Une si belle utopie...

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Mickaël
Le matin du 7 octobre


Un autre détenu m'a fourni un lacet, en échange de la morphine, que j'ai volé à l'infirmerie pour lui. J'accroche ce lacet, que j'espère solide, et je ferme les yeux debout sur ce que j'ai de mieux pour cela.

Je vous aperçois déjà habillée de cette robe à fleurs, cette dernière que vous portiez, lorsque vous m'avez quitté ce jour-là. Vous continuez à danser sur le rythme éternel de la musique d'Edith Piaf, que chérissaient tant vos abominables parents. Je comprends dorénavant cette obsession, que j'avais dès lors pour cette artiste à qui vous attachiez tellement d'importance, tout en abhorrant le symbole qu'elle a pu représenter dans votre vie.

J'aime à m'imaginer ce qu'aurait été mon destin, si seulement, je possédais la chance de rencontrer Célia dans d'autres circonstances. Si j'étais né dans une famille moins complexe, si au détour d'une rue je l'avais tout simplement surpris en train d'attendre un taxi, et si je lui avais proposé un dîner dans notre tout premier lieu de rendez-vous. Mais cela n'est que des chimères très chère mère, cela ne rime à rien et n'enlève pas le regard de ma bien-aimée, lorsque ses hommes en costumes m'ont emmené à leur voiture.

Mère, je vous vouvoie toujours par habitude, alors que mes souvenirs me sont revenu. Il serait sans doute logique de vous tutoyer, comme lorsque vous viviez encore, mais je n'y parviens pourtant pas encore. Votre unique sentiment, me concernant, constitue inévitablement un abîme de déception, même les abysses d'Hadès ne saurait pas punir mes actes. Vous fondiez tant d'espoirs en ma personne, peu importait mes études, mon travail et les ornements de mes richesses, ce qu'il adviendrait de mon âme comptait davantage que toutes ces fioritures.

Derrière vous, il se dissimule mon oncle enfin accompagné de sa dulcinée, ses yeux livides reflètent toute la douceur des caresses de cette dernière. Tandis que ma tante, débarrassée de la prison de la prétendue morale de ses parents, s'épanouit dorénavant dans une vie qui lui appartient en compagnie d’Ayano Shiraishi. Un œil bienveillant et pleins de regrets glisse vers Antoine, cet innocent sacrifié, qui a entraîné avec lui la souffrance de sa sœur de la vie. Je le retrouve au côté de celui qui est passé de client à homme de sa vie. Une si belle utopie, et vous me tendez votre main pour la rejoindre dans ce voyage sans retour.

N'importe quelles excuses ne pourraient rattraper tout ce que j'ai commis, même Sénèque ne saurait me pardonner, comme il le disait : "Errare humanum est, perseverare diabolicum." L'homme peut se tromper, car il n'est pas perfectible, mais s'entêter dans son erreur en devient diabolique. Cette maxime était ce moyen de se déculpabiliser pour mes grands-parents, en ayant vite fait de ne retenir que la première partie de la phrase, ou se moquait-il peut-être simplement de la profondeur de celle-ci ? N'y a-t-il rien de pire que celui qui ignore tout le mal qu'il a fait et n'en tire aucun enseignement, n'ai-je d'ailleurs pas agi dans la digne lignée de mes aïeux ? Ôter la vie à Sandrine et m'en prendre par la suite à Elia, cela semble une continuité de ravages contre les autres autant que ma conscience morale.

Du sommet de sa folie, l'empereur Néron ne cessait d'ôter la vie à ceux qui lui rappelait sa jadis humanité : sa femme, ses amis et son dévoué conseiller Sénèque. Acculé par les révoltes et une condamnation à mort du sénat, il se transpercera la gorge d'un glaive afin de clore son existence. De toute façon, plus personne ne pouvait arrêter ce train qui déraillait depuis bien trop longtemps, tel Roberto Zucco plus tard dans la pièce de Bernard-Marie Koltès. Toute la volonté du monde d'un Hernani de fuir un destin qui n'est pas le sien, celui que son père lui a imposé en mourant sous l'épée du père de son ennemi héréditaire, qu'il doit désormais exécuter au nom d'un prétendu honneur familial. Il pourra tenter de s'évader, le temps d'une courte idylle, mais tel le signe qu'on échappe que peu à son passé, le son d'un cor sonnera la fin de son existence, comme ses sirènes de police qui ont fait cesser la mienne. Je ne parais vraisemblablement pas si différent de ces trois hommes, tantôt en quête d'eux-mêmes ou en recherche inconsciente de leur propre fin.

Je ressens le nœud qui se serre autour de mon cou. Il suffit d'un pas afin de tout achever et vous rejoindre mère plutôt te rejoindre maman. Célia et les autres, découvriront-ils comment a agi celle qu'ils se représentent comme une amie, contre... ?

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