À toi mon amour

3 minutes de lecture

Célia

Le matin du 6 octobre


On aurait davantage dû faire attention à Elia, la vie n'exerçait-elle pas assez son pouvoir destructeur sur cette innocente femme pour une nouvelle fois la persécuter ?

Elle jouissait pourtant d'une véritable chance de tourner la page de ces sinistres années, elle débordait d'espoir d'avenir et comptait également voyager avec un homme. D'ailleurs, cet homme figure parmi les abonnés absents, il n'éprouve pas le besoin de venir la voir, alors que je l'ai prévenu de l'hospitalisation d'Elia. Elle se sent encore déposséder du moindre bonheur qu'elle connaissait depuis une infime partie de ses jours. Le sadisme de la vie envers Elia comporte néanmoins des limites, un infirmier s'occupe particulièrement d'elle, à peine, je pars de sa chambre, qu'il court soi-disant lui faire un examen médical. Je jurerai qu'Elia n'est pas insensible à ce Guillaume aux radieux cheveux bouclés, après je l'ai vu exprès se changer à proximité d'elle et il faut avouer que son corps est parfaitement sculpté.

Qu'est-ce que je peux être superficielle, je m'insupporte. J'ai l'impression de ne penser qu'à la beauté des hommes, sachant que je ne bénéficie moi-même pas vraiment d'une beauté si avantageuse. Est-ce mon regard qu'il les rend beaux ou sont-ils beaux ? Cette question des philosophes de la Grèce antique semble perdurer : la beauté, est-elle dans le regard ou dans la chose regardée ? La beauté apparaît, à mon sens, subjective, mais elle demeure sans doute soumise à un conditionnement de la société. Mickaël, en tombant amoureux de ma personne, a conféré tout son sens à la vision d'Oscar Wilde, la beauté est dans les yeux de celui qui regarde. En tout cas, cet infirmier est la touche de beauté dans les méandres de malheurs de la vie de mon amie.

Ce que m'a dit Elia, persiste à hanter mon esprit, à chacune de mes visites, elle s'obstine à m'en reparler. Elle aurait découvert, que Mickaël a assassiné ma sœur dans un accès de rage amoureuse, par l'intermédiaire de l'oncle de celui-ci. Mickaël lui aurait en plus balancé un chandelier à la tête pour la faire taire. Tout cela reste très confus. Le médecin, ainsi que Mickaël, insistent sur le fait que les sévices qu'elle a endurés à cause de son agresseur, pourraient expliquer certains délires. Ne serait-je pas bien irresponsable de ne pas prêter attention à celles-ci, après tout ce qu'a pu faire Mickaël, sans que je n'en sache rien ?

La famille de Mickaël payera un jour tout ce qu'ils ont fait subir à Elia et bien d'autres. Un détail et non des moindres revêt un caractère énigmatique, Elia a laissé échapper un papier prouvant ses dires sous son canapé. Selon ses propos, ce n'en est qu'un parmi les nombreux documents que lui a dérobés Mickaël, avant de là ramener assommée chez elle. Je divague sur ce sujet, depuis un certain moment, sans avoir le courage de baisser ma tête pour regarder sous ce canapé.

Ces paroles ne constituent que des allégations délirantes issues des cauchemars d'Elia. Et si cela se révèle vrai; tous ces moments partagés avec lui, ces instants aux restaurants, ces heures passés dans ce train, toute notre idylle ? Elle ne reposerait que sur les affabulations et l'imposture de celui auquel je tiens. Je pourrais choisir de ne pas savoir, mais l'amère vérité vaut tellement mieux que les doux mensonges qu'on se raconte tous, afin de fuir la réalité autant que nous-même.

Je me suis désormais décidée, il faut que je regarde sur-le-champ. Un poème ? "À toi mon amour, Sandrine. Ton Mickaël..."

Ces trois mots se répètent inlassablement dans ma tête : amour, Sandrine et Mickaël. Ces mots achèvent ce poème enflammé, d'un amour qui ne fut apparemment jamais partagé, et qui a conduit à la mort de ma sœur !

Croire celui qui m'a tant menti, au lieu de mon amie, je suis d'une crédulité lamentable. Une confrontation avec Mickaël conduirait à ma mort, même si je suis pratiquement guérie de ma maladie, il pourrait si facilement me maîtriser. Je vais contacter la police et tout leur expliquer, mais je ne détiens aucune preuve qui l'incrimine directement.

Les épouvantables sentiments amoureux que je ressentirai toute ma vie pour lui me répugne, me dégoûte, me révulse... La dernière bête qui s'en est prise à ma petite sœur, elle a terminé agonisante avec une balle logée dans le cœur sur un sol aussi glacial que son âme. La mort serait un plaisir si paisible, je ferai tout pour que Mickaël passe le reste de sa vie dans un asile aussi infâme que son être.


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