Chapitre 8

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J'avais insisté pour qu'il vienne à côté de moi dans le lit, mais il avait refusé net. On passait déjà tout notre temps ensemble, alors je ne voyais pas la différence entre dormir ensemble dans la même pièce et dans le même lit. Ce n'était pas comme si on était nu, surtout que j'avais trouvé une tenue super comme pyjama dans la ville. L'idée avait l'air de l'horrifier. J'avais bien compris que je ne lui plaisais pas, mais de là à le dégoutter… Sympa.

— Ash, tu dors ?

— Ellie, même si je dormais, tu m'aurais réveillé.

— Pourquoi moi ? Pourquoi je suis l'enfant de cette prophétie et pourquoi mes parents ?

La question me brûlait les lèvres depuis un moment déjà, mais ce n'était jamais le temps de la poser. Le silence s'éternisa et je crus qu'il n'allait pas me répondre. Pour autant, je ne comptais pas lâcher le morceau.

— Je vais te dire ce que je sais. Nos royaumes vivaient dans l'harmonie, chacun avait ses forces et l'ensemble se complétait parfaitement. Les frontières étaient connues de tous et la prospérité régnait. Malheureusement, les démons s'infiltrèrent dans notre monde. Petit à petit, l'avidité et l'envie gagna les cœurs. Des escarmouches se déclenchèrent dans tous les coins, on contestait les limites des territoires, les droits de douanes, les provenances, on ne misait plus sur les forces, mais on profitait des faiblesses. Ce poison était vraiment vicieux et se généralisa très rapidement.

Plongé dans ses pensées, il marqua une pause. J'étais pendue à ses lèvres. Dans la pénombre, je pouvais imaginer voir ce qu'il me racontait. Le film se déroula sous mes yeux.

— L'Ambusien suprême convoqua les rois et leur dit « Si vous ne vous accordez pas aujourd'hui, seul l'enfant de Lune pourra ramener la prospérité. Unificateur ou Destructeur, il sera toujours Purificateur. Les trois lunes de Sang dans le ciel de l'Ether signeront son avènement sur Terre. » Il tourna ensuite les talons et disparu. Malgré de nombreuses recherches, impossible de le retrouver pour savoir ce qu'il avait vu exactement de ta destinée. Comme tu peux le voir, les rois n'ont pas trouvé de solution et ont continué à s’entre-déchirer. Ce que tu as vu aujourd'hui est l'une de nos plus grosses cités. Nous avons réussi à protéger notre royaume et à développer l'agriculture pour au moins que nos gens ne meurent pas de faim. Ce n'est pas comme ça dans tous…

Il me laissa le temps d'absorber ces informations. J'avais la gorge nouée par le poids qui pesait sur mes épaules. Je ne savais pas si j'allais être de taille.

— Mais pourquoi avoir choisi mes parents ?

— Ceux qu'ils ont rencontrés leur ont un peu menti. C'était forcément eux. Ce sont les seuls descendant des anciens Passeurs qui ont choisi l'exil sur Terre. Nous gardions depuis longtemps un oeil sur eux. Leur sang est trop faible pour revenir chez nous mais le tient était magnifié par les lunes. Quand les lunes de Sang ont fait leur apparition, nous les avons contactés. Nous avons fait croire à tes parents que c'était un cadeau qui leur était fait mais ta conception était totalement naturelle. Nous n'avons donné qu'un tout petit coup de pousse pour s'assurer que tu t'accroches et grandisse comme il faut.

Je ne voulais pas de cette image de mes parents s'adonnant à la bête à deux dos. Je clignais des yeux pour la chasser. Ce qu'il venait de me dire me gênait et m'énervait.

— Vous auriez pu leur dire la vérité !

— Là encore, tout a été question de choix. Il fallait les prévenir qu'à tes 16 ans tu leur serais enlevée pour être formée, ton potentiel est trop important et dangereux pour être laissé brut.

— Vous êtes des enflures.

Il ne répondit pas à mon attaque. Alors quelle était la part de vérité dans ce qu'il me disait ? Et quelle était la part de manipulation ? Même si je l'appréciais beaucoup, plus que ce que je ne devrais, il fallait que je reste sur mes gardes. Rien ne me disait qu'il ne me mentait pas aussi.

Le lendemain, nous nous sommes réveillés dans un silence qui restait tendu. Nous emballâmes nos affaires dans cette ambiance alourdie par mes derniers mots d'hier soir. Et en même temps, je ne me voyais pas m'excuser pour quelque chose que je pensais. Ah c'est sûr que le mensonge et la trahison était plus facile que d'assumer ses idées ! Je détestais devoir évoluer dans cette défiance. Ash était-il vraiment de mon côté ou est-ce que ce n'était qu'un jeu pour lui ? Une mission. Plusieurs fois je le vis me regarder comme s'il allait me dire quelque chose avant de se raviser.

Malgré un petit déjeuner copieux et savoureux, je gardais un goût amer en bouche.

— Ellie, je suis désolé. Pas de ce qui a été fait, parce que je ne vois pas quelle autre solution nous avions. Mais parce qu'aujourd'hui ça te fait du mal. J'essaie d'être le plus honnête possible avec toi. J'aurais très bien pu te mentir mais j'ai choisi de te dire la vérité, au risque que tu ne m'adresses plus la parole.

— Je comprends pourquoi vous avez fait ça, mais vous n'aviez pas le droit de jouer avec leur vie. Aujourd'hui rien ne me dit que tu ne manipules pas toi non plus. Tu sais bien que j'aurais fini par l'apprendre.

— Je ne peux pas te faire de mal Ellie. Au début tu étais une simple mission à accomplir mais j'ai appris à te connaitre et je me suis vraiment attaché à toi, répondit-il en détournant les yeux et accélérant.

Mais c'était qu'il était gêné l'elfe ! J'avais l'impression que ce qu'il me disait allait beaucoup plus loin que ça, mais je n'arrivais pas à avoir de certitudes. Je me faisais certainement des films.

D'un coup de talon, je le rattrapais. Shadow était tellement heureux d'avoir sa liberté qu'il répondait au doigt et à l’œil. Même avec la foule dans la ville, il se tenait. Il rêvait de galoper au grand air, mais nous devions faire attention à ne pas trop les fatiguer, la route était encore longue. Il fallait compter à peu près deux semaines de voyage, et il était hors de question de changer de monture en cours de route. Nous espérions qu'ils tiendraient le coup tous les deux. En tout cas, leur musculature sous entendait qu'ils étaient entraînés.

La végétation luxuriante était à couper le souffle. Ash s'arrangeait, dans la mesure du possible, pour tomber sur des cabanes abandonnées. C'était un meilleur abri que la tente et plus spacieux. À part ma rencontre avec la faune et la flore locale, le trajet n'eut pas de rebondissements. J'appris à mieux connaitre mon guide. Il avait un frère aîné et une sœur cadette, ce qui était très prolifique dans leurs contrées. Son père était l'héritier et sa mère était issue d'une des plus grosses familles du royaume. Il se transmettait à l’aîné, peu importe qu'il soit homme ou femme, c'était uniquement la place dans la fratrie qui désignait la succession. Cet ordre pouvait être bousculé par le peuple en cas d'incompétence avérée du futur dirigeant. Je crus comprendre que c'était pourtant sa mère qui tenait les ficelles.

Je ne pus retenir un cri d'admiration en voyant la cité royale. Arenlone était magnifique. Un diamant brillant de mille feux, faite d'or et de blanc, elle resplendissait au milieu des montagnes. Les grands arbres la ceignant ne pouvaient cacher sa majesté. On sentait l'opulence de la ville. Des douves entouraient les murailles. Je n'y voyais aucuns défauts. Si proche et si lointaine à la fois, je n'avais qu'une envie, partir au triple galop pour la rejoindre. On pouvait distinguer comme plusieurs niveaux avec des nombreux jardins et canaux. Nous étions un peu en hauteur et donc pouvions distinguer des détails par-dessus les enceintes.

Ash rayonnait également. Honey piaffait d'impatience en sentant celle de son maître. Il me regarda les yeux brillants d'émotion mal contenue.

— Cinq ans que je n'étais pas revenu chez moi, souffla-t-il si bas que je n'étais pas sûre que ce soit pour moi.

— C'est magnifique !

— Et tu n'as encore rien vu de toutes ces petits endroits cachés qui en font une merveille.

— Un petit galop ? lui lançais-je en souriant.

La piste était assez belle pour en profiter. Il ne prit pas le temps de répondre avant de lancer Honey au triple galop. J'éclatais de rire en lâchant la bride à Shadow, j'avais l'impression de voler sur son dos. C'était magique. Malgré tout le temps que nous avions passé sur la route, les chevaux étaient encore en forme, nous les avions ménagés dans ce but. En plus de ça, ils sentaient l'arrivée au lieu de villégiature où ils pourraient bénéficier d'un bon pansage en règle et d'une ration copieuse.

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