Prélude

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Ses yeux émeraude fixaient intensément le ciel du haut de l’immense tour de ce château.

Ses mains étaient posées sur le rebord de la fenêtre et son regard ne cillait pas. Elle interrogea avec légèreté :
— Dis-moi, Adrian, à ton avis, de combien le ciel est-il paré d’étoiles ?
L’homme se tenait derrière elle, les mains dans le dos.
— Je ne sais pas, avoua-t-il.
— Tu ne sais pas, répéta-t-elle en l'effleurant du regard. Moi non plus, reconnut-elle, tel un aveu de faiblesse.
Elle retourna à sa contemplation et continua :
— J’ai reçu un signe, la nuit dernière.

Elle avait dit cela avec tant d’assurance qu’Adrian sentit ses lèvres frémir, et il l'interrogea, soudain piqué par la curiosité :

— Quel genre de signe, madame ?

— Je t’en prie, Adrian.

Un sourire nerveux fit trembler tout son visage.

— Appelle-moi, Mélinda.
Elle poursuivit, n’attendant pas de réponse :

— J’ai convié le Gouverneur pour lui en faire part. Qui sait ? Peut-être que, dans sa bonté, il te laissera y assister ?
Adrian n’eut pas le loisir de répondre. Le Gouverneur entrait, tout de parures dorées vêtu. Sans doute ne voulait-il surtout pas que l'on oublie son identité.

Il s’avança et arriva sur la terrasse sur laquelle il était attendu.
Ses yeux bleus toisèrent tantôt Adrian, tantôt Mélinda. Ses cheveux blond platine tiraient vers le blanc sous les rayons de la lune. Sans doute, le temps y était aussi pour quelque chose.
Il se tourna vers Adrian et interrogea :
— Cela vous ennuierait-il de nous laisser seuls, un moment ?
Au ton employé et à la dureté de son regard, Adrian comprit facilement qu’il n’avait pas le choix.

Aussi, ne répondit-il pas. Et, bien que cela le froissa, il ne laissa rien paraître. Il avait toujours servi le Gouverneur, depuis qu’il l’avait recueilli, encore enfant, et élevé presque comme un fils. Il l’avait défendu, même dans l’indéfendable et avait juré de toujours le servir, au point d’y laisser sa propre vie. Cependant, à cet instant, la vérité était là : il ne lui faisait pas suffisamment confiance pour qu’il reste. Devant l’insistance du regard du Gouverneur, et les yeux insondables de Mélinda, Adrian marcha d’un pas lent. Il se traîna ainsi en direction de la porte qu’il referma d’un geste tout aussi lent.

— Dites-moi, Galadriel, à votre avis, de combien d’étoiles le ciel est-il paré ? interrogea-t-elle, de nouveau, les yeux toujours fixés sur le ciel.
Le Gouverneur leva ses yeux bleus une seconde, mais au lieu de se perdre dans l’infini, c'est dans la contemplation de cette femme qui se tenait face à lui, que son regard s'égara.
— Je ne pense pas que vous m’ayez dérangé, au milieu même de la nuit pour me donner un cours d’astronomie, je me trompe ?
Elle se tourna vers lui. L’esquisse d’un sourire illuminait son visage pâle. Et sous les rayons de la lune, ses yeux verts semblaient le sonder et scintiller, telles deux flammes étincelantes.
— J’ai eu un signe, Gouverneur.
— Un signe ?
Sa curiosité était piquée au vif. Et, bien qu’il fût quelqu’un qui ne croyait pas facilement, il était très intrigué.
— Et pas des moindres.

Elle se tourna de nouveau vers les sombres cieux et reprit :
— J’ai vu, au cœur même de la plus noire des nuits, une lumière scintiller. Celle de la richesse, de la gloire, de l’éternité... j’ai vu la flamme de l’or se dresser contre l’obscurité. La flamme de l’Aor.

— C’est impossible. souffla-t-il, les yeux brillants malgré lui.
Il connaissait très bien les légendes qui se contaient au sujet de l’Aor.
Cette île, si tant est qu’elle ait un jour existé, ce dont il doutait, renfermerait toutes les richesses dont un cœur puisse rêver.
— Cette Île n’existe pas et n’a jamais existé, lâcha-t-il, l’air pourtant dubitatif.

— L’Ordre des Gardiens va être rétabli, continua-t-elle sans même faire attention à sa remarque. L'innocence d’un enfant, la vue perçante de l’aigle, la rapidité du loup, l’agilité du félin, la sagesse d’un cœur et la pureté d’une âme...

L’Ordre des Gardiens. Il dévisagea cette femme dont la beauté était indiscutable et songea à ce qu’il savait. L’Ordre des Gardiens était sans aucun doute ce qui attisait le plus les rêves et les désirs dans tout le pays et bien au-delà. Mais pour ce dernier, seuls ceux qui en ont la capacité sont au courant. Les légendes sont nourries de leurs exploits parfois inachevés. Ils ont la capacité de passer inaperçus, et ce, parfois, durant toute une vie, cachant leurs exploits aux yeux du monde. Les volontés de garder le secret de leur identité, et une grande modestie sont probablement ce qui les unit et fait qu’ils sont si admirés et enviés. Le savoir est transmis de générations à générations, parfois de parents à enfants, dans le plus grand secret. Ils ont le pouvoir de voyager de leur monde, à l’Autre Monde, selon leur volonté, ce qui peut faire aussi bien des alliés que des ennemis de taille. Galadriel se souvint qu’ils prenaient parfois leurs partis dans les guerres, ce qui conduisait par ailleurs souvent à leur perte.
Il songea aux pouvoirs dont il disposerait s’il l’était. Mais il ne l’était pas. Alors il songea aux pouvoirs dont il disposerait, s’il arrivait à en attraper, ne serait-ce qu’un, voire tous.
Sans aucun doute, Mélinda avait la même idée que lui, puisqu’elle hocha brièvement la tête au moment où leurs regards se croisèrent, non sans révéler l’esquisse d’un sourire sur son visage pâle.

Galadriel ouvrit subitement la porte, laissant entrevoir Adrian, qui tentait d’écouter, debout, derrière.
— Adrian, tu tombes bien, dit-il sans même faire attention à la posture de ce dernier, collé derrière la porte.

Galadriel était bien trop préoccupé par ses pensées, pour s'en soucier.

— Rejoins-moi dans mon bureau, j’aurai une mission à te confier.
Sur ses mots, le Gouverneur s'éloigna le pas soudain léger comme si chaque enjambée le libérait un peu plus de ses pensées.
Adrian le dévisagea un instant, puis se tourna vers Mélinda dont les yeux, plongés dans les cieux, s’étaient de nouveau perdus dans une profonde contemplation.
Une contemplation qu’elle brisa cependant quand elle murmura comme pour elle-même :
Nous avons tous besoin de Gardiens.

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