Chapitre 29

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 La journée du lendemain fût interminable. Je restais cloîtrée dans les appartements de Klearn pour que personne ne me voit. Nous devions agir le soir même. Au plus je passais de temps dans la cité, au plus il y avait de risque que ma présence ne s'ébruite. Je ne voulais en aucun cas que la reine prenne des mesures plus radicales et se débarrasse de lui. Je manquais de paniquer plusieurs fois à cette éventualité.

Heureusement que mon lien avec Shadow était fort. Je le sentais vibrer, si intangible et pourtant si puissant. L'énergie générée par ma rage s'écoulait fluidement entre nous et ne menaçait pas de faire exploser l'Académie.

Je savais que je devais me reposer pour être en forme et arriver à sortir Ash de là. Malheureusement, je ne tenais pas en place. Mon estomac était si noué que je dus me concentrer pour ne pas vomir le peu que je réussis à manger. Je ne pouvais même pas aller prendre l'air.

Le soir venu, nous étions tous silencieux. La gravité du moment pesait sur nos épaules. Syrae avait l'air sur le point de s'effondrer. Elle comprenait qu'elle ne pouvait venir avec nous, pour autant cela la rongeait. Elle courait dans tous les sens, à qui avait besoin d'aide. Bien que tout était prêt. Enfin, autant que l'on peut l'être dans cette situation-là.

Oregon partit en avant afin de rallier les gardes fidèles à Asher. Nous aurions besoin d’eux pour sécuriser les lieux et nous défendre contre ceux de la reine. Je culpabilisais de me dire qu’autant de personnes risquaient leur vie pour en sauver une seule.

Malgré tout, quand nous les rejoignîmes, je compris qu'Asher représentait bien plus qu'une simple vie pour eux. C'était l'espoir d'un Royaume meilleur, ouvert et prospère. Non castré par des règles et des machinations politiques, juste utiles pour asseoir le pouvoir. Je n'avais pas le coeur à leur dire qu'Ash risquait de ne pouvoir rester avec eux. J'espérais que cette évasion, que je ne pouvais imaginer échouer, fragiliserait le pouvoir en place.

Je passais le trajet totalement anesthésiée. Je ne voyais plus que mon objectif : sortir Ash de cette maison de fou.

Comme Oregon l'avait prévu, de nombreux gardes fermèrent les yeux sur notre passage. Les quelque uns que nous avions choisi pour nous accompagner, étaient des vrais partenaires pour eux. Ou alors, c'était peut-être la tête qu'ils affichaient. Ils avaient beau vivre tous ensemble au quotidien, aujourd'hui, on voyait qu'ils étaient prêts à tuer pour poursuivre leur route. Les autres attendaient la moindre alerte pour intervenir. Nous tentions la furtivité, mais nous étions prêts à user de la force. Au moins, grâce à nos voyages, j'avais généralement moins de scrupules à tuer. Et dans la situation présente, je n'en avais aucuns.

Oh tout ne se passa pas aussi simplement. Certains tentèrent de s'interposer, l'affaire fût vite réglée et les corps cachés au maximum. On ne se rendait pas compte qu'il y avait autant de coins sombres sur le trajet des geôles. Je ne voulais pas savoir combien de prisonniers y avaient malencontreusement disparus. Au moins, l'alerte ne fût pas donnée avant que nous arrivions.

Les gémissements et les pleurs qui s'échappaient me tordirent les tripes et me ramenèrent à la réalité du moment. Des gens souffraient dans cet endroit. Un hurlement déchira l'air et me glaça le sang. On aurait dit le cri d'une banshee. J'espérais que ce n'était pas un mauvais présage.

Cinq gardes étaient postés sur notre chemin. Ceux-là n'étaient pas décidés à nous laisser passer. Un sourire mauvais barra mon visage, un voile rouge tomba devant mes yeux, j'avais soif de sang. Une main se posa sur mon bras et je me retournais vivement déjà prête à frapper.

— Maitrise-toi, il a besoin de toi, me souffla Oregon. Respire.

Je ne réussis qu'à hocher la tête avant de prendre une profonde inspiration. La soif de sang était toujours là, au moins je savais maintenant distinguer à nouveau mes amis de mes ennemis. Je devais marcher main dans la griffe avec la Bête qui cohabitait en moi. L'énergie bouillonnait et je la sentais brûlante, prête à émerger pour tout raser sur son passage. Je devais rester cohérente et me contenir.

Nous étions à égalité en termes de nombre, notre force et notre rage firent toute la différence. Je savais que je devais m’économiser pour la suite, malgré mon envie, je ne jouais pas au chat et à la souris avec ma proie. Il n'eut pas le temps de dire ouf qu'il était englué dans ma toile énergétique. J'ignorais comment j'avais réussi à faire ça, mais toujours est-il que c'était là. Je n'allais pas non plus faire la fine bouche.

— Où est-il ? grondais-je.

Le voyant bleuir, je desserrai légèrement la prise que j'avais sur sa gorge.

— Crève, souffla-t-il.

Je grognais comme un bête enragée.

— Tu n'as que deux options. Soit tu me dis de suite ce que je veux savoir et tu meurs très rapidement, soit tu m'obliges à te travailler pour obtenir ce que je veux, et là ...

Un sourire mauvais étira mon visage.

— Ton agonie sera longue et douloureuse.

Mon regard fou ne le fit pour autant pas ciller. Son assurance s'estompa quand ma main droite s'approcha de son cœur et se désolidarisa. Elle s'enfonça complètement dans son torse avant de commencer à se reformer.

Son hurlement me parut comme une douce musique avant de s'éteindre brutalement. Sa carcasse vide s'effondra sur le sol.

— Dernière cellule à gauche, furent les seuls mots que j'adressai à leur regard horrifié.

Je n'en avais rien à foutre. J'aurais pu raser ce château que ça ne m'aurait fait ni chaud ni froid dans l'état où j'étais. Oh je culpabiliserais certainement plus tard, mais pour ceux que j'aimais, j'étais prête à tout. Je devrais vivre avec.

Heureusement, quelqu'un de plus censé et subtil que moi pensa à prendre les clés des cellules. Ils en profitèrent pour libérer quelques prisonniers. Certainement des pauvres types qui n'avaient rien fait d'autre que de s'opposer à la Reine. Dans un fugace moment de lucidité, j'espérais que ce ne soit que ça et qu'ils ne laissaient pas sortir n'importe qui.

Plus personne ne nous barra le passage jusqu'à la cellule, les hurlements des prisonniers avaient cessés. Comme si tous retenaient leur souffle. J'étais fébrile, ma santé mentale ne tenait plus qu'à un fil. Tous étaient conscient que l'avenir du château tenait au résultat de notre raid.

On m'ouvrit la porte, il faisait tellement noir dans le cachot que je n'y voyais rien. Je n'entendais rien non plus, pas même le moindre frémissement. Je restais sur la défensive. Le garde à qui j'avais broyé le cœur n'aurais pu me mentir, mais il pouvait ne pas être en possession de toutes les informations.

— Ash ? murmurais-je.

Je détestais entendre cette fêlure dans mon âme. J'entendis un faible bruissement qui venait de ma gauche.

— Barrez-vous, vous n'aurez rien de moi.

Je reconnus à peine la voix qui me répondit. Tant elle était cassée, rappeuse. Je n'osais imaginer dans quel état devais être le reste de sa personne.

Je me précipitais vers lui dès qu'un des nôtres approcha une torche. Mon cœur se serra et une boule se coinça dans ma gorge. Celui qui j'avais devant moi n'avait plus grand-chose de celui que j'avais quitté. Ses longs cheveux étaient emmêlés et couverts de crasse, son œil droit était gonflé par un hématome. Il avait perdu énormément de poids. Ses poignets étaient rougis par des marques de fers, de même que ses chevilles que je voyais apparaître à travers les déchirures de son pantalon.

Je reportais à nouveau mon attention sur son visage pour le fixer dans les yeux, il fallait qu'il me reconnaisse, ça ne pouvait être autrement. Mon regard se porta sur le sien, j'y voyais encore plus de folie que dans le mien. Il fallait qu'on le sorte de là, je réfléchirais aux conséquences plus tard.

— Ellie c'est bien toi ? Ou c'est encore un tour que vous comptez me jouer ? Dites à la Reine que je préfère crever que rentrer dans son jeu, cracha-t-il.

A l'entendre parler comme ça, j'aurais presque pu me demander si c'était bien lui.

— On vient te sortir de là imbécile ! Il ne faut quand même pas que je laisse sortir la Bête pour t'obliger à bouger ! Croire un instant que je pourrais être de mèche avec ta salope de mère, c'est hyper vexant ! Maintenant il est temps de te sortir de là, on bavassera plus tard.

— C'est bien toi !

Il ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes. Il essaya de se lever pour s'effondrer aussitôt de faiblesse. Je me précipitai pour le rattraper et mon cœur se serra encore un peu plus, les larmes me montèrent aux yeux. Il était maigre comme un clou, je sentais ses membres décharnés entre mes mains. Il ne tente même pas de se dégager, il m'attrapa dans ses bras et enfouit son visage dans mon cou. Il ne devait pas être déçu du voyage, vu ce que je m'étais pris dans la figure au cours de notre arrivée.

— Vous êtes bien mignon les amoureux mais faudrait peut-être voir à se bouger le cul non ? Le reste de la garde va finir par arriver, nous tança Oregon.

Deux gardes m'aidèrent à soutenir Asher pour ressortir d'ici.

Malheureusement, le retour ne se passa pas aussi bien que l'aller.

— Gardes ! Arrêtez-les !

Je haïssais la personne qui venait de lancer ces mots, ces sentiments étaient ancrés dans chaque fibre de mon corps. La Reine. Cette garce qui avait tout fait pour écarter puis éliminer le fils prodigue, le fils libre et indépendant.

Mon esprit a encore du mal à assimiler comme cela se passa ensuite. Une fusée passa entre notre groupe et se précipita sur le couple Royal qui avançait vers nous. Moins d'une minute plus tard, les deux se vidaient de leur sang devant nous. Asher se trouvait entre eux, un couteau écarlate à la main, les yeux fous et conscients en même temps. Lui qui ne tenait que grâce aux gardes la minute d'avant, se tenait maintenant prêt à en découdre. J'espérais que personne ne serait assez suicidaire pour tenter.

J'eus peur pour lui. Nous avions été informés que les gardes de la Reine faisaient partie de ses plus fervents partisans. J'étais prête à décimer quiconque tenterait de s'en prendre à lui.Grâce à ce geste de vengeance désespérée, la confusion engendrée nous permit de contenir les gardes avec des dégâts mineurs. Les gardes royaux n'osaient pas toucher Asher, il était toujours de la famille royale et, potentiellement, c'était lui qui allait devoir reprendre les rênes du pays. Pour autant, il était loin d'en être en état.

Nous réussîmes à les boucler dans les geôles que nous venions de libérer. Cinq gars de nos troupes furent affectés à leur surveillance. Nous étudierons plus tard leur loyauté.

Tous conscients que la donne venait de changer, nous n'étions pas autant en liesse que nous aurions pu l'imaginer en rentrant à l'Académie. Plus nous avancions, plus je me rendais compte d'une chose : j'allais devoir confirmer à Syrae qu'elle devait retourner au château et devenir reine ...

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