II - Des Tours de l'Instinct

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C’est ainsi que 321, vierge de tout prénom, fut accompagné à l’âge de 13 ans par les sages de sa tribu dans le Désert de Vaeli, puis abandonné. Avant d’éprouver la solitude et la vie, il marcha, car tel était le moteur de sa quête. Il obéit aux dernières injonctions de ses pères : lorsqu’il n’entendit plus ni les pas feutrés de son peuple, ni les susurrements de leurs voix, il ôta son bandeau.

Le soleil lui creva les yeux.

Il ne vit qu’un grand mur blanc devant lui, jusqu’à ce que les contours se dessinent : un océan de sable, un océan de ciel, et ce phare implacable qui lui brûlait la rétine, immobile sous un drapé de scintillements diffus. 321 pensa à la nuit ; comment se protéger de cette chaleur vivace qui cognait contre sa peau : avait-il besoin de toutes ces choses qui, dans son sac à dos, menaçaient déjà sa traversée ?

En effet, il contenait de nombreux vêtements ainsi qu’une couverture qui luisait comme un tapis d’étoiles. Il ne s’attarda pas outre mesure sur les autres accessoires bien qu’ils défiassent la raison. Pour alléger son fardeau, faciliter sa marche, il se débarrassa de tout cela - à l’exception d’un couteau, qui l’aiderait à chasser, d’une gourde, dont il questionna un instant l’utilité, car elle était vide, et du sac. Il se décida ensuite à enlever ses guenilles, parce qu’elles lui tiendraient chaud. Il irait nu ; ce serait mieux. Or, le contact du sable le brûla si fort qu’il remit sa paire de chaussures. Pas un instant il ne songea à ce qu’il laissait derrière.

Il marcha des heures durant, le soleil dans le dos, préférant que l’astre lui morde le cou plutôt que les yeux. Dans cette immensité, il ne savait guère où se diriger, car tout se ressemblait : il était le seul à être en mouvement et, comme la nuit commençait à tomber, le vent à fraîchir, il ne tarda pas à déposer les armes. Alors, une silhouette verte apparut au lointain. Immobile, elle le toisait de ses mille yeux jaunes : des petits trous qui ne perçaient pas la danse du voile chaud qui crépitait dans l’horizon.

Malgré ses inquiétudes, il s’approcha peu à peu et constata que ce n’était qu’une plante : ses piques acérées n’étaient pas menaçantes tant qu’elle ne bougeait pas. Il l’observa un long moment, puis se rua sur elle avec le peu d’énergie qu’il lui restait. Il la poignarda, pensa la dévorer ; il but - et c’était encore mieux. Après avoir rempli sa gourde vide de ce nectar, parce qu’il imaginait qu’un tel objet pouvait se remplir comme se vider, il resta assis sur son sac vide, pensant que le monde bougerait seul (cette plante n’était-elle pas apparue, pour se figer ensuite ?) et qu’il n’aurait plus besoin d’avancer. Le froid vint le mordre à son tour, quand le soleil s’évanouit au loin, derrière l’immensité d’une dune.

321 grelotta. En se frottant les mains, il s’imagina que marcher le sauverait d’une mort possible, tant l’inconfort était là, le corps à ses limites - ce n’était pas l’eau récoltée, toute providentielle qu’elle fût, qui le sauverait. Il essaya de retrouver les affaires qu’il avait jetées plus tôt pour se mettre au chaud, mais ne trouva rien dans la nuit noire, pas même des ombres. Car, toujours, tout se ressemblait.

Par miracle, il se réveilla le lendemain. Tétanisé par le froid, il remercia Dieu de sa clémence, pesta contre la nature et rebroussa chemin, à la recherche de son sac. Il voulut suivre le soleil, pour le retrouver, mais le soleil s’était multiplié : deux astres le narguaient sous des voiles de chaleur, plus épais encore que ceux d’hier, moins lointain. 321 ne comprenait pas : il était persuadé qu’il n’en existait qu’un ! C’est ce qu’avaient prétendu les sages ! Lui auraient-ils menti ? Il ne s’inquiéta pas outre mesure : s’il y avait plusieurs dunes, des milliards de grain de sable, il pouvait bien y avoir deux soleils. Et, il l’espérait : deux cactus.

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