VI - Un Nouvel Horizon

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321 se réveilla de nouveau, paupières lourdes, vision embrumée, le corps douloureux. Rassuré d’être encore vivant, il sourit. Sa voix intérieure, plus présente que jamais, lui expliqua qu’il était victime d’un phénomène étrange que les sages appellent le rêve. Un phénomène qu’il ne comprenait pas, pour ne jamais l’avoir vécu. Cette hypothèse expliquait tout : il s’était endormi dans le désert, accablé par la chaleur et les prémices de sa folie. Son esprit avait divagué sur son propre fleuve. Ou bien… avait-il rêvé de cette initiation, de ce voyage dans le monde des hommes, nécessaire à son passage à l’âge adulte ? C’est ce que lui suggérait sa voix alors qu’il reconnut le plafond familier, incrusté de diamants, auquel ressemblait à s’y méprendre la voûte étoilée du désert.

Des paroles se firent entendre. Des mots du dehors. Ceux d’un sage. D’un sage qu’il connaissait. C’était Savoir, l’ami de Sagesse ! Qui d’autre, à en juger son visage terne, strié de rides, sa bouche flétrie et son regard dur qui semblait à chaque instant vous juger. Bien qu’il ne l’appréciait pas, il était heureux de le retrouver.

« Lève-toi, 321 ! » ordonna-t-il.

321 n’avait aucune envie de se lever, de quitter le confort de cette paillasse surélevée. Il ne s’inquiétait pas des tiges qui traversaient son corps, des fluides qui traversaient ses veines, ni même de l’imposante machine qui se dressait derrière le sage, tant la sensation d’être là, de retrouver les siens, lui était délicieuse.

« Tu as bien le droit à quelques minutes, tu l’as mérité. Tu as traversé de nombreuses épreuves pendant ton initiation. Nous t’avons suivi grâce à cette technologie que tu vois, autour de toi. Nous avons lu en toi comme dans un livre ouvert. »

321 balaya la pièce du regard. La joie d’être en ces lieux était plus forte que ces curiosités qui se dévoilaient à lui et dont il n’avait pas soupçonné l’existence. Les paroles de Savoir, toutes mystérieuses qu’elles fussent, ne faisaient pas écho ; il se contenta de sa présence, de son visage, de cet essentiel.

« Cela n’a pas l’air de t’intriguer. Bien… J’aimerais que tu répondes à cette question, 321 : qu’as-tu pensé de la Vie ?

- Ce n’était pas un rêve ?

- Une question exige une réponse, non une question, 321. Je répète : qu’as-tu pensé de la Vie ?

- Qu’elle est confuse, difficile. Je n’ai pas compris. J’avais l’impression d’être impuissant, écrasé par le désert. Tout cela n’avait aucun sens. Dès que je commençais à être bien, cela ne durait jamais. Quelque chose arrivait. C’était de pire en pire. J’avais peur de… vivre… peur… de mourir.

- Et qu’en conclus-tu, 321 ?

- Je… je préfère rester dans la Caverne et regarder les ombres qui passent, sur les murs de ma chambre.

- Qu’il en soit ainsi ! Maintenant que tu es un homme, nous t’appellerons Bonheur 256. Tu seras affecté au secteur 5, au département textile. Tu nous fourniras en vêtements jusqu’à ton dernier souffle. Maintenant, tu peux disposer et retrouver les murs de ta chambre. Ton initiation est terminée : ta vie peut commencer. Tu seras heureux, n’est-ce pas l’essentiel ? »



FIN

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