18 : Bliss (partie une) [12]

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Camaret-sur-Mer, deux mois plus tard

— T’es sûre que c’est pas trop serré ?

— Mais non ! Combien de fois il va falloir que je te dise que tu es parfaite ?

— C’est pas drôle Mathilde, j’ai l’impression de ressembler à une baleine !

— Sincèrement, on ne peut même pas deviner que vous êtes deux dans cette robe !

Ma meilleure amie explose de rire. Je n’arrive pas à me détendre, contrairement à elle.

— Et Léo, il est arrivé ?

— Toujours pas… Je peux le rappeler, si ça te rassure ?

— Je veux bien, oui. Sans les alliances, impossible de commencer.

— Il doit être en retard, comme d’habitude, ne t’inquiète pas !

— Génial, le seul jour où il devrait être à l’heure, il réussit à ne pas l’être…

Le stress est au maximum. Pour la dixième fois, je replace une mèche de cheveux bouclée derrière mon oreille. J’ai l’impression que je ne vais jamais tenir jusqu’à la cérémonie. Pour me calmer, je pose une main délicate sur mon ventre. Hier, je l’ai senti bouger pour la première fois. Je n’avais jamais éprouvé une telle émotion. Mes petits cris ont attiré Grégoire qui est arrivé en courant pour s’assurer que tout allait bien. J’ai guidé sa main jusqu’à moi et il s’est soudain tu. Son silence s’est rempli de larmes de joie et d’un bonheur éclatant. Mais aujourd’hui, tout est différent. Je suis à fleur de peau, à la fois nerveuse et plus épanouie que jamais. Un mélange détonnant. Ce qui est certain, c’est que je suis en colère contre Léo. Grégoire a insisté pour lui confier une mission importante, comme une preuve de son amitié. Sauf qu’il n’est pas foutu d’être sérieux, rien qu’une fois dans sa vie. Cette girouette s’est peut-être égarée sous les draps en satin d’une fille de passage. Non, pas possible, pas après ce que Mathilde m’a annoncé la semaine dernière. En effet, Léo a laissé une valise chez elle. Quelques affaires, pas grand-chose, mais c’est une immense avancée pour elle. Je cherche du bout des doigts mon bouquet de fleurs blanches. Tant pis s’il n’est pas là, je ne peux plus attendre.

***

— Est-ce que Grégoire est là ?

— Oui ma puce, il est droit devant, il t’attend.

— Dis papa, est-ce que tu peux me décrire son visage ?

— Il a l’air heureux, très heureux, c’est tout ce que je peux te dire…

— Ça me suffit, merci ! Et maman ?

— Tu la connais, elle est déjà en pleurs. Heureusement que Mathilde a prévu une double réserve de mouchoirs pour elle !

Un sourire se dessine enfin sur mes lèvres à l’idée de ma mère et ma meilleure amie en larmes ensemble. Je souffle un grand coup et commence à avancer vers l’autel au bras de mon père. La musique résonne en écho sur les murs de l’église. Je n’ai qu’une seule hâte : glisser ma main dans celle de l’homme qui va devenir mon mari. J’entends le murmure des conversations qui se taisent sur mon passage. Et puis, le contact que j’attendais tant. La chaleur de Grégoire qui se transmet dans mon corps. Je suis enfin à ma place. Le prêtre commence son discours et, imperceptiblement, nous nous rapprochons. Nos épaules se frôlent, désireuses de ne former plus qu’une. J’aimerais tellement croiser son regard, pour y puiser tout l’amour qu’il me porte et le lui rendre. A défaut, je serre ses doigts encore plus fort entre les miens. Dans quelques instants, tout va changer…

— Moi, Grégoire Roncourt, déclare te prendre toi, Angie Villaret, pour épouse légitime, à partir de ce jour, pour le meilleur et pour le pire, dans la richesse et dans la pauvreté, dans la santé et dans la maladie, pour t’aimer et te chérir jusqu’à ce que la mort nous sépare.

— Moi, Angie Villaret, déclare te prendre toi, Grégoire Roncourt, pour époux légitime, à partir de ce jour, pour le meilleur et pour le pire, dans la richesse et dans la pauvreté, dans la santé et dans la maladie, pour t’aimer et te chérir jusqu’à ce que la mort nous sépare.

— Vous allez pouvoir échanger les alliances, que le témoin s’avance !

Un silence se fait dans l’église. Je comprends que quelque chose ne va pas. Léo… Il n’est toujours pas là. Je me tourne vers Grégoire, déjà prête à un sermon innommable. Je suis interrompue par des pas précipités qui se font entendre près de nous.

— Désolé vieux, j’ai crevé avant d’arriver ici ! Tu savais que les roues de cabriolet étaient aussi chiantes à changer toi ? annonce Léo, essoufflé.

Je soupire, énervée mais aussi soulagée par cette arrivée impromptue.

— Léo… On est en pleine cérémonie, le rabroue Grégoire. Tu as les alliances ?

— Ah oui, les bagues, elles sont là, quelque part, deux secondes…

L’assemblée rit nerveusement en voyant le jeune homme retourner sa veste dans tous les sens, mais moi, je suis sur le point de craquer.

— Tadam ! claironne enfin Léo, après de longues secondes.

— Nous pouvons y aller cette fois ? demande gentiment le prêtre.

— … Oui ! répondons-nous en chœur.

Ensuite, tout se passe très vite. Le fin anneau doré rejoint mon doigt. Je tâtonne à mon tour pour passer le sien au doigt de Grégoire. Notre baiser s’éternise un peu plus que nécessaire, mais personne ne nous en tient rigueur. Au contraire, des applaudissements gonflent dans l’assemblée jusqu’à nous emporter. Ensemble, nous redescendons l’allée d’un même pas, jusqu’au parvis de l’église. Des bras m'enserrent de toutes parts tandis que des pétales de fleurs flottent encore dans l’air. Il y a quelques heures, je n’étais qu’une femme parmi tant d’autres, une minuscule destinée perdue dans l’immensité du monde. Mais désormais, je suis la femme d’un homme, la femme de Grégoire. La famille dont j’ai toujours rêvé au fond de moi est en train de naître, de s’épanouir et de grandir. Le vide glacial qui envahissait mon cœur est enfin comblé, il déborde d’amour pour lui, pour notre enfant. Et je sais que tout ce qui viendra ne sera que du bonheur. La souffrance est loin maintenant, je peux enfin lui dire adieu. Je suis heureuse…


[12] : Bonheur

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