Chapitre 5 - Saorsa

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Je regardai par la fenêtre toujours assise à ma place sur son rebord, le paysage ne changeait jamais malheureusement. Machinalement, je chantais dans ma langue maternelle. Enfin, l’une de mes langues maternelle, j’en connaissais beaucoup, les langues ce n’était pas une difficulté pour moi. Dans mon royaume, la mémorisation des langues prenaient quelques heures la plus part du temps. Aussi bien l’oral que l’écrit… Au vu du nombre de dialecte qu’il y avait sur nos terres c’était normal. Mais… actuellement, je chantais dans la langue propre à ma meute. J’aimais chanter, aussi bien sous ma forme animale que dans mon corps humain, cela me rappelait mon pas, ma forêt… La chasse… Je fermai les yeux avant de soupirer longuement et poser ma tête contre la pierre. Je voulais rentrer chez moi. J’étouffai de justesse un nouveau profond soupir quand le soi-disant chasseur s’approcha. Il venait d’entrer et encore une fois je ne dis rien. Pauvre petit chasseur… Déçue de ne pas m’entendre couiner, j’eus un petit rire. Quatre mois qu’il était là… Trop longtemps.


Je regardai par la fenêtre toujours assise à ma place sur son rebord. Machinalement, je chantais dans ma langue maternelle. Enfin, l’une de mes langues maternelle, j’en connaissais beaucoup, les langues ce n’était pas une difficulté pour moi. Mais… actuellement, je chantais dans la langue propre à ma meute. J’aimais chanter, aussi bien sous ma forme animale que dans mon corps humain, cela me rappelait mon pas, ma forêt… La chasse… Je fermai les yeux avant de soupirer longuement et poser ma tête contre la pierre. Je voulais rentrer chez moi. Je soupirais longuement en tournant la tête vers le soi-disant chasseur sans rien dire. Il venait d’entrer et encore une fois je ne dis rien. Pauvre petit chasseur… Déçue de ne pas m’entendre couiner, j’eus un petit rire. Quatre mois qu’il était là… Trop longtemps.


Je descendis de ma place et regardais le repas qu’il m’avait servi. Je sentais de là où j’étais les drogues. Il croyait vraiment que je n’avais pas senti ? Les drogues et les herbes dont il me gavait allégrement. Je chassai d’un geste de tête les cheveux que j’avais devant les yeux, mèche aussi folle et sauvage que mes envies de liberté. Il s’amusait même à me ramener de nouveaux habits dont le tissu était parsemé de fils d’argent qui me brûlaient la peau. J’avais beau être aidé par les fluides, mon corps ne pouvait combattre l’argent et les drogues. Il fallait choisir. Et je préférais, pour l’instant me guérir de l’argent, les drogues je commençais à y être habituée, bien que les effets étaient vraiment désagréables. Ma mère m’avait appris bien des choses en six années de vie. Que les dieux bénissent nos mémoires à nous les gens du Nord et les loups. C’était bien grâce à cela que la nuit je pouvais encore danser sur les rythmes que je connaissais encore, que je pouvais parler langues et dialectes dont je n’avais plus entendu la moindre sonorité depuis deux longues années. Et que je voyais encore les visages des jumeaux.


Je laissai mon esprit dériver lentement, porté par les drogues, mes désirs d’escapades et de liberté. Sadralbe semblait satisfait. Cela faisait plusieurs jours que je mangeais ainsi, que les drogues fassent enfin effet. D’une manière ou d’une autre. Peut-être pensait-il qu’après quatre mois il avait enfin réussis à me briser à force de torture ? N’importe quoi. J’étais bien plus résistante que ça, mes souvenirs restaient trop ancrés dans ma mémoire, dans mon corps…


C’était stupide. J’eus un sourire en regardant le ciel au travers de la fenêtre avant qu’il ne me pousse pour un nouveau cours. Liliraele me sourit et je lui rendis légèrement c’était bien l’un des seuls être humain autour de moi que j’aimais bien. En même temps, c’était la seule qui avait décidé de ne pas me prendre de haut et qui m’aimait vraiment. C’était la seule que j’acceptais d’aller « sœur ». C’était bien pour ça que ce maudit homme m’avait arraché de mon pays. Wilkin. Ma mère ne m’avait jamais parlé de lui et sur les tatouages qui représentaient ma lignée son nom n’était pas indiqué. Il avait pris lui-même la décision, comme s’il était le seul à décider. Mais Liliraele… Elle je voulais bien lui parler et l’apprécier. Je m’installai près d’elle, prêtant une oreille distraite au précepteur. Heureusement que je n’avais pas à supporter trop ses petits frères et ses petites sœurs. J’avais juste envie de leur arracher la tête à coup de crocs. Mais elle… Ça allait. Parce qu’elle ne me prenait pas pour une idiote ou un monstre. Sa mère aussi c’était supportable, elle savait très bien que je n’avais rien demandé et que si Wilkin n’avait pas joué au con et au voleur d’enfant, jamais je ne serais là. Alors… Je ne disais pas qu’elle était gentille, cordiale, oui… c’était le mot.


« Midelia ! Est-ce que cela vous ennuie que je parle ?! »


Je relevai les yeux vers le précepteur avant de soupirer longuement et de réciter d’une traite ses dernières phrases. Pourquoi il s’acharnait à essayer de me mettre en faute alors que je mémorisais en continu ce qu’il disait ? Stupide humain. Liliraele eut un petit sourire, le reste du cours se déroula dans le silence. Les drogues étaient là, toujours dans mon sang à faire effet, mais je m’y habituais lentement. Il me faudrait quelques jours encore pour m’assurer d’endormir en partie le chasseur.


Je poussai un soupir de soulagement en quittant enfin la bibliothèque, j’avais beau adorer les livres, que je dévorais, il n’en restait pas moins que c’était au grand air que je me sentais le mieux. Les jardins étaient vraiment dépriment, trop ordonnés. Sadralbe marchait derrière pour nous surveiller, Liliraele se retourna avant de prendre ma main dans la sienne, je la laissai faire sans rien dire, c’était elle qui faisait la conversation :


« Tu me fais rire avec ta capacité d’être dans la lune, mais mémoriser entièrement le cours.

- T’aimerais faire pareil ?

- Tu fais exprès de prendre un accent ? »


Je haussai les épaules. J’aurais pu parler sans aucun accent, mais c’était simplement un petit défi ? Une moquerie ? En quelque sorte si on pouvait le dire. J’aimais mon petit accent, c’était comme ça. J’observai à nouveau ma demie-sœur avec attention elle me le rendit avec un petit sourire en coin avant de prendre la parole :


« J’ai quelque chose sur la figure ?

- Non. Tu es juste trop pâle. »


Elle éclata de rire et me pinça la joue avec une petite grimace. C’était vrai, que même si je venais du Nord, j’avais la peau plus foncée que celle de ma sœur. J’avais passé trop de temps dehors avant. Ma sœur non. Chacune… nous avions eut nos vies, mais elle semblait toujours affirmer que je rendais la sienne plus belle. Mouais… je ne savais pas vraiment quoi en penser. Au moins j’avais toujours un point d’encrage… Je lui souris et on continua à se balader un long moment avant qu’on ne soit obligé de rentrer et de se remettre au travail.


J’observai la nuit derrière la vitre, j’attachais ma longue chevelure noire en une tresse tout aussi longue. La Lune était noire ce soir, la déesse couvrait mes pas et surtout, j'avais passé assez de temps calme, sage et obéissante pour qu'ils se méfient moins de moi. L'obscurité recouvrait toutes les terres. Parfait pour moi. Je laissai toutes mes affaires sur place, prenant juste une chemise, un pantalon et une cape passe-partout avant d’enfiler mes bottes. Maintenant… Il fallait être discrète. Je fermai les yeux et inspirais profondément en manipulant les fluides. Je ne pouvais plus toucher la poignée sous peine de subir des brûlures dues à l’argent. Et surtout il la fermait à triple tour. Il fallait aussi que je tourne le verrou extérieur qu’il avait fait rajouter. Je soupirais longuement en maniant avec délicatesse les fluides du vent pour ôter le verrou et ouvrir sans bruit la porte. J’expirai lentement avant de refermer soigneusement le battant derrière moi et de me faufiler dans les couloirs sans bruit. J’avais le moindre de mes sens en alerte pour m’assurer de l’absence d’obstacles. Et surtout du chasseur. J’avais attendu qu’il fasse sa deuxième ronde pour partir. L’important était de ne pas tuer des serviteurs ou des innocents. J’avais beau ne pas les aimer, je ne tuais pas par amusement ou ennuie. Non, je n’étais pas cruelle ou un monstre. Sortir du château n’était pas une partie de plaisir : il fallait éviter les gardes, les serviteurs, se cacher, attendre, reprendre en silence sa course. Je finis de me faufiler hors du palais et le vent froid me fouetta le visage, un rire jaillit du creux de mon ventre alors que j’appelais la force des dieux, la force du loup, qui dormait en moi. Avec les fluides plus rares ici, je ne pouvais me transformer entièrement et presque sans fatigue, je pouvais appeler la force du loup, mais prendre la forme entière… ce n’était pas aussi facile que dans le nord. La nuit me parut largement moins obscure et mes sens s’aiguisèrent davantage. Je me mis à courir, je savais que je devais aller vers le nord, mais cela serait beaucoup trop évident, d’un coup d’œil aux étoiles, je repérais la constellation de la boussole et comptai les étoiles avant de prendre la direction du sud. Vers la mer. Je pourrais me fondre dans l’endroit, dérober quelques bourses et ensuite trouver un bateau pour chez moi. Il y avait peu de commerce, mais assez pour que je puisse trouver un navire relativement rapidement. Peut-être cela pouvait sembler un coup de tête, peut-être que cela l’était, ou juste une occasion à saisir au vol.


Je pourrais planifier, je préférais saisir au vol et au vent le moment.


Je ne pris pas la route : je coupais immédiatement à travers champ. Il faisait froid et sec. Enfin… froid. C’était tout relatif, je trouvais qu’il faisait assez bon pour moi. J’avais l’habitude de bien plus glacial et dérangeant que simplement ça. Mais à pays de sudistes, températures de sudistes. Ce n’était la faute de personne. Je courais, parfois sur deux pattes, parfois sur quatre. L’important était de ne pas se faire voir, ni suivre. Plus je gagnerais du temps et du terrain… Mieux c’était. Mais surtout, éviter les installations humaines et de croiser des groupes. Je n’étais pas solitaire par envie, mais par obligation, tout comme je n’étais pas silencieuse. J’étais une louve, oui ! Mais dans ma meute tout était bien différent. Tout simplement parce que j’étais heureuse ! Et… c’était déjà beaucoup pour moi. Le sol était sec sous mes pieds, et avec le vent une possibilité de trace n’était pas possible. Quant à l’odeur… On pouvait donner aux chiens mon odeur humaine, à cet instant je dégageais celle du loup. Et par expérience ils en étaient terrifiés. Un petit rire franchit mes lèvres alors que je m’enfonçai dans l’obscurité.


Je m’arrêtais un instant à l’aube devant un ruisseau, à genoux dans la boue, je bus de longues gorgées glacées avant de m’essuyer le menton et de secouer la tête. Je reniflai l’air avant d’écouter autour de moi, pour l’instant rien. J’avais progressé très vite, mais pas encore assez, tant que je ne serais pas sur un bateau, je ne serais pas rassurée. Tant que je ne sentirais pas l’air froid du nord sur ma peau je ne serais pas tranquille. Une fois chez moi… Je pourrais retrouver des meutes, retrouver ma mère, mon père… Là-bas je serais en sécurité. Je bus une nouvelle longue gorgée avant de reprendre ma route. J’évitais soigneusement les villages, je regardais simplement le ciel pour me guider, observer autour de moi. Il fallait juste que je continue à avancer, quitte à voler un peu de nourriture. Ou manger un animal cru. Ce n’était pas la première fois, même dans cette enveloppe de chair, que j’en mangerais comme ça. Mais ça serait vraiment trop visible. J’avançai rapidement, refusant du repos pendant le trajet jusqu’à la nuit tombée, je trouvais un petit champ et en profitais pour m’approcher à pas silencieux vers la maison. Un petit poulailler, je pourrais pas frapper et demander à manger. Non, il fallait absolument que je m’éloigne… Ils n’avaient pas un… Grenier ? Ou quelque chose comme ça. Les réserves. Il fallait que je me serve de mon nez, et oublier l’odeur de soupe venant de la maison. Je me déplaçai lentement avant de trouver la porte de la cave. Forcément… Il n’y avait personne dans les alentours, ce n’était pas fermé. Je me glissais sans bruit dans l’endroit avant d’attraper quelques fruits et du fromage avant de ressortir et de m’éloigner en courant après avoir fermé la cave. Je me glissais dans un recoin entre deux pierres avant de dévorer les fruits et le fromage. Ça faisait du bien. Je baillai longuement avant de me rouler en boule en serrant ma chemise autour de moi. Il ne faisait pas froid, heureusement. Puis même, je ne craignais pas le froid.


Je courrai sans un regard derrière moi, le bruit de la galopade m’indiquait clairement que j’étais poursuivie et ce n’était pas forcément des alliés. Non clairement pas. Je savais très bien qui c’était et je n’avais aucune envie d’être attrapé. Le chasseur et quatre autres gardes, j’aurais pu être flattée, ils avaient mis une semaine à me retrouver. Merde ! Je puisai dans les ondes autour de moi pour essayer de prendre ma forme de loup, mais elles étaient trop rares ici pour que je puisse le faire aussi facilement. Je bondis sur le côté en entendant le vrombissement d’une flèche. Et au bruit ils se rapprochaient beaucoup trop. Je savais très bien que sous ma forme de louve ils n’auraient pas pu me rattraper, mais sous ma forme humaine je devais, et cela même si je poussai mon corps vers une transformation, à peine être plus rapide qu’eux, sauf que moi, je fatiguais beaucoup plus vite. Devant moi un fossé, j’entendis un cri, putain de chasseur. Je poussais un hurlement de rage et ma mémoire me débloqua une réserve d’énergie alors que je me revoyais dans le Nord quelques années en arrière, le jour où on m’avait arraché à ma maman. Un cri de rage déchira ma poitrine et mes pieds frappèrent à nouveau le sol avec violence. Mes muscles se tendirent et je me propulsai au-dessus du vide, sous moi un fleuve qui allait probablement se jeter dans la mer plus loin. Mes doigts s’accrochèrent à la corniche en face de moi et j’eus le souffle coupé par l’impact avec la roche. Une de mes mains lâcha et je plantais mes bottes dans une minuscule fissure. Ne pas tomber ne pas tomber. Je baissai les yeux vers le vide, l’eau était agitée avec violence et l’écume blanche se faisait voir. Elle serait sans aucun doute glaciale et agitée… Je tournai la tête pour voir les chevaux freiner de leur quatre fers devant le gouffre. J’eus un rire, le chasseur était là et il eut un sourire.


« La position est confortable petite garce ? »


Je grondais doucement avant de regarder le haut devant moi. Il fallait que je tire sur mes muscles pour grimper là-haut… Les fluides du vent devraient pouvoir m’aider. Est-ce qu’il y avait un pont dans le coin ? Sûrement… Mais où ? Est-ce que j’aurais assez de temps pour me reposer un peu ? S’ils m’attrapaient je mourrais. Ils semblaient s’organiser. Je tirais un peu sur mes bras, mais je n’aurais aucunement assez de force pour me hisser. J’expirais lentement laissant ma force de louve disparaître. Pas le choix.


« Si tu dois plonger Saorsa et de haut, toujours pointe de pieds en avant ma chérie. »


La voix de ma mère résonnait dans mes oreilles… Je sentis un de mes ongles s’arracher. L’odeur du sang grimpa à mon nez et je finis par me jeter en arrière pour plonger vers l’eau en priant de toute mon âme pour que l’eau soit profonde. Au pire je mourrais d’un coup et non pas à petit feu comme au palais. Et au mieux je serais emportée par les flots loin et je serais passée pour morte. Et je pourrais vite retrouver ma mère et ma meute. Je fermai les yeux en regardant l’eau arriver à toute vitesse.


Une masse me projeta avec violence contre la falaise, mes côtes craquèrent avec violence et je retiens un cri de douleur. L’un des gardes me fixa droit dans les yeux, la main tendue. Un bras de terre venait de m’attraper au vol. Je sentis la rage me monter et je grondai de colère. J’étais passée à rien du tout de réussir… Sabralde me rejoignit vivement et attrapa une poignée de cheveux en me tordant la nuque.


« Tu croyais vraiment réussir ? »


Je lui crachai à la figure et son autre main se resserra autour de ma gorge. J’aurais préféré crever que de revoir d’aussi près sa face, il essuya ma bave et sourit.


« Tu vas le regretter. »

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