cheval je ne pouvais lire sur ses lèvres. Mais l’animal, et je parlais cette fois du cheval, ne semblait pas effrayer le moins du monde. Un poney du Nord sans aucun doute, je ne connaissais pas bien les races équines, mais celles du nord étaient souvent petites et poilues. Liliraele s’approcha, son cheval, un vrai lui, du poney ridicule de la bâtarde, elle flatta l’encolure de ce dernier. Mmhph… les deux étaient trop proches, je n’aimais pas ça du tout quand on connaissait le pouvoir de fascination de la saloperie, je pressai les genoux et ma monture s’avança alors que les deux gamines discutaient, enfin que la princesse monologuait avec le monstre :


« C’était pas trop long les deux semaines ? Je suis contente que tu puisses venir, tu penses aimer ? C’est ta première chasse avec nous, non ?

- Oui. »


Elle tapota l’encolure de son cheval, mmh… au moins je pourrais la rattraper si elle osait tenter quelque chose. Est-ce qu’elle oserait ? Et c’était sa première chasse ?! Malgré les deux ans ? Quoi que cela voulait dire que le roi me faisait assez confiance pour gérer le monstre en extérieur. C’était une sorte d’honneur en réalité. La princesse héritière reprit aussitôt sans faire attention.


« J’adore ton poney ! Il est drôle avec sa crinière.

- Moi aussi, c’est un poney du nord. On en a beaucoup des comme ça. Avec bien sûr des Perles noires et les Barbe aux membres.

- C’est quoi ces noms de race ? »


La princesse rit joyeusement et le monstre haussa seulement les épaules avant de reprendre :


« C’est comme ça qu’on les appelle. Il y a aussi les Tölts, les Tyrol qu’on monte beaucoup dans les montagnes et Eoran montait un Gracieux.

- C’est pas leur vrai nom !

- Non, c’était juste comme moi je les appelai. »


Les deux sourirent, qui était Eoran ? Sûrement un homme de sa meute, lui aussi je le tuerais devant ses yeux. Elle frotta l’encolure de son cheval pour se hisser dessus souplement. Tiens… elle semblait savoir monter à cheval. Avant que le roi, ne donne le signal du départ et qu’elle prenne sa place loin de sa sœur, j’approchai de la bâtarde et lui tendis la main :


« Tes rênes. Ne crois pas que je te laisserais guider ton cheval. »


Mon ton était, comme toujours, sans appel. Elle me sonda du regard et après un soupir long se détourna pour regarder devant elle, les mains sagement posées sur ses cuisses, mais je dus me pencher pour lui prendre les rênes. N’importe… je les avais et je pus les garder en main alors que la troupe se mit en route avec des rires et des discussions joyeuses. Sale petite… L’odeur du sang allait sûrement l’exciter en plus, heureusement la seule gourde dans laquelle elle allait pouvoir boire était la mienne, enfin la sienne, j’en avais deux, une pour moi, une pour elle et dans la sienne je lui réservais un mélange d’herbe pour l’assommer proprement.


Je le remarquai immédiatement que cette chose était beaucoup plus attentive dans les bois, elle ne bougeait que très peu, mais ses yeux virevoltaient dans tous les sens, ses narines se dilataient, je pouvais presque voir ses oreilles frémir entre deux bruissements. Elle ne regardait pas la troupe autour d’elle, oh que non, elle regardait tout autour, plus efficace que les chiens de chasse qui jappaient, visiblement elle n’aimait pas ça. Pauvre petite chose, elle aurait préféré courir dans les bois toute seule peut-être ? Je ne comptais pas la lâcher d’un pouce. Galoper dans cette partie de la forêt n’était pas possible, trop d’arbres et de buissons touffues, la troupe avait dû d’ailleurs se diviser en plusieurs petits groupes, mais elle pouvait très bien se faufiler, après tout les bois c’était son domaine.


Le roi abattit en premier un grand cerf, magnifique, mais mon attention resta braquée sur la petite louve qui se lécha les lèvres, ses yeux viraient au rouge, avait-elle faim ? Sûrement. J’avançais vers elle pour lui donner une claque derrière la tête.


« Rentre ta langue, chienne. »


Elle gronda juste un peu, mais rien de plus, elle ne m’avait même pas regardé. Il faudrait que je lui apprenne également à regarder les gens qui lui parlent, mais non, elle écoutait autour de nous avec attention avant de braquer son attention sur les buissons, les chiens n’avaient rien remarqué alors que les serviteurs s’occupaient de soulever la bête, le sang gicla sur le sol et on reprit la route.


Tout semblait aller très bien, et pourtant cela faisait bien deux heures qu’on était au milieu des bois, elle n’avait pas bougé, rien réclamé. Peut-être que la reine avait trouvé le meilleur moyen de la dompter ? Mais le cheval de l’aînée du roi prit brusquement peur, un renard avait soudainement jailli des buissons devant lui, et il se cabra avant de s’emballer, la gamine encore sur le dos. Elle luttait pour calmer la bête, mais disparu dans les buissons sans qu’on ne puisse rien faire, Midelia bondit aussitôt au sol et s’élança dans les bois sur les traces de sa sœur sans que je n’arrive à l’attraper. Putain ! Je m’élançai aussitôt derrière elles suivit d’autres gardes, la forêt était trop épaisse pour qu’on puisse foncer réellement. Et le chien avait déjà disparu… Dans cet environnement elle avait le dessus, je saisis aussitôt mon arc et une longue flèche en argent avant de talonner mon cheval qui reprit la route. J’écoutai autour de moi, les autres se dispersaient, putain ! Je savais que c’était une mauvaise idée ! J’entendis brusquement sur ma gauche un hurlement de terreur, des bruits de lutte, l’odeur du sang et un grondement de colère. Les chevaux refusaient d’avancer, tant pis ! Je sautais aussitôt à terre avant de me précipiter vers la source des cris. Cette chienne avait attaqué sa demie-sœur !


Je fonçai suivis par d’autres gardes au milieu des broussailles et des fronces, je finis par en jaillir pour assister à un étrange spectacle.


Midelia avait sa forme de louve, elle avait encore grandi, et se tenait devant sa sœur, le museau couvert de bave et de sang, et son flanc en était tout aussi maculé. Devant elles un énorme sanglier du carmin maculait le sol, la princesse avait déployé un bouclier de lumière autour d’elle, recroquevillée contre un arbre. La louve venait de crocheter la gorge du sanglier et de la déchiqueter avec un grondement de colère. Elle avait la gueule enfouit dans son ventre et dévorait avec appétit ses entrailles dans un bruit humide répugnant. La princesse. Il fallait la récupérer… en priorité ! Je fis signe aux autres soldats de ne pas bouger et même de reculer un peu. La louve se tourna vers moi dès que je fis un pas, faisant craquer les branchages, braquant un regard sanglant vers moi, ses babines découvrirent des crocs luisant d’hémoglobine. Liliraele réussit à baisser son bouclier en regardant sa sœur :


« Saorsa. »


Saorsa ?! C’était quoi ce prénom ? C’était un surnom ? Je ne savais pas. Je fronçais les sourcils, mais il fallait le reconnaître, la petite princesse avait de bons réflexes et se maîtrisait très bien : elle se redressa tout doucement en regardant sa cadette.


« Saorsa, s’il te plaît. »


La louve braqua son regard sur la princesse, elle allait l’attaquer ! J’avançai à nouveau d’un pas et le grondement se fit plus fort, elle avait remarqué la flèche que je tenais encore en main. Liliraele s’avança à son tour puis calmement, elle restait imprudente malgré tout. Elle ne devait pas s’approcher de cette chose. Je l’avertis, enfin tenter :


« Princesse…

- Silence. Ne vous approchez pas, vous allez la mettre en colère, elle ne me fera jamais de mal. »


Sa voix ne souffrait d’aucune contrarierté. La louve l’écoutait, ça se voyait ses oreilles et ses yeux étaient braqués sur elle, la princesse sourit tranquillement et tendit la main, Midelia s’avança d’un pas pour la flairer avant de reculer à quelques distances. Les fluides vibrèrent autour de nous et elle reprit lentement sa forme humaine dans un concerto de craquement d’os… Je venais brusquement de saisir : elle s’était transformée hors de la pleine lune ! Et du sang coulait de son flanc le long de ses jambes nues et gouttait sur la mousse. Elle avait déchiqueté ses habits sous la force de sa transformation, quelques morceaux étaient au sol. Son flanc avait été salement amoché, conséquence de sa mutation brusque hors de contrôle ou attaque du sanglier ? Je ne savais pas et je crois que je n’avais pas très envie de savoir. Elle s’approcha de la bête et plongea son bras dans les entrailles de la bête, les genoux dans le sang, fouillant parmi les entrailles et elle tira quelque chose avec un bruit écœurant. Le cœur, elle venait d’arracher le cœur à main nue, je plaquais aussitôt ma main sur les yeux de son aînée en me précipitant sur elle, alors que la garce plantait ses dents dans la chaire et le déchira sans faire attention à moi, faisant gicler le sang sur sa peau et autour d’elle. Elle ne semblait pas dérangée par le goût, l’odeur ou le reste. La fin de la troupe arriva et je poussai Liliraele vers son père qui la serra dans ses bras avant de reculer avec elle ainsi que les autres gardes sous mon geste. Avant de regarder sa bâtarde qui finissait de dévorer le cœur en se léchant les doigts avec un certain appétit. Le loup était encore présent en elle, trop, je fronçai les sourcils en continuant de la fixer alors qu’elle ne faisait nullement attention à nous, toute entière à son festin :


« Je vais la ramener au château tout seul majesté. »


Le roi hocha la tête et entraîna les gardes derrière lui ainsi que toute sa troupe, la créature finissait de manger tranquillement le cœur sans aucun regard, elle était couverte de sang, mais ça ne la dérangeait pas, petit monstre. Répugnant... Elle se lécha les doigts récupérant le sang encore dessus, savourant sans doute le goût. La question suivante était : est-ce qu’elle en serait malade ? Je grondais de colère avant de m’approcher lentement en sortant une lame, ma flèche avait retrouvé sa place avec les autres dans mon carquois, mais elle posa ses mains sur son flanc et murmura quelque chose très bas… Les fluides…


« Tu maîtrises les fluides du soin ? »


Elle ne répondit pas, concentrée sur ce qu’elle faisait, je voyais la sueur couler sur son front, elle devait avoir très mal. Pauvre petite chose… Elle retira sa main, la plaie saignait encore, mais au moins ses entrailles n’allaient pas lui sortir quand j’allais la manipuler, elle leva les yeux vers moi, enfin :


« Oui. »


C’était bon à savoir, c’était bien pour ça qu’elle guérissait plus vite, j’avançai vers elle avant de la saisir à la gorge, elle était fatiguée et se laissa faire complètement. À nouveau ses yeux étaient bleus clairs et je pouvais distinguer de très près les marques sur sa peau. Je ne comprenais pas les runes qui y courraient, je ne les comprenais pas, je n’en avais jamais vu ainsi, mais puisque c’était l’occasion d’avoir une petite conversation où elle semblait assez faible pour parler…


« C’est quoi ces marques ? »


Elle ne me regarda plus, elle fixait la profondeur de la forêt, comme-ci ces dernières l’appelaient, j’allais devoir l’assommer pour qu’on puisse rentrer et finir de la soigner… Mais d’abord, des réponses !


« Je te cause créature immonde. Réponds !

- Rien qui te concerne. »


Oh la peste ! Je la soulevai par la gorge, ses pieds quittèrent la terre et elle commença à se tortiller pour échapper à ma poigne, rendue glissante par le sang dont elle était maculée :


« Et ta transformation ?! Comment tu as fait ?! »


Elle agrippa ma main et gargouilla une réponse entre ses lèvres carmin :


« Le sang, la douleur, devoir de protection, intenses émotions. »


Je fronçai les sourcils avant de la lâcher, elle tomba au sol et se massa la gorge, mmh… j’allais devoir la ramener histoire qu’elle ne se vide pas de son sang. Enfin, elle ne semblait pas… gênée d’en être couverte. Je finis par lui donner un grand coup de pied dans la tête et elle s’effondra comme un pantin sans fil. Je détachai ma cape pour l’enrouler dedans avant de la charger sur mon épaule pour la déposer sur l’encolure de ma monture et tourner la bride pour retourner au palais. J’avais pas fini d’en baver avec elle.

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