Chapitre 27

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Les jours qui passèrent m'aidèrent à accepter cette nouvelle réalité. Jusqu'à ce qu'un nouvel élément arriva, pour détruire tout ce que j'avais patiemment commencé à reconstruire.

— Ellie ! Y'a quelqu'un pour toi ! Dans la tente du chef, me cria le jeune garçon avant de se sauver pour retourner jouer avec ses copains.

Je me demandais qui ça pouvait être. Jusque-là, le Marcheur avait toujours éloigné les intrus issus de mon ancienne vie. Oregon était passée plusieurs fois, certaines que j'étais ici. Mais je n'étais pas encore prête à ce qu'elle me voit avoir rendue les armes.

En entrant dans la tente de Rishab, j'eus un choc en voyant celle qui m'attendait. Syrae. Mes yeux s’emplirent de larmes que je me refusais à laisser couler. Ses bras eurent à peine le temps de s'ouvrir que je me précipitais sur elle pour la serrer fort contre moi.

Jusqu'à présent, je ne me rendais pas compte d'à quel point elle m'avait manqué. C'était un véritable rayon de soleil.

Je m'éloignais un peu d'elle avant de culpabiliser. J'avais peut-être perdu un amour mais elle, elle avait perdu un frère.

— Je suis désolée Syrae ... Je me suis enfui lâchement, balbutiais-je.

Elle secoua la tête avant de répondre.

— Ne t'en fais pas, je pense que j'aurais eu la même réaction que toi. Par contre, j'ai pensé que tu avais le droit de savoir.

Son ton avait changé, passant de celui d'une amie à un ton soucieux. Je la regardais, interrogative. Je tournais aussi la tête vers Rishab, ce qui m'inquiéta encore plus. Il était tendu à l'extrême. Vu comme il se tenait prêt à appeler les gardes, j'en déduisis que ce que Syrae allait me dire était plus qu'important.

— Ellie ... Je ne sais pas comment te le dire ...

J'attendais impatiemment qu'elle continue. Accouche ! Ou alors j'allais devoir trouver les forceps ?

— Il est possible qu'Ash soit vivant. J'ai entendu des rumeurs qui disent qu'il est enfermé dans la prison du palais.

Mon cerveau eu un bug et je compris mieux pourquoi Rishab était aussi tendu qu'un string. Je n'avais pas eu de crise de colère depuis ma transe, là je la sentais monter. C'était une lame de fond qui progressait en moi et renverserait tout sur son passage.

Je devais me maîtriser. Pour Rishab et mon peuple je n'avais pas le droit de me laisser aller. Je puisais au plus profond de moi avant de trouver l'ébauche d'une solution. Je m'effondrais sur le sol et enfonçait mes mains dans la terre jusqu'aux poignets. Elle m'accueillit souplement. Seulement là, je libérais toute l'énergie que j'avais emmagasinée et qui ne demandait qu'à s'épanouir. Je poussais un hurlement déchirant venu du fin fond de mon âme.

Quand je repris conscience de mon propre corps, je regardais autour de moi en paniquant. Quels dégâts avais-je fait ? Tout était resté comme avant, Rishab était sur la réserve et Syrae inquiète de ma réaction. Je ne devais pas avoir sombrée longtemps.

Par contre, la végétation avait bien poussé. Je me lançais dans un rapide état des lieux. Il y avait maintenant des arbustes, de nombreuses fleurs.

— Ellie ?

Je hochais la tête pour lui signifier que tout allait bien. Enfin c'est ce que j'essayais de faire croire, autant à elle qu'à moi.

Elle me disait qu'Asher était vivant. Que mon amour était enfermé dans ces geôles humides et puantes depuis plusieurs mois déjà. Ces mois pendant lesquels je me laissais dépérir en pensant à lui. Ces mois pendant lesquels je faisais tout pour passer au-dessus de mon deuil, en tentant de ne pas devenir folle.

Oh que j'espérais que ce ne soit pas qu'une rumeur. Même si les rumeurs recelaient souvent un fond de vérité. Même si souvent elles en cachaient d'autres, peut être plus sombres. Celle-ci me donnait de l'espoir pour les jours noirs que je connaîtrais jusqu'à savoir la vérité.

Le pire serait peut-être qu'elle soit vraie. Non pas pour moi, mais pour tous ceux qui se dresseraient sur mon chemin. Je plaignais presque celui qui oserait. Un sourire mauvais s'afficha sur mon visage à cette pensée.

S'ils lui avaient vraiment fait ça, à ce fils prodigue, alors qu'ils avaient laissé cet infect aîné continuer à pourrir des jeunes filles innocentes ... Qu'ils craignent mon courroux.

Je n'étais plus cette fille innocente arrivée à 16 ans dans un monde trop obscur et tordu pour elle. Oh que non. Ils m'avaient obligé à grandir et à m'endurcir. Ils m'avaient aussi formée. Formée à ces armes qui aujourd'hui provoqueraient leur chute. C'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Enfin là, c'était plutôt le verre d'eau qui faisait déborder le vase.

Ils avaient voulu jouer, et bien cette fois-ci, je serais le chat, et eux la souris. J'avais hâte de n'en faire qu'une bouchée, le jeu avait assez duré.

Mes yeux rouges trahirent mes envies de meurtre. L'air crépitait autour de moi, une aura sombre et violente m'entourait. Je regardais Syrae qui blêmit. Ça me faisait de la peine de raviver les souvenirs de cette fois où j'avais failli la tuer. Malheureusement, cette part sombre faisait partie de moi. J'étais un tout et il était important qu'elle en prenne conscience. Je n'étais plus un agneau sacrificiel.

On me destinait malgré moi à de grandes choses. Moi qui n'avais jamais rien espéré d'autre qu'une vie normale. Je devais utiliser toutes les armes et compétences à ma disposition. Ils ne s'en tireraient pas aussi facilement. Ils n'avaient déjà que trop fait de mal en toute impunité.

La terre grondait sous mes pieds, à l'unisson de mon humeur. Pour elle et pour ses habitants, je devais redescendre en pression.

— Je vais préparer mes affaires. Je vais éclaircir ça.

Puis je me détournais pour faire mon sac et seller Shadow. Même si je réussissais tant bien que mal à contenir mon aura, personne ne s'approchait de moi. Mes yeux rubiconds suffisaient à faire comprendre que ce n'était pas le moment.

Je n'avais pas grand-chose à emporter. Même si j'étais là depuis plusieurs mois, je n'avais pas beaucoup d'affaires. De plus, je comptais voyager léger. Si le besoin s'en faisait sentir, je ferais quelques courses à Arenlone. Enfin ... Si je ne rasais pas la ville d'abord ...

Moins de quinze minutes plus tard, je scellais Shadow qui piaffait d'impatience.

— Ellie, tu es sûre de vouloir partir tout de suite ? Ne pouvons-nous pas attendre demain ?

— Je ne peux pas Syrae. Je vis un enfer depuis sa disparition. Pas une seule seconde ne se passe sans que je ne pense à lui et à tout ce que l'avenir nous réservait. Je n'imagine même pas dans quelles conditions il est retenu.

— Et tu crois que ça me fait quoi à moi ? sanglota-t-elle.

Je la regardais, interloquée. J'étais tellement concentrée sur ma petite personne qu'à aucun moment je ne m'étais demandée ce qu'elle, elle pouvait ressentir. Je m'étais enfui comme une voleuse alors que ma meilleure amie venait de perdre son frère. Et pourtant, elle avait trouvé la force de venir me prévenir de cette nouvelle.

Je me précipitais vers elle pour la serrer dans mes bras.

— Je suis désolée Syrae ... Je ne t'ai même pas demandé comment toi tu allais ... J'ai disparu sans laisser de traces et sans vouloir voir personne alors que tu avais autant besoin de soutien. Arriveras-tu à me pardonner ?

Elle renifla et se moucha.

— Il n'y a rien à pardonner Ellie ... Moi j'avais Klearn qui était là pour moi, ainsi que tous mes amis de l'Académie. Tu aurais pu avoir Oregon, Selana et moi pour te soutenir, mais je ne t'en veux pas d'avoir fui. Je n'imagine même pas si demain j'étais amenée à perdre Klearn.

Elle posa une main protectrice sur son ventre. J'ouvris de grands yeux.

— Syrae ... Ne me dis pas que ...

Voyant le geste spontané qu'elle avait eu, elle baissa les yeux et rougit, gênée.

— Et bien oui, je suis enceinte. Mais ne dis rien s'il te plait. Tu es la seule à être au courant avec le papa. Nous nous sommes mariés dans le secret, pour l'instant.

Je restais bouche bée avant de lui faire un nouveau câlin, mais de joie cette fois-ci.

— Félicitation ! Tu mérites tout ce bonheur ! Par contre je risque de plomber l'ambiance, mais tes parents ?

Elle pinça les lèvres, contrariée.

— Je ne compte pas leur dire de sitôt. Sinon j'ai peur de ce qu'il peut arriver. Ils pourraient se servir de nous pour tenter d'asservir l'Académie à la royauté, avec les dommages qu'ils pourraient causer. Klearn est prêt à renoncer à son titre pour moi, mais il n'a pas de successeur. Et malheureusement, je ne peux plus renoncer au mien ...

— Mais Syrae, tu ne pourras rester cloîtrée avec ton enfant à l'Académie. Il faudra bien qu'ils l'apprennent.

— Le plus tard possible.

Son ton était définitif et sans appel. Je ne pouvais que la soutenir dans sa décision.

— Tu as besoin de te reposer avant de partir ?

— Je sens que tu as besoin de te mettre en chasse. Tant que nous ne galopons pas toute la nuit, ça devrait aller.

Je la regardais, dubitative, mais elle seule savait comment son corps réagissait. J'espérais juste qu'elle saurait m'arrêter à temps car quand il s'agissait de mon amour, j'étais loin d'être raisonnable.

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