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2 minutes de lecture

J’erre comme un vagabond dans ces contrées sauvages.

Je ne vous dis pas que les premières années furent faciles car j’ai une déformation prénatale au pied gauche, et je n’étais pas un randonneur aguerri lors de mon arrivée, mais je constate que mon corps s’est finalement bien adapté aux longues marches nécessaires pour trouver eau et nourriture. Vu l’absence de prédateurs concurrents, j’ai accepté ce handicap avec le temps.

Malgré la faible teneur en oxygène à ces altitudes, je gravis à présent les plus hauts sommets sans m’essouffler et dévale les pentes ocres et caillouteuses comme un lama.

J’ai construit différents abris dans l’altiplano où j’aime me déplacer saison après saison. Ce nomadisme me renvoie à l’état originel de l’homme primitif. Cette vie ancestrale au rythme lent m’apaise.

La plante de mes pieds s’est d’ailleurs épaissie et les poils recouvrent une grande partie de mon corps m’offrant ainsi une isolation supplémentaire aux changements de température, vertigineux ici.

Ma vue reste perçante, malgré mon âge, affûtée à détecter le moindre mouvement d’une proie potentielle sur les rochers.

L’ouïe, je ne saurais dire, car le silence omniprésent assourdit tout, mais je distingue toujours clairement le bruit de mes pas sur l’herbe rase des plateaux et le cri d’un condor à plusieurs kilomètres.

J’ai cependant détecté que ma bouche perdait sa fonction salivaire, je parle donc seul désormais, pour éviter ce déclin.

Mentalement, je garde mes propriétés intellectuelles, enfin je n’ai pas de recul ni de données scientifiques sur ce point, mais je n’ai pas l’impression d’une régression. Via mes expériences de survie en pleine nature, j’ai appris à suivre d’avantage mon intuition, ce qui compense la sous-utilisation de mes facultés de raisonnement.

Je vis dans l’instant de chacun de mes pas, suivant la course du soleil. En harmonie avec mon environnement, si rude et décharné soit-il.

Oui, ma journée se résume à marcher. Je crois bien d’ailleurs m’être sauvé par ce biais de la dépression.

Cependant je dois vous avouer qu’un aspect m’inquiète mais je ne parviens pas encore à déterminer quoi.

J’ai toujours bien supporté la solitude et ce n’est donc pas cela. J’ai pu procréer, remplissant ainsi ma fonction génétique primaire. J’ai des souvenirs de ma vie d’avant auxquels me raccrocher et je suis en paix avec mon choix de vie.

Non c’est que… Je n’ai pas pleuré depuis 5 ans, pas ri non plus, ni ressenti d’amour. Mes émotions sont en sourdine. Mon cœur est comme gelé.

L’absence de congénère limite les conflits et l’interaction, inévitablement, mais…

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