Chapitre 5

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Il éclata de rire ce qui transforma son visage, encore plus lumineux et fascinant. J'en restais bouche bée, presque à en oublier ma question.

— Malheureusement tu risques de devoir t'y mettre aussi. Après tu auras peut-être de la chance, chaque Doté a une façon à lui d'appeler l’Ambus, ce que tu appelles la magie.

Il s’assombrit avant de poursuivre.

— Malheureusement, il est de plus en plus difficile de faire appel à l’Ambus et de moins en moins de Dotés naissent. Or il est important qu’elle continue à exister. Pour ce que nous en savons, l’Ambus est générée par la friction des univers, leur interaction, comme un trop plein d'énergie qui est ensuite mis à notre disposition. Et c’est l’Ambus qui donne la vie. Qu’elle soit sous une forme ou sous une autre. Si une poussière se met dans le rouage, les mondes arrêteront de bouger et l’Ambus finira par s’épuiser.

— Attends il n’y a pas que le terre et l’Ether ? Est-il possible que la part d'Ambus soit trop importante en augmentant les interactions entre les mondes ? Ça ne ferait pas une grosse réserve d’Ambus ?

— Une question à la fois, s’amusa-t-il. Il est censé y en avoir pleins mais certaines portes ont été fermées. Nous ne savons pas jusqu'où peut être poussé la génération d'Ambus car personne n'a jamais réussi à interagir pour une augmentation. En revanche, en fermant trop de portes entre les mondes, en ne respectant pas les écosystèmes locaux, les cultures, il est facile d'y mettre un grain de sable.

— Comment ça se finit si les mondes se polluent et qu'il n'y a plus d'échanges ?

— Tu vois la catastrophe qui a tué vos dinosaures ? C’est un aperçu... Ne serait-ce que dans ton monde, ne vois-tu pas ce qu'il se passe ? Les extinctions de masse, le nombre de catastrophes naturelles, ... Et dans chaque monde il y a des choses telles que celles-là qui arrivent.

Je restais dubitative sur ce qu’il m’avait raconté. Je n’avais aucune preuve de tous ça. Je n’étais pas certaine de sa santé mentale. De la mienne non plus d’ailleurs. Mais encore chez nous certains pensaient que la terre était plate alors bon ... Apparemment ça se voyait sur mon visage.

— Je comprends qu’avec tout ce qui vient de te tomber dessus tu aies du mal à me croire. Et en même temps, est ce que c’est plus dingue que ce que tu viens de vivre ?

J’esquissais un sourire gêné, il me perçait trop facilement à jour.

— En effet il va me falloir un peu de temps pour m’y faire. Je te rappelle qu’il y a une semaine j’étais une adolescente quasiment ordinaire et je me retrouve dans un monde parallèle. Alors ajoute ça à des théories pires que le christianisme ... répondis-je en haussant les yeux. Tu peux faire apparaître ce que tu veux comme ça ?

Les mains sur les hanches, je regardais la tente avant de reprendre.

— Parce que je m'attendais à une petite tente Quechua et on se retrouve avec la grande tente canadienne, et déjà montée. Tu comptes la faire disparaître de la même façon demain matin ?

— Il y a des limites. Je ne peux rien faire apparaître de vivant par exemple.

— Et notre diner ?

— Je devrais pouvoir faire quelque chose pour ça.

— Depuis ce matin j'aurais pu te demander n'importe quoi à manger et en fait je me suis contentée que d'un peu d'eau. Tu aurais quand même pu me prévenir.

Vu la tête qu'il fit, j'eus l'impression de dire une connerie.

— Ca demande beaucoup d'énergie de faire ça. J'ai fait ça parce que je savais qu'on allait dormir. Dans une demi-heure je vais tomber endormi. Il faut donner de soi pour avoir tout ce que l'Ambus a à nous offrir, ce n'est pas totalement gratuit. Tu as une certaine réserve en toi et tu dois régulièrement te régénérer.

— Ah je ne savais pas. Je pensais que le sang c'était déjà pas mal.

La nuit fut paisible. Vu le peu de passage, Ash n'estima pas nécessaire d'établir un tour de garde, il préférait que nous soyons frais et dispos pour attaquer la prochaine journée de marche. Il m'expliqua qu'il allait lancer un sort d'alerte qui nous préviendrait si un individu s'approchait trop près de la tente.

Je le trouvais cerné et malgré mes protestations pour le préserver, il nous invoqua un repas plus que décent. Uber eat n'avait qu'à bien se tenir, ils ne pourraient jamais atteindre une telle qualité de service. A peine son repas avalé, il s'allongea et plongea dans les bras de Morphée.

J'avais beau avoir enfilé mes meilleures chaussures, j'avais mal. Je massais mes pieds endoloris avec une crème hydratante que j'avais embarquée dans mon sac à dos. L'odeur me rappelait la maison. Je levais de yeux larmoyants vers le coucher de soleil. Nous n'avions jamais été séparés avec mes parents, et aujourd'hui, je me sentais vraiment seule. Pensaient-ils à moi ? J'espérais qu'ils ne s'inquiétaient pas trop. Je me demandais quelle heure il était là-bas, comment s'était passé leur journée. Je n'étais même pas sûre que le temps passe de la même façon ici et là-bas.

Qu'est-ce que c'était que cette histoire ? Trois lunes apparurent avec l'obscurité. Le ciel était constellé d'étoiles. Comme il n'y avait aucune pollution lumineuse, elles ressortaient magnifiquement sur ce tapis de soie noire. Je ne sais pas combien de temps je restais là à contempler la voûte stellaire avant de me résigner à aller me coucher. Depuis combien de temps j'étais en route ? J'étais incapable de le calculer, de même que le nombre de kilomètres parcourus. Et pourtant, je me sentais bien, à ma place sous ce ciel étoilé.

Le lendemain je me réveillais fraîche (enfin presque) et dispo dans une tente vide. Où était-il passé ? Je ne l'entendais pas dehors. Je m'étirais en baillant. Bâillement qui se transforma aussitôt en grimace. Des muscles inconnus au bataillon se rappelaient à mon bon souvenir. Je regrettais à ce moment de ne pas être plus sportive. J'aurais moins subi. La route allait être longue.

J'avais dormi en sous vêtements et je me rhabillais rapidement sous les couvertures. En espérant qu'Ash ne rentre pas à ce moment-là. Mes dessous n'avaient rien d'affriolant mais c'était pour le principe. Et vu comment je dormais enrubanné comme une momie, il n'avait rien pu voir de la nuit. Il m'attendait assis devant notre tente, déjà prêt à partir. Après les salutations d'usage et le démontage express de notre logement, nous nous remîmes en route. Au début, je marchais beaucoup moins vite que la veille.

— Ça va Ellie ? Tu es à la traîne et il nous reste encore pas mal de kilomètres, me questionna Ash.

— Mal aux pieds, grommelais-je. Et t'es mignon mais c'est quoi pas mal ? 10 ? 100 ?

— Tu me trouves mignon ?

Ce flirt innocent me fit sourire. De toute façon, il était trop vieux pour moi.

— Hum tu es pas mal dans ton genre en effet. Mais tu n'as pas répondu à ma question.

— C'est intéressant à savoir. Pour ce qui est des kilomètres, je pense qu'à ce rythme, il reste trois jours de marche.

Je gémis comme un animal blessé. Et si je m'asseyais là et que j'y restais, c'était pas mal non ? Mouais non j'allais me dessécher sur les cailloux. Pas un seul nuage, ni aucune goutte pour nous rafraîchir. Condamnée à mourir déshydratée, pas top.

D'un coup, j'eus l'impression de voir un mirage, comme s'il y avait des habitations devant nous. Je n'en distinguais qu'une silhouette.

— Ash, je rêve où il y a des habitations là-bas ?

Il leva le nez pour regarder dans la direction que je lui indiquais, index tendu.

— Ce sont les nomades. Allons les voir. Ils pourront peut-être nous aider à rejoindre la frontière.

Il me détailla de la tête au pied avec un sourire narquois.

— Et ils auront certainement aussi de quoi t'habiller.

— Sympa ta façon de dire que je ne ressemble à rien.

Il s’esclaffa, ce qui redonna un peu de gaieté à notre situation.

— Pas du tout ! C'est que ton style est un peu trop ... Terrien, pour l'endroit où nous nous rendons. Les nomades ont l'habitude des bizarreries de cette contrée mais pas les autres Etherriens. Tu serais tout de suite repérée et ce n'est pas judicieux. Il faut d'abord te former.

— Mais Ash, tu ne pourrais pas commencer à me former toi ?

Il pencha légèrement la tête sur le côté, comme s'il réfléchissait à la réponse qu'il allait me donner. Une mèche blanche tomba devant son œil, ma main me démangeait de la repousser.

— J'aimerais bien, mais je ne peux pas. Tu as un sceau sur tes pouvoirs et je ne peux prendre le risque de le briser.

Je me mordais la lèvre, perdue dans mes pensées.

— Et les armes ? Pas besoin de magie pour ça non ?

— Tu es sûre que c'est ce que tu veux ? me questionna-t-il.

— Si comme tu le dis, tu as une réserve d'Ambus en toi qui doit se régénérer, je préfère être prudente et ne pas me fier qu'à ça pour me défendre. Alors si je ne suis pas trop épuisée, et toi non plus, j'aimerais que tu me montres.

Le voyant hésiter, j'ajoutais avec mon regard de biche blessée :

— S'il te plait ?

Et là, je manquais de faire une danse de la joie quand il acquiesça d'un signe de tête.

Le ciel commençait à s'assombrir quand nous arrivâmes au niveau des nomades. Saleté de mirages qui me faisait les croire toujours plus près. Ce que j'avais d'abord pris pour des habitations étaient en réalité des grandes tentes noires et assez basses. Il devait faire une de ces chaleurs-là dessous. On entendait des rires d'adultes et des cris d'enfants. Le repas devait déjà être en train de cuire au vu des colonnes de fumée s'échappant vers les cieux.

Il n'y avait aucun garde, comme si rien ne pouvait les attaquer ou les surprendre. Nous entendîmes la rumeur de la présence de visiteurs se propager dans tout le campement. C'est avec des sourires que nous fûmes accueillis. On ne nous adressa pas un mot en nous conduisant vers la plus grande des habitations. Ash m'avait expliqué qu'aucun d'entre eux ne pouvait nous parler tant que le chef ne l'avait pas fait. A croire que le prestige de l'uniforme c'était partout pareil. Ils n'étaient pas très grands, peu d'entre eux me dépassaient. Au dessin de leurs muscles et de leurs mains, on voyait tout de suite que c'était un peuple fier et courageux qui se dépassait pour vivre sur une terre qui ne voulait pas vraiment d'eux. Je voyais quelques chèvres par-ci par-là, mais je me demandais bien ce qu'elles pouvaient brouter dans ce désert.

— Bienvenus à vous étrangers, répondit-il avec un accent à couper au couteau.

Nous étions arrivés devant le chef. Ash et moi répondîmes en même temps puis je laissais Ash mener la conversation. La plupart de ceux que nous avions croisés avaient le teint mat et des cheveux foncés. Le chef ne faisait pas exception à la règle, seul détail troublant : il avait les yeux vairons.

— Pourrions-nous profiter de votre hospitalité ce soir et si oui, quel est votre prix ? Auriez-vous également des vêtements à acheter pour ma compagne ?

Au moins il n'y allait pas par quatre chemin. Ce qui m'étonnait c'est que je comprenais ce qu'ils disaient. Je devrais lui poser la question plus tard.

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