Chapitre 1

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— Elisabeth ! Dépêche-toi tu vas être en retard, cria ma mère.

Mes deux yeux s'ouvrirent brusquement avant que ma bouche n'articule quelques mots.

— T'inquiète je suis réveillée maman !

J'entendis un petit rire. On savait toutes les deux que sans elle je serais encore en train de dormir. Je jetais un coup d'œil à mon réveil. 7h30. J'avais intérêt à me grouiller. Première rentrée et premier jour dans cette nouvelle école, je devais être au top.

Après six déménagements en huit ans, je commençais à avoir l'habitude. Pour autant, je ne pouvais empêcher mon estomac de se tordre. C'était toujours un moment d'appréhension. Comment serait ma classe ? Les profs ? Arriverais-je à me faire des amis ? Ou tout du moins des connaissances, parce qu'en bougeant autant, c'était compliqué de conserver de vraies relations. Ça me désespérait un peu mais bon, on s'y habituait, je n'avais de toute façon pas le choix.

Mon père était militaire. Pour ce que j'en savais, il devait être dans les forces spéciales ou quoi. Il lui arrivait de disparaître quelques mois et chaque fois que nous déménagions, nous avions une nouvelle identité. Ça aussi il fallait s'y faire pour ne pas se tromper. Au point que des fois je me demandais comment je m'appelais vraiment. Ma mère était institutrice, en général elle trouvait assez facilement du travail. Elle faisait essentiellement des remplacements.

Je sortis du lit en frissonnant. Ma chambre était fraîche. Nous étions début septembre, pas encore le moment de rallumer le chauffage même si, perso, j'avais déjà froid. J'attrapais les habits que j'avais préparés sur la chaise à côté de mon lit avant de filer dans la salle de bain.

Nous n'étions arrivés que deux semaines plus tôt. De ce fait, une bonne partie de nos affaires étaient encore en cartons. Mes parents m'avaient promis que nous irions acheter de quoi repeindre ma chambre et de nouveaux meubles. Mais nous n'avions pas encore eu le temps. Surtout avec toutes les affaires à préparer pour la rentrée.

La douche bien chaude m'aida à me réveiller. Je pris soin de bien me sécher les cheveux avant de m'habiller. Un petit coup de mascara et de crayon et hop. Je m'arrêtai devant le miroir pour admirer le résultat. Des baskets blanches, des collants couleur chair, une jupe évasée grise qui m'arrivait au genou, un petit pull rose pâle. Mes yeux marron étaient légèrement soulignés et mes cheveux blonds retombaient parfaitement sur mes épaules. J'étais prête à affronter cette nouveauté. Je descendis les marches en trombe.

— Ellie ! Ne va pas si vite ! gronda mon père. Il ne manquerait plus qu'on doivent t'amener à l'hosto !

Toujours en train de ronchonner ! Je fis un bisou sur la joue de mes parents en leur disant bonjour. Ma mère avait déjà tout préparé : mon pain avec de la pâte à tartiner attendait à côté de mon chocolat chaud. C'était en quelque sorte notre rituel avant chaque rentrée. Nous savourions notre petit déj' tous les trois.

J'étais fille unique. Mes parents avaient galéré à m'avoir. Et pour ce que j'en savais, ils n'avaient jamais retenté l'expérience. A croire qu'ils avaient eu la perfection du premier coup !

— Aller je me sauve pour être à l'heure au bus.

— A ce soir ma chérie, amuse-toi bien, m'encouragea ma mère en me serrant brièvement dans ses bras.

— Bon courage mon cœur, ajouta mon père.

Beaucoup moins optimiste lui, il se prit d'ailleurs un petit coup de coude de la part de ma mère qui le fusillait des yeux. Je pouffais à leur échange.

Cette année, j'entrais en première. J'allais avoir 16 ans dans quelques jours. J'arrivais juste à temps pour attraper mon bus. Au moins je ne devrais pas demander à mes parents de me conduire. Certes, ma mère n'avait pas encore été appelée mais si je pouvais éviter de la déranger, c'était quand même mieux.

Je trouvais une place près d'une fenêtre, il n'y avait pas grand monde. Ce n'était pas plus mal, je comatais encore. Je regardais quand même autour de moi pour repérer ceux qui pouvaient être dans ma classe avant de revenir à ma musique. Les écouteurs vissés aux oreilles, je restais attentive au trajet, je ne voulais pas louper l'arrêt dès le premier jour. Je savais qu'il desservait plusieurs établissements. Comme nous étions passés devant le mien la veille, je ne risquais pas de manquer mon arrêt.

Je rejoignis les autres élèves agglutinés devant un panneau d'affichage pour voir leurs classess. Je réussie à me faufiler entre eux pour repérer la mienne. C'était un de mes dons ça, je me glissais aisément où je voulais aller. Ça avait pu me jouer des tours parfois mais bon. Quand vous arriviez directement, vous avez moins le temps de voir venir les conneries ou de sentir les embrouilles où vous vous embarquez. J'avais malheureusement tendance à agir avant de réfléchir.

La foule ne me dérangeait pas, je savais pouvoir en sortir quand je voulais donc pas de raisons de me sentir oppressée.

J'étais en première Gamma. Je plaignais les premières Bêta dites donc ... Ils n'avaient pas réfléchi avant de faire les noms des classes ? On en avait vu se faire emmerder pour moins que ça. Je secouais la tête dépitée pour eux. Après chacun sa merde.

En attendant la sonnerie, j'examinais plus en détail le bâtiment. Il n'avait rien de très sexy. C'était un grand rectangle percé de nombreuses fenêtres pour les salles de cours. L'établissement semblait simple et propre, on sentait qu'on était là pour bosser mais sans ressentir de pression.

Ce n'était pas comme certains endroits où j'avais été. Où rien que le bâtiment vous interdit d'échouer. Vous comprenez directement que vous entrez là pour devenir l'élite de demain. Ces endroits où on exige tout de vous mais parce que demain ce sera vous qui exigerez de la société. Autant dire que je me sentais mieux là où j'étais tombé. J'étais plutôt bonne élève, dans la moyenne haute, sans pour autant devoir bosser beaucoup pour en arriver là. Et je n'aimais pas qu'on me prenne de haut. Ici ça ne devrait pas arriver. Enfin sauf peut-être par les deux filles qui se prenaient pour les plus bonnes du lycée et qui était déjà en train de me jauger. Ou me juger, je n'en étais pas encore sûre. Dans le doute, je leur esquissai un sourire, réservé mais franc. C'était la première règle, ne pas se laisser intimider.

Je me rendis devant ma classe avec un peu d'avance. Quand notre prof ouvrit la porte, je me glissais près de la fenêtre et du chauffage. On ne savait jamais si ça allait être notre place pour toute l'année, autant prévoir. La pièce se remplit petit à petit. J'eus droit à de nombreux coups d'œil curieux, mais bienveillants. Je restais seule sur ma table jusqu'à ce qu'une fille vienne s'asseoir à côté de moi.

— Salut, moi c'est Justine et toi ?
— Salut Justine. Elisabeth, enchantée, répondis-je avec un grand sourire.
— Pareil ! Tu es nouvelle ? Je ne t'ai jamais vu ici.

Ah ! La curieuse ! Je me demandais justement quand elle allait me tomber dessus.

— Et oui ! Nous venons d'arriver il y a deux semaines.
— D'accord ! Ça va ce n'était pas trop dur de quitter tout le monde et d'arriver à un nouvel endroit ?

Je balayais sa question d'un revers de main.

— Oh j'ai l'habitude de bouger donc on s'y fait.
— Ah oui ? Tu fais ça souvent ?

Je hochais la tête en espérant qu'elle ne creuse pas plus. J'avais interdiction de parler de tous les endroits où nous avions été et pourquoi. Une question de vie ou de mort semble-t-il. Et je ne voulais pas mettre mes parents en danger. J'avais pris l'habitude d'être évasive dans mes réponses.

Parfois je les entendais s'engueuler quand ils pensaient que je dormais. Ma mère disait qu'il fallait me dire toute la vérité et mon père que ça ne ferait que me mettre encore plus en danger. Même si ça me démangeait, j'avais compris au fil du temps que ça ne servait à rien d'insister et que j'aurais les infos en tant voulu.

Notre prof pris la parole à ce moment-là et je la remerciais silencieusement.

— Bonjour à tous, bienvenue pour cette nouvelle année scolaire. Je suis Madame Regnard, votre professeure principale et votre professeure de Chimie. Nous accueillons une nouvelle élève, Elisabeth Gachet. Elisabeth, pourrais-tu te présenter s'il te plait ?

D'un coup, je l'appréciais beaucoup moins. Je n'aimais pas être sur le devant de la scène. Je priais pour ne pas devenir rouge et me souvenir des détails de ma soi-disant vie pour ne pas éveiller les soupçons. Je ne dis que le strict minimum, comme à Justine.

Le reste de la journée se passa très bien, ma classe était cool, mon emploi du temps pas si mal que ça. Je pus rencontrer pas mal de monde, j'avais été mauvaise langue sur Justine. Elle n'était pas juste curieuse, elle s'intéressait vraiment à moi et me pris sous son aile pour que je me sente bien dans ce nouveau lieu.

J'avais hâte de rentrer pour pouvoir tout raconter à mes parents, et les rassurer. Car eux aussi s'inquiétait à chaque fois pour cette première journée. Ma mère m'avait préparée mon plat préféré : des lasagnes maisons. Elle n'en faisait pas souvent car c'était long à faire mais quel régal !

Pour autant je la trouvais soucieuse. A chaque déménagement elle stressait un peu mais là c'était à un autre niveau. Elle ne m'écoutait que d'une oreille et me répondais par des « hums hums » laconique tout en jetant en permanence des coups d'œil vers la porte.

— Dis-moi ma chérie, tu n'as rien remarqué de bizarre aujourd'hui.
— Euh non pourquoi ?
— D'accord. Tant mieux. S'il y a quoi que ce soit, tu nous le diras n'est-ce pas ?
— Laura ! Laisse Ellie tranquille avec ça, elle sait ce qu'elle doit faire quand même, intervint mon père.

Je leur lançais un regard surpris. Mon père nous avait déjà plusieurs fois fait répéter la procédure « en cas d'urgence ». Je me demandais bien ce qu'ils me cachaient tous les deux. Ce soir, je tendrais l'oreille, pas de doutes qu'ils allaient en parler à nouveau.

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