8 rue de la Chocolaterie

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Avec le soutien de  Jerem la plume, Mlle_Evangeline, Nathan 
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Image de couverture de 8 rue de la Chocolaterie

 « RDV au 8 rue de la Chocolaterie dimanche à 21h13. Je porterai un manteau rouge. » Firmin n’arrête pas de lire et relire le petit mot trouvé dans la poche de son jean. Pas de nom, pas de numéro de téléphone. De quel dimanche parle-t-on ? L’auteur semble à cheval sur les minutes et à califourchon sur les jours. Un détonant mélange de précision extrême et d’approximation. Pourquoi tant de mystère ?

 Firmin n’a personne dans sa vie. Lui qui souffre d’un début de calvitie et qui affiche d’exubérantes dents de lapin est tout étonné d’avoir une admiratrice secrète. Enfin, rien n’indique qu’il s’agit d’une prétendante mais de quoi s’agirait-il sinon ? Non, un petit mot, glissé discrètement dans la poche de son pantalon, ça ne peut qu’annoncer un rendez-vous galant. Et puis, cette écriture ronde, discrète, ces lettres qui semblent toutes se tenir par la main, c’est forcément l’œuvre d’une femme. Firmin l’imagine rousse, avec des courbes de guitare, un petit nez retroussé, les yeux tristes couleur d'améthyste de Liz Taylor, les lèvres appétissantes et… une petite cicatrice en forme d’étoile filante sur la joue. Louise. Pourvu que ce soit Louise ! Cela fait quelques années déjà que Firmin en pince pour sa callipyge collègue. Depuis qu’elle l’a rejoint à la charcuterie en fait. Entre les bobos qui ne venaient plus que pour lui acheter du persil et ceux qui ne savait pas faire la différence entre une bavette d’aloyau et un onglet d’agneau, Firmin avait frôlé la crise de nerfs. Mais tout semblait si fluide depuis l’arrivée de la pétillante Louise. Elle avait le sourire rivé aux lèvres, la patience d’un bonze et elle semblait chanter à chaque fois qu’elle prenait une commande. Elle avait tout bonnement transformé la charcuterie Firmin & co en studio de comédie musicale. Il y a quelques jours, elle a ressorti son manteau d’hiver. Rouge cerise. C’est forcément elle l’auteure de la note !

 Ah Louise… Lorsqu’elle rit, c’est comme une symphonie de bulles de savon qui explosent. Ses yeux se ferment, comme s’il fallait faire taire un sens pour laisser la place à son gigantesque rire. Mais ce ne sont jamais les blagues de Firmin qui provoque son hilarité. Raymond, le boulanger, est bien plus doué à ce jeu-là. Firmin l’embrocherait bien celui-là. Avec ses moustaches de baron et son air suffisant. « Non, ce n’est pas mon humour qui transcende Louise » pense notre clairvoyant Firmin. Alors quoi ? « Mon physique ? Certainement pas. Mon intelligence alors ? Je n’en suis pas dénué d’après mes parents… » Non, la vivacité d’esprit de Firmin, ce n’est clairement pas quelque chose que l’on remarque tout de suite. Plus les minutes passent, plus notre homme est perplexe. D’où vient cette attirance alors ? Il a récemment lu dans un magazine scientifique que le désir amoureux est une affaire de phéromones. Peut-être que son odeur lui plaît ? Et puis, Louise regarde tout le monde de la même manière. Vous pouvez lui mettre en face un ado attardé, Obama, un supporter de l’OM, un chiot, ou un meurtrier récidiviste, son regard sera toujours celui de la curiosité et de la bienveillance. Alors, peut-être voit-elle des choses en Firmin que même lui ignore ? Rassuré par cette idée, Firmin décide d’arrêter le flux de ses pensées là et d’attendre l’entrevue. Après-tout, il saura bien assez vite ce qu’elle lui trouve. Trois petits jours. Le temps qu’il faut pour aller jusqu’à la Lune. Mais même dans une fusée, sans wifi et avec de la nourriture en sachet matin, midi et soir, le temps doit paraître moins long. C’est ce que se dit Firmin. Il continue de frôler Louise tous les jours au travail, de tailler des carcasses en la bouffant des yeux, mais il ne lui dit rien sur leur rendez-vous secret. Il ne voudrait pas tuer le romantisme.

 Le dimanche arrive, Firmin se fait beau. Enfin, il fait son possible. Il hésite à mettre un peu d’Eau de Cologne mais il ne voudrait pas brouiller les phéromones. Il traverse Marcq-en-baroeul en se prenant pour Tony, dans La fièvre du samedi soir. Mais lorsqu’il arrive rue de la Chocolaterie et qu’il aperçoit le manteau rouge, Firmin sent le sol se dérober sous ses pieds. Il imagine le fou-rire de Louise si elle assistait à la scène. Les lampadaires de la rue n’y résisteraient pas c’est certain. Le boulanger à la moustache dalinienne se tient devant lui. Les joues aussi écarlates que sa parka, il lui sourit.

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8 rue de la ChocolaterieChapitre5 messages | 6 ans

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